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jeudi 16 janvier 2020

LES SÉJOURS DE L'IMPÉRATRICE EUGÉNIE À BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE (cinquième partie)


LES SÉJOURS DE L'IMPÉRATRICE EUGÉNIE.


Maria Eugenia Ignacia Agustina de Palafox y Kirkpatrick, 19ème comtesse de Teba - dite Eugénie de Montijo - va connaître Biarritz, dès 1834, fuyant avec sa mère les remous des guerres carlistes.

imperatrice france
IMPERATRICE EUGENIE

Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition 

du 12 novembre 1932, sous la plume de René Cuzacq :



"Biarritz à sa naissance "



Les séjours de l’Impératrice.


— III — 



A Biarritz, en ce début d'automne, la nuit survient assez vite, l'heure d’été n'existant point alors, ni davantage l’éclairage électrique ! 




On se réunit alors dans le grand salon de la villa Eugénie. On se distrait à deviner les charades. Ou encore on fait des vers en commun : 


Il était un petit bateau 

Qui, lentement, voguait sur l'eau. 

Il emportait mon Adrienne... 




ou bien encore : 



Si nous perdons nos femmes, 

Que Dieu sauve leurs âmes, 

Pourvu que nos bambins, 

Ne soient pas orphelins ! 


L’Empereur chante en français ou en allemand ; ce sont parfois les chansons de son enfance, les lieder de son exil d’Arenenberg : Dis-moi, soldat, t'en souviens-tu ? Il chante d’ailleurs abominablement faux. C’est encore pire quand ce grand enfant veut faire la lecture en public : l'Impératrice compte avec fureur les mailles de son tricot ; des soupirs se font entendre ; quelques pas feutrés se dirigent vers la porte. L’Empereur s’en aperçoit, sourit et s'arrête. 



NAPOLEON III



Mais la princesse de Metternich, Pauline, la femme de l'ambassadeur d'Autriche, chante à son tour quelque aimable chanson : Rien n'est sacré pour un sapeur, par exemple. L'Impératrice s'amuse follement ; dans un coin, la pudeur scandalisée de Mme de Montebello rencontre celle de la princesse d’Essling. 



PAULINE DE METTERNICH


Dans leurs beaux habits noirs, chaussés de bottes fines, des blanches cravates à leur col, les Messieurs sourient discrètement. 




Naturellement, la danse est une distraction fréquente : le quadrille des lanciers, importé d'Autriche, ou le carillon de Dunkerque, font fureur. Edgar Ney frappe de toutes ses forces les touches du piano. 




On joue aussi au furet ou au servietton. Le premier de ces jeux de société entoure d'un cercle deux personnes qui doivent taper rapidement la main où passe la ficelle. "Il court, il court, le furet, le furet du toi, Mesdames..." — Le Servietton est plus compliqué : les hommes sont relégués au fumoir ; dans la demi-obscurité, les femmes tiennent de leurs deux mains une serviette ; les hommes s’avancent et doivent reconnaître l’élue de leur cœur. 




S'ils se trompent, ils sont chassés du salon à coups de serviette. L'Empereur se trompe toujours : il saute par dessus les chaises qu'il renverse, tandis que l'Impératrice le poursuit de sa serviette, riant aux éclats comme une jeune pensionnaire de couvent. Ces jeux innocents et enfantins soulèvent la réprobation de la morale bourgeoise et idéaliste de quelque opposant libéral : le lendemain, le farouche adversaire s'indigne des "orgies" de Biarritz




Il y a aussi les séances de spiritisme : le médium D. Hume vient à Biarritz ; bientôt, sous la table et dans le noir, l'esprit frôle la robe de l’Impératrice, gratte une paroi, joue d'un accordéon... 



MEDIUM DAVID HUME



Il écarte volontiers les sceptiques, tel le docteur Darthez. Hélas ! Il parait que Hume n’est qu'un imposteur : la "main" de l'au-delà n’est autre que son pied, habilement sorti de son soulier, tandis que l'extrémité du bas, soigneusement enlevée, laisse libre les ongles et les doigts de ce même pied de M. Hume. 




Il y a encore les courses de taureaux




Longtemps, le spectacle a été condamné par les gens de bon ton. On vient de l'introduire ; non pas à Bayonne, mais au faubourg de Saint Esprit, avec quelques atténuations tout d'abord. Eugénie de Montijo raffole de ce jeu de son pays. Les membres de la petite Cour sont quelque peu repoussés par la mise à mort des chevaux ; mais le spectacle ne tarde pas à exercer sur eux une prenante attirance. En 1854, Leurs Majestés président la première et la troisième course. En septembre 1856, voici qu'un taureau fuit désespérément devant les picadors ; il faut aller chercher le vulgaire bœuf que les taureaux suivent habituellement, pour faire rentrer au toril le noble animal sous les quolibets de la foule. L'Impératrice s’étonne de ne pas connaître les noms des matadors. "Où étaient-ils donc quand j'étais eu Espagne ?" interroge-t elle. — "Ils étaient en nourrice", répond l'Empereur. — "Insolent", réplique Eugénie furieuse. Les membres de la petite Cour vont encore à Saint-Esprit voir les courses landaises. Le jeu se ressent encore de ses origines populaires, des temps où les galopins écartaient et "faisaient courir" les bêtes dans les lieux écartés et près des abattoirs ; c'est le dix-neuvième siècle qui voit la lente apparition dans les arènes des écarteurs professionnels. A Saint-Esprit, tout le monde descend dans l'arène où sont nombre de barriques décuvelées aux deux bouts : l'imprudent serré de trop près, s'y réfugie et la barrique roule, roule sur le sable, parmi les rires qui fusent de toutes parts. De ces courses de Saint-Esprit, il m'a été donné de toucher une originale relique : le mouchoir de soie dont s'éventait l'Impératrice. Il est aujourd’hui en de bonnes mains : on m'excusera de ne point préciser lesquelles, pour le défendre contre de furieuses avidités. 



COURSES DE TAUREAUX BAYONNE 1856
PAYS BASQUE D'ANTAN


A Biarritz, il y a encore les excursions. L’Empereur pousse jusqu'à Saint-Sauveur, semant partout les bienfaits. En voiture, on va admirer les ruines du châteaux des ancêtres de M. le duc de Gramont, à Bidache. Rien, pas même le gros rhume qui la possède, ne saurait détourner Eugénie d'une promenade en canot sur la Nive. On aime se perdre dans les "pinadias" (quel nom étrange !) de la Barre ou du Boucau sur la rive opposée : on discute (...dans le vide) pour savoir si ce terme bizarre désigne seulement la forêt de pins résinée. Partout Leurs Majestés sèment les bienfaits, laissant des traces généreuses de leur passage. 




L’Impératrice décide un jour de monter à la Rhune avec quelques amies, la grosse Madame de La Bédoyère, Pauline de Metternich, toujours vive et enjouée, quelques autres encore. Quelle belle occasion de faire sur l’herbe ces dîners froids dont raffole l’Impératrice et que fixe sur la tuile le pinceau de Winterhalter ! L’air est si bon, les appétits si ouverts, que l’on décide de revenir à pied ; on a sans crainte renvoyé les muletiers et leurs jolies bêtes aux pompons rouges. Hélas ! ces dames n’en peuvent plus ! Elles gémissent tout au long de la pente raide. La première, Madame de La Bédoyère, s'affale sur le sol. Avec quelques branches, il faut faire quelques civières et porter tant bien que mal les infortunées jusqu’aux voitures. Infatigable, l’Impératrice rit comme une petite folle."



comtesse napoleon
COMTESSE DE LA BEDOYERE



A suivre...





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