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samedi 3 septembre 2022

LOUIS-LUCIEN BONAPARTE ET LA LANGUE BASQUE AUTREFOIS

LOUIS-LUCIEN BONAPARTE ET LA LANGUE BASQUE.


Louis-lucien Bonaparte, né le 4 janvier 1813 à Thorngrove (Worcestershire, Angleterre) et mort le 3 novembre 1891 à Fano (Marches, Italie), a été député, puis sénateur du Second Empire et philologue, spécialiste de la langue Basque.




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LOUIS-LUCIEN BONAPARTE



Voici ce que rapporta à ce sujet L'Echo de Paris, le 1er septembre 1912, sous la plume de Frédéric 

Masson, de l'Académie française :



"Le Prince Impérial.



Ce fût en juin 1874 que je le vis pour la première lois, l'unique, — car, depuis lors, retenu à Paris par son service, je ne pus, en cinq années, trouver le loisir de passer le canal. Nous avions été à Cambden place présenter nos hommages à l'Impératrice. Après une longue audience, elle nous mena à son fils. Dans la salle à manger, on avait étendu sur le parquet, un chemin de linoléum, et le prince, en tenue très simple, d'escrimeur-collégien, — pantalon de toile, veste de toile, masque à garniture rouge, — faisait vigoureusement assaut contre un très grand et très bel homme, mince, bien pris en sa taille, d'une désinvolture élégante, qui, en maillot noir, en veste noire aux enjolivements rouges, gants noirs et sandales noires, avait sous les armes la tenue d'une "première épée" et n'ignorait point l'art de mettre sa grâce en relief. Nécessairement, l'Impératrice et les personnes qui l'accompagnaient s'étaient placées, face au prince, qui tirait à fond, de tout son cœur, avec un besoin, de se dépenser, une ardeur au fer qui le mettait en prise à chaque instant ; mais l'escrimeur noir se contentait de parer et d'indiquer la riposte ; il avait, dans sa parade, quelque chose de lassé qui était suprêmement élégant, mais un peu dédaigneux, et qui, naturellement, provoquait de plus vives attaques, toujours infructueuses. A la fin pourtant, le tireur noir sentit que le prince s'énervait à subir une supériorité qui ne daignait pas même s'affirmer et il prit son parti d'attaquer. Pour un magnifique dégagé, il se fendit académiquement et, à ce moment, la galerie attentive perçut un léger déchirement. Le maillot noir avait craqué et, devant les marques de bienveillance par lesquelles l'Impératrice s'efforçait de couvrir les rires qui fusaient autour d'elle, le tireur hoir redoublait d'agilité, de grâce et de nobles efforts ; et, à chaque mouvement, une maille sautait, si bien qu'au bout de quelques instants une blessure s'ouvrit, assez large pour faire tout redouter. L'Impératrice interrompit l'assaut, combla de compliments le tireur noir et se retira, laissant le prince, qui ne comprenait rien à ces fous rires, achever, en tête-à-tête, ce duel fatal au maillot. 



prince napoleon
PRINCE IMPERIAL LOUIS-NAPOLEON 1878



Je revis le prince le surlendemain et je pus causer, avec lui durant une fin d'après-midi et une soirée. Il y avait assurément en lui infiniment de jeunesse et d'une jeunesse qui, comme dit Mme de Sévigné de son petit-fils, "lui faisait du bruit". Il eût aimé courir, sauter, lutter, remuer des armes, dompter des chevaux ; il se contraignait pour ne point s'échapper en des bondissements où se fût satisfaite l'exubérance de sa nature. Il était gai et son rire sonnait dans le château triste.



Ce soir-là dînait un des fils du prince de Canino : Louis-Lucien Bonaparte, personnage très curieux, très instruit, très remarquable, qui fut, à coup sûr, un des hommes sa chant le plus de petites choses. Né en 1813, à Thorngrove, durant que son père était plus ou moins prisonnier des Anglais, il se tenait pour demi-Anglais, bien que l'empereur Napoléon III l'eût appelé au Sénat et l'eût fait grand-officier de la Légion d'honneur. Il avait une tête superbe — très Bonaparte — et était fort bienveillant. Seulement, il émettait des idées qui paraissaient singulières, faute qu'on les entendît. Il avait commencé par étudier la chimie. Il avait fait, paraît-il, des découvertes éminentes, comme du valérianate de quinine. Mais, constatant qu'en ce genre d'études il ne serait point le premier et qu'il aurait vraisemblablement toujours des maîtres, il avait abandonné la chimie pour la linguistique, où il s'était passionné. Je crois bien qu'il avait débuté par entreprendre simplement un dictionnaire comparatif des langues européennes, et il en comptait cinquante-deux, sans parler des dialectes ; je ne pense pas qu'il ait poussé l'impression au delà du spécimen où il avait constaté les cinquante-deux façons dont les Européens expriment cinquante-six notions qu'il tenait pour essentielles. A la vérité, il les avait choisies d'une façon qui surprenait, mais qui, si l'on réfléchit, devait être révélatrice d'une sorte de philosophie, car il ne s'y rencontre aucun mot désignatif d'un objet. Ainsi donne-t-il les cinquante-deux vocables des mots : Dieu, esprit, ange, diable, âme, paradis, enfer, temps, année, printemps, été, automne, hiver, mois, semaine, jour, nuit, matin, soir, heure, monde, lumière, rayon, ombre, ciel, soleil, lune, étoile, air, vent, eau, goutte, onde, pluie, neige, glace, rosée, grêle, brouillard, nuage, tonnerre, éclair, foudre, feu, étincelle, flamme, fumée, charbon, cendre, terre, mer, île, lac, fleuve, torrent, rivière. Comme à cette brochure, qui fut imprimée à Florence, en 1847, il n'a mis aucune préface où il ait exposé sa doctrine, on est embarrassé de savoir pourquoi cette numération ; mais il n'est que de regarder l'ordre dans lequel sont rangées les langues. La basque vient la première et forme, elle seule, le groupe A. En suite, le groupe des langues finnoise, estonienne, laponne, hongroise, au nombre de huit, avec douze subdivisions ; enfin le groupe le plus nombreux, en apparence, de toutes les autres langues, au nombre de trente-neuf, rangées en huit groupes aussi. Le basque lui apparaissait donc, sinon comme ]a langue primitive, au moins comme la plus anciennement parlée en Europe et celle à laquelle il rapportait et comparaît les langues du second groupe. L'explication doit se trouver dans la Classification morphologique des langues européennes adoptée par le prince Louis-Lucien Bonaparte, pour son vocabulaire comparatif ; mais où trouver ces quatre pages in-4°, imprimées, en 1863, à quelques exemplaires ?  



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LOUIS LUCIEN BONAPARTE



Bien que l'on ait quelques notions sur la bibliographie du prince Louis-Lucien, l'on ne saurait jamais penser à connaître et moins encore à réunir son œuvre entière, la plus dispersée qui fût jamais, imprimée à très petit nombre, sur tous les points de l'Europe, parfois avec des caractères phonétiques fondus tout exprès, et comprenant de quatre à cinq cents numéros, où il mit son nom comme auteur ou comme éditeur, car s'il travaillait lui-même infiniment dans son incomparable bibliothèque, il éprouvait une joie singulière à publier les travaux de ses émules, de ceux qui prenaient la peine de traduire en quelque langue presque perdue, soit le Cantique de Salomon, soit l'Evangile selon saint Jean. 



