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mercredi 8 janvier 2020

UN JUGEMENT À SAINT-PALAIS (DONAPALEU) EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1890


UN JUGEMENT ÉLECTORAL EN 1890.


En 1889, ont lieu en France des élections législatives et la lutte est acharnée entre les Républicains et les Conservateurs, en particulier au Pays Basque.

pays basque autrefois
LA RAGE DES ELECTIONS
PAYS BASQUE D'ANTAN

 

Je vous ai déjà parlé de l'invalidation d'une élection à Mauléon, dans un article précédent.

Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal des villes et des campagnes, dans son édition du 30 

janvier 1890 :



"La corruption par groupes.




Voici l'étonnant jugement rendu par le tribunal de Saint-Palais, dont il est question ci-dessus :


Attendu qu'il est formellement résulté des débats et de la déposition unanime des témoins qu'à la date du 13 septembre dernier, M. le sous-préfet, dans une réunion privée composée de sept ou huit personnes, a déclaré que le gouvernement avait le droit formel d’enlever les franchises aux communes des Aldudes et d'Urepel ;  que si les électeurs de cette région ne votaient pas pour le candidat du gouvernement, il était décidé à conclure, dans son rapport annuel, pour la suppression de ces franchises ; qu’il autorisait les membres présents à la réunion à se faire l'écho de ses paroles et à donner la plus grande publicité à cette déclaration.




Attendu que le sieur Duhalde, instituteur à Urepel, interprétant comme un ordre ce qui n’était en réalité que la manifestation d’un désir, publia, en sa qualité de mande-commun, aux lieux accoutumés et à l'issue de la messe, ladite déclaration ; que cette publication fut faite aux us et coutumes de la localité ; qu’interrogés sur les faits mis à leur charge, MM. Mettas et Duhalde, en complète harmonie, du reste, avec les témoins entendus, reconnaissent le fait tel qu'il est matériellement établi, ainsi que les diverses circonstances qui l'ont suivi ou accompagné ;




Qu'ainsi posés et établis, il s’agit de rechercher si, en l’espèce, les faits incriminés constituent un délit et s’ils peuvent donner lieu à l’application d une loi pénale ; attendu à cet égard, qu’il s’agit de déterminer en droit les diverses circonstances constitutives du délit de corruption électorale ou de tentative de ce même délit ; - qu'il est de principe absolu et rigoureux que tout est de droit étroit dans l'interprétation d’un texte de loi répressive ; qu'on ne saurait, sans abus, amplifier les termes de ses dispositions pas plus qu’il n'est permis d’en modifier ou affaiblir la signification, que l'article 39 du décret du 2 février 1852 punit ceux qui, par voie de menace ou intimidation auront cherché à corrompre un électeur, c'est-à-dire une personne déterminée ; que l’article 19 de la loi du 2 août 1875 et l’article 3 de la loi du 30 novembre 1875 reproduisant les mêmes termes, appliquent à la tentative de ces délits les mêmes pénalités ; qu’il n’est pas dit, dans le texte de la loi dont on demande l'application, que le même fait pourra caractériser un délit lors qu’il aura été dirigé contre un groupe, une catégorie d’électeurs, un collège électoral quelconque, constituant et composant des collectivité d’individus, c’est-à-dire un être impersonnel peu accessible d'ailleurs, de par sa nature et sa composition, aux dons ou aux promesses, et cédant plus difficilement à la menace ou à l’intimidation ; qu'il est de toute évidence que le législateur a voulu tout d'abord assurer la sincérité du vote en protégeant l’électeur seul, sans défense, contre les diverses compétitions dont il est l'objet, les influences de toutes sortes qui, par l'exercice d’une pression violente sur sa conscience, pourraient l’obliger à modifier son vote ; que la loi ne permet pas qu’on puisse porter atteinte à l’indépendance absolue du vote, en frappant de peines sévères ceux qui mettent l’électeur dans l’obligation d'être l'objet d’une contrainte morale, par la crainte de voir se réaliser des menaces qui pourraient nuire à ses intérêts et lui causer un réel préjudice ; qu’il faut, nécessairement dans ces conditions que les menaces ou l’intimidation aient été exercées directement sur une personne déterminée ; qu'on ne saurait sérieusement soutenir qu'adressées à une catégorie, à un groupe d'électeurs, chaque individu faisant partie de ce groupe ait pu être directement menacé ou intimidé dans sa personne ; que, dans ce cas, l'intimidation ou la menace sont adressées à la collectivité des individus qui composent la réunion, c'est-à-dire à un être impersonnel ; qu'il s'agit donc de rechercher en l'espèce, ces principes posés, si les faits reprochés à MM. Mettas et Duhalde peuvent constituer un fait délictueux. 






Attendu à cet égard qu’il n'a pas été établi à l’audience que l'un ou l'autre des témoins entendus ait été directement intimidé ou menacé, c’est-à-dire mis personnellement en demeure de choisir entre son vote et la suppression des franchises de la commune d'Urepel ; qu'il est résulté des débats que ladite menace ou intimidation a été dirigée contre le groupe des électeurs de la commune d'Urepel ; que la publication faite par le mande-commun d'Urepel a pu produire indirectement, à des degrés divers et dans une mesure qu’il n’est pas possible de déterminer, une certaine impression sur les individualités qui composaient cette réunion ; mais qu'il n'a pu être positivement démontré, par des témoignages recueillis,  que l'un ou l'autre des nombreux électeurs réunis à la porte de l'église aient été directement et personnellement l’objet de menaces et d'intimidation ; que par conséquent, un des éléments essentiels et constitutifs du délit de corruption électorale ou de tentative de ce délit (l'action directe et personnelle) n'existe pas dans la cause ; que si, dans l'espèce, les faits incriminés consistant dans une publication faite aux lieux accoutumés selon l'usage du pays peuvent constituer une manœuvre électorale restée d'ailleurs sans effet, et que le tribunal n’a pas à apprécier, ils ne sauraient en aucun cas, dans leurs éléments divers, réunir les caractères du délit de corruption électorale prévu et puni par les articles de loi précités. 




C’est à l'aide de ces fort curieux motifs que le tribunal de Saint-Palais a relaxé M. le sous-préfet et ses agents des poursuites intentées contre eux."




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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