SAUVETAGE À CIBOURE EN 1867.
Le 3 octobre 1867, l'Impératrice Eugénie et le prince impérial sont sauvés de la noyade par un pilote de Ciboure, Pierre Larretche.
Voici ce que rapporta la presse nationale et locale, dans plusieurs éditions :
- La Presse, le 9 octobre 1867 :
"On écrit de Biarritz à la Gironde :
Les bruits les plus contradictoires circulent ici sur l'événement de jeudi à Saint-Jean-de-Luz.
Dans la journée, on avait reconnu à certain pavillon flottant sur le Chamois qu'un personnage de la famille impériale se tenait sur ce yacht. La population était donc sur pied, se demandant si Leurs Majestés venaient faire visite à Saint-Jean-de-Luz ; mais bientôt on vit le navire se diriger sur les côtes d'Espagne, qu'il longea, pour revenir ensuite du côté de Saint-Jean-de-Luz.
Il pleuvait, la nuit était noire ; mais l'Impératrice, car c'était elle qui, en compagnie du Prince impérial, avait fait en mer cette promenade, avait manifesté l'intention de débarquer à Saint-Jean-de-Luz, où ses équipages l'attendaient. Le port était garni de personnes munies de lanternes et venues pour assister au débarquement. Deux ou trois canots, nous ne savons au juste, portaient Sa Majesté, le Prince et les personnes de leur suite. Ils abordèrent heureusement, à l'exception de celui où se trouvaient l'Impératrice et son fils.
Le pilote Larretche, qui connaissait parfaitement ces parages dangereux en tout temps, mais surtout en temps de pluie, n'était pas à l'arrière, mais à l'avant du navire. Une chaloupe venue à la rencontre du canot du Chamois, lui cria de passer à bâbord, afin d'éviter un écueil qui le menaçait sur sa droite ; mais cet ordre ne fut pas entendu, et le canot, lancé par les vagues, alla aborder sur un rocher, où il chavira.
Les personnes qui s'y trouvaient réussirent à se tirer d'affaire, quoique fortement mouillées, et, malgré la confusion qui régna dans ce débarquement précipité, on put croire que personne n'avait eu de mal. Il n'en était malheureusement point ainsi ; le pilote Larretche manquait à l'appel. On s'en aperçut très tard, lorsque déjà l'Impératrice était partie pour Biarritz.
C'est tout près du lieu où le canot a échoué que l'on a trouvé le corps de Larretche. Il avait la mâchoire fracassée et des côtes enfoncées.
On pense ou bien qu'il a sauté afin de repousser le canot, et que, dans ce saut, il a été meurtri contre le rocher ou bien que c'est le canot qui, repoussé par lui, mais revenant sur le malheureux pilote, l'a écrasé.
Vendredi, l'Empereur et l'Impératrice sont allés à Saint-Jean-de-Luz porter à la veuve du marin Larretche leurs consolations."
- La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du 4 juin 1929 :
"A propos d'un anniversaire.
Le 1er juin a été le cinquantième anniversaire de la mort du petit prince impérial, dont Biarritz raffola ainsi que le Pays Basque lorsqu’il y venait passer ses vacances tous les étés, adorable enfant dont beaucoup se souviennent avoir joué avec lui sur la plage de Biarritz, où il était mêlé aux enfants du peuple. L'on se rappelle qu'exilé en Angleterre, il prit du service dans l’armée anglaise pendant la guerre du Zoulouland ; c’est là que le 1er juin 1879, à l’âge de 23 ans, il périt tragiquement dans une embuscade, frappé de 17 blessures.
A cette occasion, il nous est venu dans la pensée de rappeler un événement où 12 ans auparavant le petit prince avait failli trouver une mort aussi tragique à Saint-Jean-de-Luz.
C’était en 1867, huit ans après l’inoubliable ascension de la Rhune, qui mit en émoi toute notre région, et la promenade en mer dans le golfe de Gascogne, où de deux heures de l'après-midi jusqu'à deux heures du matin, cinquante promeneurs, invités par l'impératrice des Français à une partie de plaisir — dont ce que l’Europe comptait de personnalités marquantes — gisaient étendus sur le pont de "La Mouette" en proie à un mal de mer terrible, aux prises avec une tempête épouvantable qui leur rendait impossible l’accès des ports du littoral de la Côte Basque.