S'il collectionnait ainsi les dialectes rares et que peu de gens parlaient, avec quelle admiration ne contemplait-il pas la dernière personne qui rendît une langue encore vivante ! On trouve dans un catalogue de ses livres, sous le N° 116 : "Photographie de la pierre tumulaire érigée en juin 1860, dans le cimetière de Saint-Paul, près Pensance-en-Cornouailles, par le prince Louis-Lucien Bonaparte et le Rév. Garrett, vicaire de cette paroisse, à la mémoire de Dorothée Pentreath, morte en 1776 et censée avoir été la dernière personne pouvant parler la langue cornique." Il avait traduit le Cantique de Salomon en vingt-trois dialectes anglais, mais c'était au basque qu'il s'était surtout attaché et nul que lui, peut-être, depuis Chaho, ne connaissait la délimitation dans les sept provinces basques de l'euscara et sa division en dialectes, sous-dialectes et variétés. 



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LOUIS LUCIEN BONAPARTE



Le prince Louis-Lucien parlait volontiers de ses Basques et le nom d'Augustin Chaho qu'il prononça nous servit de trait d'union : non certes que j'eusse la moindre connaissance des langues euscariennes-basques, mais que Chaho est, en outre, l'auteur d'un pamphlet : l'Espagnolette de Saint-Leu, que je cherchais avec passion, car ceux qui ne l'avaient point lu assuraient qu'il contenait des vérités essentielles sur la mort du duc de Bourbon. Pouvait-on penser qu'il y en eût deux éditions ? La première, celle de 1841, comportait-elle une seconde partie ? la seconde, celle de 1849, avait-elle eu plus qu'une livraison? Problèmes passionnants, pas pour ceux que n'a point touchés la folie du Livre, mais pour quelques rares fidèles. Après tout, Chaho en vaut bien d'autres. Pour le prince Louis-Lucien, connaître Chaho était le commencement de la sagesse, mais il avait d'autres divinités, en particulier les Cadolingiens : c'est des Cadolingiens que descendent les Bonaparte et leur illustration se trouvait, disait-il, obscurcie par la gloire qu'a accaparée Napoléon. Et il soutenait ce paradoxe surprenant par une fécondité admirable d'arguments et des citations sans nombre. 



Le Prince impérial, avec ses dix-huit ans rieurs, trouvait les allégations de son cousin tout à fait comiques, et l'on comprend qu'elles parussent telles à un jeune homme, mais il avait une telle bonne grâce à s'excuser, une telle vivacité de gentillesse, une telle loyauté, qu'il eût été impossible de lui garder rancune : aussi bien y avait-il chez le prince Louis-Lucien une conscience de sa supériorité — du moins en euscarien — sur tout le reste de l'humanité qui ne lui permettait point de s'arrêter à de telles vétilles. 


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LOUIS LUCIEN BONAPARTE


L'impression que j'emportai de Chislehurst fut définitive. Nécessairement fallait-il attendre que le prince se fût libéré, qu'il se fût mis hors de pages, et qu'il eût pris en mains la direction du parti : mais, ce jour-là, le parti aurait un chef et ce chef ne connaîtrait pas les demi-mesures. On pouvait compter sur son intelligence et sur sa vigueur. Peut-être aurait-il du militaire une prédilection un peu marquée, mais comment ne pas s'expliquer cette passion au lendemain de la guerre, chez un Napoléon ? Si sa jeune valeur l'emporta en de téméraires entreprises, n'est-ce pas justement qu'il était hanté du murmure de ces ignobles chansons par lesquelles on avait tenté de salir la mémoire de son père et ses premières impressions d'enfant-soldat ? Dans le beau livre que vient de consacrer à son élève M. A. Filon, se trouvent fixées par l'homme qui a le mieux connu le Prince impérial les justes impressions qu'il a laissées à ceux qui l'ont servi et qui l'ont aimé. C'est par ce livre qu'on acquerra une idée de la politique qu'il eût suivie, politique qui eût fatalement amené certains parlementaires à une rupture infiniment souhaitable. On avait été contraint par eux à des alliances qui rendaient le parti suspect à la démocratie, alors qu'il ne relève que d'elle, et que la devise du prince : Tout par le peuple et pour le peuple, devait être son unique profession de foi ; on avait subi pour le service des parlementaires les équivoques coalitions du 16 Mai, où l'on risquait de gagner quelques vagues sièges à la Chambre, moyennant qu'on abandonnât les principes, qu'on compromît le drapeau et que l'on rendît possible dans l'avenir une restauration orléaniste : tout cela avait été fait, par les parlementaires et contre le gré du Prince. Pour ceux qui, à contre-cœur, ont exécuté des ordres dont, en leur for intérieur, ils discutaient l'opportunité, c'est un soulagement profond d'apprendre d'une façon certaine que le Prince condamnait les alliances par lesquelles son parti se trouva solidarisé avec les partis monarchiques et entraîné dans leur défaite, alors qu'il eût dû rester ce qu'il est, la seule branche hiérarchisée, capable d'organiser, de gouverner et d'administrer, du parti républicain."



(Source : Wikipédia)




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mercredi 1 juin 2022

LES CARLISTES EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN 1874

LES CARLISTES EN GUIPUSCOA EN 1874.


Charles VII voyant s'éloigner la possibilité de restauration bourbonienne, dans chacune de ses deux branches, il déclenche, en 1872, la Troisième Guerre carliste. La guerre se terminera en 1876 avec la conquête d'Estella, en Navarre, la capitale carliste.



pais vasco antes guerras carlistas
TABLEAU SOLDATS AU REPOS
PAR JOSE BENLLIURE Y GIL VERS 1876




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Temps, le 14 novembre 1874 :



"Lettres d’Espagne. 

(De notre correspondant spécial.), 

Renteria, 10 novembre. 



Aujourd'hui nous avons pris San Marcos avant déjeuner. Demain nous espérons prendre mieux encore, dussions-nous jeûner tout le jour. 



San Marcos est une position redoutable qui domine la route de Saint-Sébastien à Irun, juste au-dessus du village de Renteria. Tant que les carlistes l’occupaient, nous ne pouvions pas nous lancer en avant sans crainte d’être attaqués par derrière et de perdre notre ligne de communication avec la mer. Maintenant nous sommes sans inquiétude, et s’il est vrai que le gros des forces ennemies nous attend de pied ferme à Oyarzun, entre Renteria et Irun, nous pourrons l’attaquer franchement, en nous appuyant sur une excellente base d’opérations.



Il y à deux heures à peine que nous avons vu nos troupes couronner la hauteur de San Marcos. Je ne puis donc pas raconter l’affaire en détail. Le général en chef lui-même serait encore sérieusement embarrassé si on lui demandait une relation minutieuse de ce combat préliminaire. Mais je puis vous dire simplement ce que j’ai vu, de mes yeux vu, et ajouter à mon récit quelques explications sommaires qui m’ont été obligeamment fournies par le chef de notre état-major, M. le général Ruiz Dana. 




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DON CARLOS ET SES GENERAUX
LE MONDE ILLUSTRE 21 NOVEMBRE 1874



Des troupes avaient été envoyées d’avance à Renteria hier et avant-hier. Ces troupes avaient préparé l’attaque en tiraillant quelque peu devant elles pour reconnaître les positions de l’ennemi. Ce matin, le quartier général et la plus grande partie des forces qui restaient à Saint-Sébastien se sont mis en mouvement vers six heures et demie. Cela n'est certes pas une heure qui puisse effrayer un war-correspondent rompu aux exigences de son métier. Pourtant j’ai failli être en retard, je l’avoue à ma honte. C’est que mon petit bucéphale, un diablotin plein de malice, ayant eu hier au soir la mauvaise inspiration de se cabrer au moment où je me penchais en avant pour allumer une cigarette, m’avait poché les yeux et meurtri le nez d’un coup formidable de ce petit os pointu qui termine les têtes de chevaux entre les deux oreilles. La secousse avait été assez forte pour me faire perdre connaissance, et je m’étais réveillé tout couvert de sang dans les bras de quelques miquelets au moins aussi effrayés que moi. 



La contusion en réalité n’était pas grave, "ne valait même rien du tout", suivant l’expression d’un bon chirurgien militaire de mes amis, mais la douleur m’avait empêché de dormir jusque vers cinq heures du matin. Lorsque la diane a sonné, le sommeil venait de me prendre, un sommeil abrutissant qu’on a eu bien de la peine à dissiper. Il a fallu que Fausto me secouât à m’arracher les bras et quand je me suis élancé sur la route au galop de mon diablotin quadrupède, M. le général en chef était déjà tout près de Renteria. Mais il n’y a que huit kilomètres d’ici à Saint-Sébastien. Je les ai dévorés en vingt minutes à travers les mulets du parc d’artillerie, que mon visage bouffi, mes yeux cernés de noir et mon nez bleuâtre épouvantaient visiblement. Quand j’ai mis pied à terre l’engagement commençait à peine et l’état-major venait, de quitter le village pour grimper au petit fortin de Darieta, choisi comme observatoire par M. le général en chef. Il me fut très facile de le rejoindre à mi-côte. 



Si j’avais été moins pressé, j’aurais eu bien du plaisir à flâner une bonne demi-heure dans les rues de Renteria. Cette petite ville pittoresque, située en face de l’admirable port de Pasajes, m’était bien connue. Plus d’une fois je m’y étais arrêté en temps de paix, et je l'avais trouvée tout à fait digne d'être chantée dans une idylle. Mais que ce temps est loin ! Des murs crénelés construits à la hâte enferment aujourd’hui l'aimable Renteria, qui s’est revêtue d’un air farouche. Un grand nombre de maisons ont muré leurs fenêtres, et du côté qui regarde la campagne on ne voit plus que de sinistres meurtrières. Tout autour de l’église il y a des fortifications en terre, des couloirs étroits entre des parapets disposés pour garantir les passants contre le feu plongeant d’un ennemi haut perché. Les rues regorgent de soldats, de chevaux et de bêtes de somme qui se croisent en tout sens. C’est un pandémonium à vous faire perdre la tête. Ici des soldats en gaieté marchandent des morues en lutinant les vendeuses ; là, des mulets se livrent une bataille dangereuse, car quelques-unes de ces bêtes enragées portent des boîtes pleines d’obus ; là, un orchestre pourvu de cuivres formidables salue un régiment qui défile au pas de charge ; là, des clairons criards sonnent furieusement l’assemblée ; partout on se heurte, on s’écrase, on crie, on rit, on se démène. Ce sont là des scènes qui captivent et retiennent un amateur passionné des choses pittoresques ; mais la bataille allait commencer, il fallait se hâter pour voir le premier acte. Je n’ai donc pu que bondir à travers cette belliqueuse fourmilière. 



Le petit fort de Darieta est situé sur un coteau assez élevé à gauche de la route de Saint-Sébastien à Irun, juste au-dessus de la station du chemin de fer. Il se compose d’un grand bâtiment de ferme dont on a renforcé les murs et qu’on a entouré d’une muraille et d’un fossé, en ménageant de petites plateformes pour les pièces d’artillerie.  



Il est juste en face de l’ermitage de San Marcos, qui se trouva de l’autre côté de la route, sur une montagne beaucoup plus haute et passablement escarpée. Lorsque nous y sommes arrivé, les colonnes d’attaque venaient d’ouvrir le feu. 



Le général Loma, chargé par le général en chef d’enlever la position, était sorti de Renteria pour attaquer la montagne par la gauche avec deux bataillons de chasseurs et trois compagnies de miquelets, pendant que le brigadier Bargès, quittant la ville par l’autre côté, se mettait en marche avec les régiments d’Asturias et de Castilla pour l’attaquer par la droite. 



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LE MONDE ILLUSTRE 21 NOVEMBRE 1874



Des deux côtés nos troupes grimpent assez rapidement sur les premiers contreforts ; mais une fois établies là, elles y restent longtemps sans pouvoir avancer. Les carlistes embusqués dans de longues tranchées les accueillent par une fusillade bien nourrie. On dirait des feux de peloton jamais interrompus. De temps en temps, quand les défenseurs de la tranchée ont épuisé leurs munitions, on voit de forts détachements descendre en courant de la crête de San Marcos pour les relever. Le feu des nôtres n’est pas moins vif, et il est assez fréquemment accentué par le tir des quelques grosses pièces de Darieta. Bientôt les petits canons du système Plasencia s’en mêlent. Portés à dos de mules, ils n’ont pas tardé à gravir les contreforts derrière l’infanterie, et l’état-major applaudit à plusieurs coups heureux de ces batteries grimpeuses. 



À voir ce qui se passe, on serait tenté de croire que l’intention des assaillants est de prendre la position de front. Mais ce n’est heureusement pas là ce que la consigne leur a ordonné de faire. Pendant que les tirailleurs que nous voyons devant nous entretiennent un dialogue des plus animés avec les tranchées ennemies, d’autres que nous ne voyons pas, exécutant un mouvement tournant, se préparent à gravir la montagne par derrière. Nous ne tardons pas à nous en apercevoir. Une fusillade furieuse éclate dans le lointain de l’autre côté de San Marcos et tout à coup la tranchée carliste s’éteint. C’est que ses défenseurs ont compris ce qui se passe de l’autre côté. S’ils s’obstinent, ils risquent d’être enveloppés. Or, vous savez que dans ces cas-là, les carlistes n’hésitent jamais à battre en retraite. Aussi avons-nous bientôt le plaisir de les voir défiler sur la crête et disparaître. Les nôtres s’élancent, nous les voyons courir comme des chèvres et bientôt une grande colonne de fumée qui s’élève au-dessus de l’ermitage, nous apprend que San Marcos est à nous. "Allons nous-en, dit joyeusement le général, c’est assez de besogne pour le premier jour," et nous redescendons au village après avoir vu en guise de bouquet du feu d’artifice une de nos grosses pièces envoyer un obus au nez d’un petit canon carliste qui avait eu la malheureuse idée de se démasquer au dernier moment, très loin de nous sur les hauteurs d’Oyarzun. 