Huit ans passés ! La dure leçon des éléments, du hasard, de la fatalité, les sévères leçons de l’empereur après ces lamentables équipées n'enlevèrent pas de l'esprit de l’impératrice le goût d’en tenter d’autres. Elle avait tout oublié, et c’est ainsi que vers août-septembre, la cour étant à Biarritz, elle fit le projet de partir avec son fils et d'aller à Saint-Sébastien, avait-on dit, pour le montrer à sa patrie.
L’aviso "La-Mouette", de si triste mémoire, avait été remplacé par un autre aviso, "Le Chamois". Ce changement de bateau ne pouvait, pensait-on, qu'amener un changement de destin plus favorable. On avait suggéré au petit prince, que les jeux de la plage et la vue de la mer enthousiasmaient, de manifester à son père le désir d’aller en bateau. Ce désir de sa mère devint celui de l'enfant, il fut aussi celui de la cour, et tous firent le siège de l'empereur. D’abord inflexible, Napoléon capitula sous ces assauts incessants.
Mais, condition indispensable, réserve formelle à cette capitulation, un amiral serait à bord du "Chamois" et commanderait la manœuvre ; on prendrait la mer par temps très calme et période assurée de beau temps fixe ; on consulta les sémaphores, on interrogea les vents et les flots, on fouilla tous les horizons et l'on augura que cette fois-ci tout irait bien à bord, que la promenade de l’impératrice et de son fils serait ravissante et sans danger. Sans invités de marque encombrants, s'écroulant sur le pont en proie au mal de mer, le 3 ou le 4 octobre, l’embarquement eut lieu ; l’amiral prit le commandement du "Chamois" qui mit le cap vers l'Espagne.
Mais toujours aux aguets, dissimulée quelque part la fatalité, encore une fois, épiait ces promeneurs illustres et les happa au passage. La mer si belle au départ, vite après se couvrit de lames rapides et devint mauvaise. Que se passait-il à bord, où étaient les promeneurs ? Un témoin oculaire nous a affirmé avoir vu l'empereur, ce jour-là longtemps avant la tombée de la nuit, pale, anxieux, explorant l’océan d’une terrasse de son palais ; il attendait le retour du "Chamois", à Biarritz, alors que vers les huit heures du soir l'amiral en vue de Saint-Jean-de-Luz, réclamait un pilote pour déposer à terre l'impératrice et son fils.
L'IMPERATRICE EUGENIE ET SON FILS EN 1878 |
C’est ici qu’apparaît le Basque Larretche, de Ciboure, que commença et finit sa brève histoire faite du plus bel héroïsme. Avec son embarcation, il se dirigea vers le "Chamois", mais, avant de prendre à son bord l'impératrice et le prince impérial, il aurait, dit-on, fait remarquer à l’amiral que l'état de la mer rendait le passage de la barre très dangereux ; l’officier insista, et dès lors, le drame fut rapide. Trompé par un brouillard épais, disent les uns, poussé par les lames, affirment les autres, Larretche, tout à coup s’aperçut que l’embarcation allait droit sur les falaises que domine la Réserve de Ciboure. Au moment précis où le heurt fatal allait se produire, le pilote sauta à l’eau, se plaça résolument entre la falaise et l’embarcation dont il reçut le choc mortel. "Sauvez mon fils", lui criait l’impératrice.
Il sauva les deux, la mère et l’enfant et quelques minutes plus tard, Larretche expirait. Lorsqu'il apprit la fatale nouvelle, aussitôt, l’empereur se rendit à Ciboure, à la maison mortuaire où entouré de sa femme et de ses enfants reposait le pilote.
Se tournant vers l’impératrice, présente à cette lugubre visite, il lui dit : "Voilà votre œuvre", et à la veuve du Basque : "Je veillerai sur vous et vos enfants, madame." Il a tenu sa promesse.
Mme de Metternisch, dans ses mémoires, ne parle pas de cet accident et de la promenade qui le précéda. Les journaux de l'époque, par un sentiment explicable et une discrétion compréhensible ne durent pas le relater. On fit silence autour du drame et du héros, et ainsi s’explique l'absence de toute indication sur la falaise où un Basque se fit écraser la poitrine pour sauver la vie à l’impératrice des Français et au prince impérial.
PRINCESSE DE METTERNICH |
Tout ce qui touche au Pays Basque me plait. La lecture de cet article m'a vivement intéressée, ce n'était pas des faits connus. Merci
RépondreSupprimersur la façade d'une maison sur le quai Ravel de Ciboure, une plaque fait mention du sauvetage du Prince et l'indication que M. LARRETCHE habitait cette maison
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