L’affaire a duré trois bonnes heures ; quatre bataillons de la ligne, deux bataillons de chasseurs et trois compagnies de miquelets y ont pris part, et cela nous a coûté un peu plus d’une centaine d’hommes, dont la grande majorité ne sont que blessés. En fait d’officiers supérieurs, le seul touché est un lieutenant-colonel d’Asturias, qui a reçu une blessure grave dans la région du cœur. Le corps qui a le plus souffert est celui des miquelets. On m’assure que près d’une trentaine de ces vaillants ont été blessés. Déjà le plus grand nombre des pauvres garçons qui ont payé de leur sang la précieuse victoire de ce matin sont en route pour Saint-Sébastien. Des bataillons qui n’ont pas travaillé montent à San Marcos pour relever les troupes victorieuses, et le reste de l’armée s’occupe de préparer le repas du soir. Pour moi je cours à la recherche du général pour le féliciter, après quoi je me propose de me remettre au régime de l’arnica jusqu’au retour de l’aurore. 



On dit que le général Laserna, très satisfait du résultat de la journée, est malgré cela très en colère contre les miquelets qui, tout en se battant, ont mis le feu à une vingtaine de caserios — ce sont les maisons des paysans perchées sur la montagne — et qu’il se propose de publier de main un ordre du jour blâmant sévèrement ces mesures de rigueur dont aucun général n’accepte la responsabilité. Mais on assure, d’autre part, que toutes les maisons incendiées n’ont pas été allumées par les miquelets. Les carlistes eux-mêmes ont mis le feu à celles qui auraient pu servir de refuge et de forteresse aux colonnes d’attaque, et d’autres ont été brûlées par des habitants de Renteria, sortis de la ville exprès pour cela derrière les troupes. "La destruction de ces maisons est non seulement un juste châtiment, disent les indigènes libéraux, c’est aussi une mesure de précaution, parce que, aussitôt l’armée partie, les carlistes recommenceront à s’embusquer dans ces maisons pour nous cribler à coups de fusil." Je dois ajouter, du reste, que tous les habitants des villes, exaspérés par la longue durée de la guerre, excitent les soldats à les venger en détruisant tout ce qui appartient aux populations carlistes. On entend partout les bourgeois blâmer les généraux de faire la guerre avec trop de douceur. Mais je puis affirmer que M. le général Laserna, pour sa part, semble décidé à ne pas se laisser en traîner par ces excitations. Je lui ai entendu déclarer hautement qu’il désapprouvait tout attentat quelconque contre les propriétés des carlistes


pais vasco antes guerras carlistas
LE MONDE ILLUSTRE 7 NOVEMBRE 1874


Irun, 10 novembre. 


Quelle journée ! non pas chaude, militairement parlant, comme dirait Dumanet, mais fatigante, énervante, riche en surprises agréables, très heureuse en somme, puisque le succès est aussi complet que possible, et pourtant pénible à cause de certains excès déshonorants. 



L’attaque des positions carlistes a commencé de bonne heure ce matin. Il tombait une petite pluie fine qui jetait un voile sur toutes les hauteurs. Cette brume a d’ailleurs profité à l’armée nationale, parce qu’elle lui a permis de cacher les débuts de l’opération décisive. 



La prise de San Marcos, ainsi que je vous l’ai dit, permettait à l’armée de s’avancer franchement contre les lignes carlistes établies en travers de la route de Saint-Sébastien à Irun. L’aile droite de l’ennemi s’appuyait au Jaizquebel, montagne très escarpée et très étroite qui forme la falaise de l’embouchure de la Bidassoa à l’entrée du port de Pasajes. Sa gauche occupait le village d’Oyarzun, et derrière le village le mont Urcabe, muni de bonnes tranchées. Le point central de ces lignes, passablement étendues, est une vieille tour du télégraphe aérien qui domine la route et couronne un petit monticule où les carlistes avaient creusé une longue tranchée. Nous avons eu la preuve que l’intention des chefs ennemis était de résister sérieusement dans ces positions excellentes. La route avait été coupée pendant la matinée, et des arbres qui pouvaient gêner le tir de la tranchée avaient été abattus à la hâte ; d’autres travaux de défense avaient été commencés, mais il est facile de voir que la besogne a été brusquement interrompue par l’arrivée de la troupe. Rien n’est achevé ; partout nous avons trouvé des pics, des pioches et cent autres outils, même des pièces de vêtement qui révèlent une fuite précipitée. En ne défendant pas le Jaizquebel qui, sans doute, leur paraissait inaccessible pour l’armée nationale, les carlistes ont commis une faute grave, parce que cette montagne domine leurs positions du centre. Aussitôt que la troupe s’en est emparée, il fut impossible aux défenseurs des tranchées de rester dans leurs couloirs étroits, enfilés par nos feux dans le sens de la longueur. 



pais vasco antes guerra carlista
TRANSPORT D'AMBULANCES A ENDARLAZA
L'UNIVERS ILLUSTRE 14 NOVEMBRE 1874



Mais il faut maintenant raconter comment l’attaque s’est faite. Le général Portilla commandait notre gauche, le général Loma notre droite ; Blanco était resté au centre avec le général en chef et le parc mobile d’artillerie. A quatre heures du matin, Portilla sortait de Pasajes et gravissait lentement les escarpements du Jaizquebel, sans que l’ennemi pût le voir. A huit heures, son avant-garde défilait sur la crête, juste au-dessus du petit fort de Darieta, où le quartier général s’était établi comme la veille pour surveiller l’ensemble des opérations. Vers onze heures, toute notre aile gauche dominait les positions carlistes et commençait à les canonner avec ses petites pièces du système Plasencia. L’ennemi ne songea même pas à résister ; il battit en retraite sans tirer un seul coup de fusil. 



Pendant que cela se passait à notre gauche, Loma, qui avait quitté Renteria vers sept heures, attaquait résolument les positions d’Oyarzun où les carlistes se défendaient avec une certaine vivacité. Les détails me manquent sur le combat acharné qui s’est livré sur ce point ; mais je crois qu’il n’a pas duré plus d’une heure. Aussitôt qu’il se fut emparé d’Oyarzun, Loma se dirigea vers Irun sans être le moins du monde inquiété en chemin. 



Quant au quartier général, qui était resté au centre, il s’est mis en route vers onze heures précédé par le général Blanco. Nous savions en quittant Renteria que les carlistes ne se défendaient guère dans les positions dominées par le Jaizquebel, mais nous ne pouvions pourtant pas supposer qu’ils battraient en retraite sans essayer au moins de se venger par quelques salves de mousqueterie. Aussi notre surprise fut grande lorsqu’on vit les troupes de Blanco escalader sans un seul coup de feu le monticule où se trouve la tour du télégraphe. Bientôt nous étions nous-mêmes paisiblement installés autour de ce vénérable édifice, et c’est là que nous avons passé toute l’après-midi, à la fois joyeux et inquiets. 



Nous étions fort enchantés de n’avoir subi aucune perte, mais nous étions fort chagrinés de n’avoir aucune nouvelle du général Loma. Quelques-uns supposaient que la retraite des carlistes n’avait été qu’une manœuvre stratégique pour écraser Loma. Qui sait, disait-on, s’ils ne se sont pas tous jetés sur notre aile droite ? Des heures se passèrent ainsi. Nous n’entendions rien, nous ne voyions rien. Enfin des officiers d’état-major envoyés en reconnaissance avec deux ou trois compagnies nous apportèrent la nouvelle que Loma était déjà en vue de la ville d’Irun et qu’après l’affaire d’Oyarzun il n’avait plus eu maille à partir avec l’ennemi. 



Aussitôt le général donné l’ordre du départ et nous descendons joyeusement à Irun sans que rien ne trouble notre marche. 



Malheureusement cette belle journée a été empoisonnée par de bien désagréables émotions, ainsi que je l’ai indiqué au commencement de cette lettre. Partout, sur le passage de nos colonnes, des incendies éclataient, sans que dans la plupart des cas il fût possible de savoir qui les avait allumés.



Le général en chef était désolé. Il fallut envoyer des patrouilles de hussards et de gendarmes pour protéger les fermes très nombreuses dans ce pays, et on put ainsi prendre sur le fait et arrêter une douzaine de misérables qui s'amusaient à mettre le feu dans les maisons devant lesquelles nous passions. En vertu d’un ordre du jour rédigé la veille par le général en chef lui-même, ils seront jugés en conseil de guerre et traités avec toute la rigueur des lois militaires. 



Mais ce ne sont pas seulement les cantiniers et d’autres personnages suspects accompagnant l’armée qui sont coupables d’avoir ainsi brûlé un grand nombre d’édifices. Les volontaires d’Irun et les miquelets ont fait pis encore. Aussitôt débarrassés du voisinage des carlistes, ils sont sortis de la ville et ont mis le feu partout. 



Lorsque nous sommes arrivés, à la nuit tombante, le pays tout entier brûlait. Des centaines de spectateurs entassés sur le rivage français contemplaient ce spectacle grandiose mais lugubre. 



Le général a juré qu’il ferait justice, et je crois qu’il tiendra sa parole. Un chef militaire peut ordonner parfois des incendies systématiques pour châtier une population coupable ou pour protéger son armée par la terreur, mais il ne peut jamais permettre à ses hommes de détruire pour le plaisir de détruire, ou pour satisfaire des vengeances personnelles. 



pais vasco antes tercera guerra carlista
TRANSPORT DE MULETS A PORTUGALETE
L'UNIVERS ILLUSTRE 14 NOVEMBRE 1874



Hendaye, 11 novembre. 


Tout est fini de ce côté. Saint-Martial est occupé par les troupes nationales ; il n’y a plus de carlistes dans le voisinage. Nous avons passé une nuit fatigante. Les soldats entassés dans la ville d’Irun, trop petite pour contenir tant de troupes, avaient allumé partout des feux et cela sans la moindre précaution. Trois maisons ont pris feu, et il a fallu travailler toute la nuit pour empêcher l’incendie de détruire la ville entière."



(Source : Wikipédia)





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mercredi 14 avril 2021

LA LANGUE BASQUE ET LA LANGUE HONGROISE EN 1877 (deuxième et dernière partie)

 

LA LANGUE BASQUE ET LE MAGYAR.


Il existe depuis longtemps de nombreuses hypothèses sur l'origine de la langue Basque.

Vers les années 1860, le prince Louis-Lucien Bonaparte, linguiste distingué, trouve des similitudes entre les langues finno-ougriennes, dont le Magyar et la langue Basque.




pays basque autrefois litterature
ESSAI SUR LA LANGUE BASQUE 1877 
PAR JULES VINSON



Voici ce rapporta à ce sujet Jules Vinson :


"...La phonétique de l'escuara est simple ; les sons le plus généralement employés sont les sifflantes, les nasales et les gutturales dures : les consonnes douces tombent souvent entre deux voyelles. On y rencontre assez fréquemment de ces sons mixtes, intermédiaires entre les palatales et les gutturales, qu'affectionnent les idiomes du second groupe. Un des traits dominants est l'interdiction absolue de la gémination des consonnes, l'aversion des groupements de consonnes et le soin de compléter par une voyelle épenthétique les consonnes finales muettes : il est probable qu'à l'origine les mots se composaient d'une suite de syllabes régulièrement formées d'une consonne et d'une voyelle.



La dérivation formelle s'opère par la suffixation des éléments de relations ; les signes pronominaux sont pourtant aussi préfixés aux verbes. A part cette différence, les noms et les verbes ne sont pas traités de deux manières distinctes ; ils sont également susceptibles de recevoir les suffixes marquant les rapports de temps et d'espace, dont beaucoup ont conservé entières et leur signification propre et leur forme sonore antique. L'article est le pronom démonstratif éloigné. Les pronoms "nous" et "vous" ne sont point les pluriels de "je" et de "tu" ; ils ont tout l'aspect d'individualités spéciales. On ne forme point de dérivés possessifs : "ma maison" par exemple se traduit par "la maison de moi" et ne présente aucune analogie de forme avec "je mange" ou toute autre expression verbale. Il n'y a pas de genres, mais quelques suffixes sont spécialement remplacés par d'autres avec des noms d'êtres animés, et dans le verbe il y a des formes particulières pour indiquer si l'on parle à un homme ou à une femme. Il n'y a pas de duel. Le signe de pluralité s'intercale entre l'article et les suffixes, mais il peut y avoir, au singulier seulement, une déclinaison indéfinie ou indéterminée, sans article. Il convient de mentionner en outre la double forme des nominatifs, dont l'une ne sert que comme sujet d'un verbe actif ; c'est tout à fait la distinction signalée par M. Fr. Müller dans les langues australiennes entre le nominatif subjectif et le nominatif prédicatif.



La conjugaison est très compliquée. Le verbe basque sait résumer en une seule expression verbale les relations d'espace, de personne à personne, subjectives (idée de neutralité, d'action limitée à son auteur), objectives (idée d'action sur un régime direct) et attributives (idée d'une action faite au profit d'un objet indirectement visé, idée du régime indirect); les relations de temps ; les relations d'état correspondant à autant de modes distincts ; — les nuances de l'action rendues par diverses voix dérivées ; les nuances de sujets ou régimes marqués par les nombreuses formes personnelles ; les nuances de temps et d'état que traduisent les conjonctions de nos langues modernes. A chacune de ces relations ou nuances est affecté un suffixe, souvent considérablement abrégé et réduit, mais à peu près toujours sensible.



Le verbe basque primitif, c'est-à-dire complètement développé, ne différait pas de celui des autres langues du globe. Il ne comprenait que deux modes, l'indicatif et le conjonctif qui dérivait de l'indicatif par un suffixe, et trois temps : le présent, l'imparfait et une sorte d'aoriste impliquant la possibilité éventuelle. Il ne connaissait qu'une voix secondaire, dérivée par un suffixe spécial, la causative. Il joignait à ces formes les signes des régimes directs et indirects, ce qui est le caractère essentiel des idiomes incorporants.


pays basque autrefois litterature
JULES VINSON



Pendant sa vie historique, pendant sa période de décadence formelle, le verbe a éprouvé, en basque, des accidents dont on ne trouve nulle part d'exemple aussi complet. La conjugaison primitive ou, si l'on veut, simple et directe des noms verbaux est peu à peu tombée en désuétude et a été remplacée par une remarquable composition de noms verbaux, d'adjectifs et de verbes auxiliaires.



C'est ainsi que l'escuara en est arrivé à développer, dans l'ensemble de ses dialectes, onze modes et quatre-vingt-onze temps dont chacun compte trois personnes de chaque nombre ; chaque personne, variable suivant le sexe ou l'honorabilité de la personne interpellée, reçoit en outre un certain nombre de terminaisons qui jouent le rôle de nos conjonctions. De plus, de l'ensemble des auxiliaires, on a formé deux séries parallèles qui, jointes alternativement aux noms d'action, produisent les deux voix active et moyenne, ou mieux transitive et intransitive. Les auxiliaires de la conjugaison périphrastique sont presque les seuls restes du système simple primitif.



Quant à la syntaxe, le basque ressemble à toutes les langues agglutinantes. La proposition est toujours simple. Les phrases sont généralement courtes ; les pronoms relatifs sont inconnus. La complexité du verbe, qui réunit en un seul mot beaucoup d'idées, contribue à cette simplicité de la proposition, où le sujet et l'attribut tendent manifestement de leur côté à ne former qu'un tout avec leurs compléments respectifs. Ce but est atteint par l'invariabilité des adjectifs et surtout par la composition.




L'adjectif se place après le nom qualifié, tandis que le génitif précède au contraire le nom possesseur.



La composition a pris en basque assez d'extension pour que plusieurs mots juxtaposés aient pu se contracter et se réduire souvent de façon à se confondre partiellement les uns dans les autres. C'est un procédé familier aux idiomes du Nouveau-Monde ; c'est proprement ce qui constitue le polysynthétisme qu'il faut soigneusement distinguer de l'incorporation : ce dernier mot doit être réservé pour désigner plus particulièrement les phénomènes de conjugaison objective ou attributive communs aux idiomes de la seconde forme.



Le vocabulaire basque est au demeurant fort pauvre. Bien qu'il soit encore imparfaitement connu, car les anciens livres et les noms de lieux, ainsi que certaines variétés dialectales peu étudiées ont dû conserver des mots généralement oubliés, on peut affirmer que les termes réellement basques n'expriment pas d'idées abstraites. En dehors des mots gascons, français, espagnols, latins, empruntés, on ne trouve pas de traces d'une civilisation bien avancée et l'on se trouve en présence de fort peu d'expressions impliquant une collectivité, une généralisation. Point de mot ayant le sens large de notre "arbre", de notre "animal" ; "Dieu" est simplement, par anthropomorphisme, "le maître d'en haut" ; et le même terme rend nos idées "volonté, désir, fantaisie, pensée". Les mots d'emprunt sont d'autant plus nombreux que l'influence des dialectes aryens s'exerce depuis de très longs siècles ; c'est vraisemblablement par leur contact avec les races indo-européennes que les Basques, ou ceux qui parlaient le basque, sont arrivés à la vie historique.



Aussi, pour étudier ce singulier idiome, faut-il bien savoir l'histoire du devenir du latin dans la région pyrénéenne. On n'est d'ailleurs pas aidé par les documents écrits, car il n'y a pas (et il ne peut pas y avoir) de littérature basque originale. Le livre plus ancien a été publié en 1545 le second en date est le Nouveau Testament protestant de la Rochelle, imprimé en 1571 par ordre de Jeanne d'Albret.



Une autre difficulté, c'est l'extrême variabilité de la langue ; il n'est peut-être pas deux villages où l'on parle absolument de la même manière. Ceci est tout naturel du reste chez un peuple illettré et qui ne peut se mettre au niveau de ses voisins qu'en oubliant son antique langage. Ces diverses variétés se groupent aisément en dialectes secondaires : le prince L.-L. Bonaparte en reconnaît vingt-cinq qui se réduisent assez facilement à huit grands dialectes. Un examen approfondi ramène ces huit divisions régionales à trois, c'est-à-dire que les différences entre les huit dialectes principaux sont inégales et permettent des rapprochements partiels.



Les huit dialectes sont : 1° le labourdin ; 2° le souletin ; 3° le bas-navarrais oriental ; 4° le bas-navarrais occidental ; 5° le haut-navarrais septentrional ; 6° le haut-navarrais méridional ; 7° le guipuzcoan ; 8° le biscayen. Le souletin et les deux dialectes bas-navarrais forment un premier groupe, oriental si l'on veut ; le biscayen seul forme le groupe occidental ; les quatre autres constituent le groupe central.



Ces noms sont tirés des subdivisions territoriales. La Soule était une province relevant de la Navarre, qui comprenait, dans le département actuel des Basses-Pyrénées, les cantons de Mauléon et de Tardets, ainsi que quelques communes du canton de Saint-Palais, de l'arrondissement de Mauléon. Le Labourd, vicomté vassale du duché d'Aquitaine, correspondait aux cantons de Bayonne (moins cette ville et trois autres communes), de Saint-Jean-de-Luz, d'Ustaritz, d'Espelette et de Hasparren (partie), dans l'arrondissement de Bayonne. Le surplus des deux arrondissements français que nous venons de nommer composait la Basse-Navarre, subdivisée en pays de Cize, Mixe, Arberoue, Ostabaret et vallées d'Ossès et de Baigorry; c'était primitivement la sixième merindad du royaume de Navarre qui s'étendait en Espagne jusqu'au delà de l'Èbre entre Gardes et Cortes d'une part, Viana et Vera de l'autre. Le Guipuzcoa contient les partidos (cantons) de Saint-Sébastien, Tolosa, Azpeitia, Vergara. La Biscaye comprend tout le terrain entre Ondarroa et la rivière de Sommorostro, entre la Carranza et la Pena de Gorbea.



Les dialectes ne correspondent point exactement aux subdivisions territoriales dont ils portent le nom. Ainsi, le bas-navarrais occidental est parlé dans une partie de l'ancien Labourd ; le biscayen en Guipuzcoa. Enfin, sur les cartes géographiques espagnoles, on trouve une autre province basque, l'Alava : c'est à peine pourtant si l'on y parle basque, à sa limite septentrionale, le long d'une bande étroite: le dialecte des localités alavaises qui y sont comprises est le biscayen. En résumé, le dialecte biscayen est en usage dans l'Alava, la Biscaye et le tiers occidental du Guipuzcoa (Vergara et Salinas) ; le guipuzcoan, dans presque tout le reste du Guipuzcoa ; le haut-navarrais septentrional dans quelques villages du Guipuzcoa sur la frontière française (Fontarabie, Irun, etc.), et dans les territoires de Baztan, Ulzama, Lerin, Basaburua Mayor, Larraun ; le haut-navarrais méridional dans le surplus de la Navarre basque ; le labourdin dans la partie sud-ouest de l'arrondissement de Bayonne (Suivant le prince L.-L. Bonaparte, le labourdin n'est parlé que dans les dix-sept localités suivantes: I. 1. Sare, Saint-Pée, Ahetze, Zugarramurdi (Espagne), Urdax (Espagne) ; 2. Ainhoa; 3. Saint-Jean-de-Luz, Ciboure, Urrugne (et Béhobie), Hendaye, Biriatou, Ascain, Guéthary, Bidart ; II. Arcangues, Bassussary, Arbonne.) ; le bas-navarrais occidental, dans le nord-est du même arrondissement ; le bas-navarrais oriental dans le nord-ouest et le souletin dans le sud-est de celui de Mauléon."



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dimanche 14 mars 2021

LA LANGUE BASQUE ET LA LANGUE HONGROISE EN 1877 (première partie)

LA LANGUE BASQUE ET LE MAGYAR.


Il existe, depuis longtemps, de nombreuses hypothèses sur l'origine de la langue Basque.

Vers les années 1860, le prince Louis-Lucien Bonaparte, linguiste distingué, trouve des similitudes entre les langues finno-ougriennes, dont le Magyar et la langue Basque.




pays basque autrefois langue magyar
ESSAI SUR LA LANGUE BASQUE 1877 
PAR JULES VINSON



Voici ce rapporta à ce sujet Jules Vinson :



"Je me trouvais à la fête de Sare, en plein bays basque, il y a cinq ans déjà, et je parlais linguistique avec M. Antoine d'Abbadie à la générosité duquel cette fête doit tout son éclat. C'est à Sare en effet que se tient tous les ans le concours de poésie basque ; c'est là que l'heureux vainqueur reçoit le prix fondé par M. d'Abbadie, une somme de 80 fr., ainsi qu'un makhila (bâton national) argenté, offert au meilleur poète par M. Amédée de Laborde Noguez, d'Ustaritz. Tout en causant du progrès des études basques et de quelques publications récentes, nous en vînmes à remarquer que l'Allemagne avait donné aux travaux relatifs à la un très médiocre contingent. M. d'Abbadie se souvint alors que le savant euscarisant de Londres, le prince Louis-Lucien Bonaparte, lui avait parlé d'un mémoire en hongrois, paru il n'y avait pas longtemps à Pest. M. d'Abbadie ne connaissait pas ce mémoire et ne le possédait point dans sa riche bibliothèque.



Le prince Bonaparte, auquel je dois déjà beaucoup de renseignements précieux, voulut bien, sur ma demande, me donner le titre exact de ce travail. Mon ami Abel Hovelacque fit un voyage en Hongrie quelques mois après et se chargea de me procurer cette pièce rare et si peu connue. Un autre de nos amis Émile Picot, alors consul de France à Temesvàr, voulut bien s'en occuper lui- même ; il eut l'obligeance de se rendre à Pest, d'y chercher l'auteur du mémoire, M. Fr. Ribàry, et de lui exposer ma requête. Ce ne fut pas sans peine, paraît-il, qu'on parvint à réunir les deux livraisons du journal magyare où avaient été publiées les deux parties de ce travail ; la complaisance de mes amis triompha de tous les obstacles, et le 28 mai 1872 je recevais les deux brochures si impatiemment désirées.



Mais il fallait se rendre compte de la valeur de ce travail. Au premier abord, bien que je n'y comprisse absolument rien que les citations basques, il m'avait beaucoup plu par sa disposition méthodique : il me tardait de voir ce qu'il contenait, et le plus simple me parut de le traduire en français. Ce ne fut qu'une année après, le 15 juillet 1873, que je pus commencer cette traduction ; je la terminai le 26 août suivant. Le tamoul et le basque m'ont donné l'habitude des langues de la forme du hongrois ; aussi n'éprouvai-je point à traduire le mémoire de M. Ribary de difficulté sérieuse. Pendant l'été de 1874, je relus et révisai ma traduction qu'on m'avait proposé de faire imprimer. Je dus la revoir une troisième fois et me mettre en rapport avec l'auteur que j'avais besoin de consulter à propos de certains passages qui m'embarrassaient un peu. Le 10 novembre 1875, j'expédiai à Paris à mon ami Picot, qui a fait preuve en tout ceci d'une complaisance inépuisable, le manuscrit complet et mes notes complémentaires.



Je me suis permis en effet d'ajouter au texte de M. Ribàry d'assez nombreuses notes ; mais j'ai eu soin de les en distinguer soigneusement. Je n'ai conservé, au bas des pages, que les annotations mêmes de l'auteur ; quant à mes remarques, mes berichtigungen, elles sont indiquées par de gros chiffres qui renvoient à la fin du volume. Elles étaient d'ailleurs indispensables, et je les ai réduites au strict nécessaire ; bien des points touchés par M. Ribâry demandaient quelques explications supplémentaires ; il fallait indiquer des faits tout récemment découverts ; il était utile enfin de rectifier quelques erreurs et quelques inexactitudes. Ces erreurs et ces inexactitudes n'ont rien qui doive surprendre : elles sont toutes naturelles et l'on doit seulement s'étonner qu'elles n'aient pas été plus nombreuses. Quand on songe que M. Ribàry étudiait l'escuara très loin du pays basque, quand on se rend compte des documents qu'il a consultés, quand on voit quels mauvais livres il a pris pour guides, on demeure vraiment confondu des résultats qu'il a obtenus et le mérite de sa brochure en devient beaucoup plus considérable.



Elle présente en effet de remarquables qualités et respire un véritable esprit scientifique ; elle contient l'essai d'analyse le plus méthodique dont le verbe basque, ce sphinx redoutable de la linguistique moderne, ait encore été l'objet. C'est pourquoi j'ai cru devoir respecter d'une manière absolue le texte de l'auteur ; je ne l'ai "corrigé" nulle part. Je l'ai d'ailleurs traduit aussi littéralement que possible, dût la forme en souffrir quelque peu : je crois qu'une traduction ne doit jamais être tellement française qu'elle fasse oublier l'original, et j'estime qu'il faut faire sentir au lecteur que les propositions qui sont mises sous ses yeux ont été pensées dans une langue étrangère.



L'étude de M. Ribàry est d'autant plus digne d'éloges que ce n'est point l'œuvre d'un linguiste. M. R. en effet ne prétend point à ce titre ; il s'honore surtout d'être un historien et de professer l'histoire à l'Université de Pest. Ce n'est qu'en passant, m'écrit-il, qu'il s'est occupé de linguistique et principalement pour y chercher des données sur les affinités naturelles des peuples. En 1859, il a publié une étude sur la langue mordvine qu'il comparait au finnois et au hongrois; cette étude était précédée d'un essai historique sur la famille ougro-finnoise. C'est en lisant la brochure du prince Bonaparte : Langue basque et langue finnoise, que l'idée lui vint d'étudier le basque pour vérifier les conclusions de cette brochure ; mais ses études l'entraînèrent plus loin qu'il ne se l'était proposé et il fut amené à présenter à l'Académie de Pest le mémoire spécial dont on lira ci-après la traduction.



pays basque autrefois langue magyar
LANGUE BASQUE ET LANGUES FINNOISES 1862
PAR LE PRINCE LOUIS-LUCIEN BONAPARTE



...L'Académie hongroise, fondée en 1825, n'a commencé ses travaux qu'en 1830. Elle s'est occupée tout d'abord de la préparation d'une grammaire ainsi que d'un grand dictionnaire, dont les auteurs sont Grégoire Czuczor et Michel Togarassy et qui n'a été terminé qu'en 1872. François Toldy a tiré de l'oubli beaucoup d'ouvrages des derniers siècles. Antoine Reguly s'est l'un des premiers adonné à la linguistique ; de 1846 à 1854, il a fait un voyage scientifique en Finlande et dans le pays des Vogoules et des Ostiaques, mais sa mort prématurée ne lui a pas permis de recueillir tout le fruit de ses travaux; c'est M. Paul Hunfàlvy qui a publié les deux ouvrages de Reguly : Le pays et le peuple vogoul (A vogul föld és nép) et Légendes vogoules (Vogul Mondak).



...Toutes ces personnes publient incessamment d'excellents livres ; mais la plupart de ces volumes restent lettre morte pour les autres savants de l'Europe ; écrits en hongrois, ils sont en effet inaccessibles à presque tous les travailleurs. On le regrette d'autant plus que quelques travaux de la même école, composés dans des langues plus répandues et notamment les magistrales Ugrische Studien de M. Budenz, sont justement appréciés et tenus en haute estime.



Les langues finnoises sont si peu connues que j'ai presque été tenté de mettre en tête de ce volume une courte notice analogue aux descriptions des naturalistes et donnant sommairement la caractéristique de ces idiomes, s'il est permis de s'exprimer ainsi. Mais je n'aurai certainement pas affaire à des lecteurs tout à fait étrangers à la science du langage ; au surplus, cette publication a pour sujet l'escuara et non le magyare. Aussi vais-je me borner à rappeler en quelques traits rapides les principes essentiels de la linguistique moderne, à esquisser, au point de vue de l'étude positive des langues, la physionomie générale du basque et à rendre compte d'une façon aussi exacte que possible de sa répartition géographique et de ses variations dialectales. J'ajouterai quelques détails sur un problème qu'a effleuré M. Ribàry et que j'appelle "la question ibérienne". Mon but principal, en écrivant les lignes qu'on va lire, est en même temps de protester une fois de plus contre ces amateurs de rencontre, étymologistes désordonnés, poursuivants tenaces de la chimère de l'unité des langues, champions inflexibles de l'absolu, qui entrevoient sans cesse la liaison du sémitisme avec l'aryanisme, et qui, en attendant, ont inventé le touranisme. Expression commode, sonore, tout à fait vide de sens néanmoins, le touranisme a déjà fait quelque bruit dans le monde : il commence heureusement à être fortement battu en brèche par une vaillante armée de travailleurs ennemis des rêveries et des nébulosités métaphysiques.



La langue basque est une de celles qui ont le plus préoccupé les spécialistes ; sa position dans la série générale des idiomes est cependant aujourd'hui bien définie ; c'est une langue agglutinante et incorporante, avec des tendances au polysynthétisme. Elle se place par conséquent, dans la seconde grande classe morphologique des linguistes, entre les langues finnoises et celles de l'Amérique.



On sait que la science du langage, c'est-à-dire du phénomène essentiellement caractéristique de l'espèce humaine, est une science purement naturelle et n'a rien de commun avec la philologie, étude principalement historique. Qu'on l'appelle linguistique, glottique, glottologie et même, par un abus trop persistant, philologie comparée, la science du langage suit la méthode des sciences naturelles et ne procède que par l'observation et l'expérience. L'objet direct de son activité sont les organismes phoniques qui expriment d'une manière sonore la pensée et ses diverses manières d'être. Ces organismes sont des produits spontanés et inconscients des organes, soumis, en leur qualité d'êtres naturels, à la grande loi de la variabilité perpétuelle suivant les influences de milieu, de climat, etc., mais aussi incapables d'être modifiés sous l'action d'une volonté extérieure ou intérieure qu'un quelconque des êtres organisés qui nous entourent.



Le but du langage étant l'expression de la pensée et de ses nuances, du fait qui est à sa base et des modifications éprouvées par ce fait suivant le temps ou l'espace, on a constaté que les divers idiomes ont employé des moyens différents pour rendre le mieux et le plus vite possible l'idée, conception ou intuition, et sa forme variable, pour traduire avec exactitude la signification et la relation. On a classé à ce point de vue les langues en trois grands groupes : le premier, celui des langues isolantes où les racines monosyllabiques sont toutes significatives et où les relations ne s'expriment que conventionnellement, c'est-à-dire ne s'exprimaient pas à l'origine; le second, celui des langues agglutinantes où les relations sont rendues par des racines jadis significatives réduites à un rôle secondaire et subordonné ; enfin le troisième, celui des  langues à flexion où le changement de relation est indiqué par une modification dans la racine même, dans la voyelle radicale. On a reconnu que les idiomes du second groupe ont été isolants et que ceux à flexion ont passé par les deux autres états ; il faut en conclure que le langage est essentiellement progressif et variable dans le sens d'une amélioration constante de l'expression des relations. Mais, en étudiant les idiomes contemporains, nous constatons au contraire qu'ils sont souvent, à ce point de vue, inférieurs à leurs devanciers.



La contradiction n'est cependant qu'apparente. Ainsi que l'a démontré Schleicher, les langues naissent, s'accroissent, demeurent stationnaires, dépérissent et meurent, vivent en un mot de la même manière que les êtres organisés. Il y a eu dans toute langue deux périodes principales, celle du développement formel, pendant laquelle l'idiome passe de la première forme à la seconde en réduisant certaines racines à un rôle secondaire et dépendant, puis de la seconde à la troisième par un nouvel effort pour exprimer simultanément la signification et la relation ; — et celle de la décadence formelle, pendant laquelle, le sens primitif des affixes s'oubliant de plus en plus, ils s'usent, s'altèrent peu à peu et finissent souvent par se perdre. La décadence formelle commence dès qu'une langue arrive à l'histoire ; elle occasionne souvent des cas remarquables de métamorphose régressive. Une observation qui doit être présentée à ce propos, c'est que les langues agglutinantes connues ne sont arrivées à la vie historique, c'est-à-dire n'ont commencé à décroître, que sous l'action d'un idiome étranger soit isolant soit flectionnel. Pendant leur décadence, les langues peuvent néanmoins se donner des formes nouvelles ; mais ce sont alors uniquement des composés de mots exerçant déjà une fonction : l'homme historique n'a plus à sa disposition de racines nues.



Les êtres linguistiques sont d'ailleurs soumis à la loi terrible de la lutte pour l'existence, de la concurrence vitale. Beaucoup d'entre eux ont péri sans laisser de traces ; d'autres nous ont au moins légué quelques monuments écrits. Le basque, fortement pressé par le latin et ses dérivés, a sensiblement reculé en Espagne : au-delà de ses limites, en Navarre, il y a beaucoup de villages dont les noms sont basques mais où l'on ne parle plus que l'espagnol, et la région extrême du basque dans cette province n'a conservé cet idiome que chez le moindre nombre de ses habitants. Partout d'ailleurs, il s'altère : les enfants introduisent dans le vocabulaire des mots romans à la place des vieilles expressions indigènes ; dans les endroits où le contact avec les étrangers est le plus fréquent, où l'activité de la vie moderne se fait le plus vivement sentir, à Saint-Sébastien et à Saint-Jean-de-Luz, le langage devient d'une incorrection choquante. Tout fait prévoir la mort prochaine de l'escuara ou euscara ; c'est le nom que donnent au basque ceux qui le parlent. Ce mot parait signifier simplement "manière de parler" : tous les peuples ont eu, plus ou moins, la prétention qui poussait les Grecs à traiter les étrangers de Barbares.



Le prince L.-L. Bonaparte compte actuellement, sans parler des émigrants établis au Mexique, à Montevideo et à Buenos-Ayres, 800 000 Basques dont 660 000 en Espagne et 140 000 en France."



A suivre...



(Source : www.gallica.fr)



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