DE BAYONNE À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN 1854.
Au milieu du 19ème siècle, on commence à découvrir le Pays Basque intérieur, en particulier la Basse-Navarre.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou Le Moniteur universel, dans son
édition du 22 novembre 1854 :
"Autour de Bayonne.
...Je fus rejoint, après la mêlée, par mon Basque d’Austerlitz ; son couteau inoffensif était resté suspendu à son côté ; mais le maquila avait joué son rôle. Notre homme était animé ; le vin de Peralta, la rixe, les coups donnés, et surtout les coups reçus, avaient porté sa colère à son diapason le plus élevé.
"Achut ! criait-il, achut les gens de Lasse ! Arraïo ! Fi de ces bâtards qui ne savent ni renvoyer une paume ni manier un bâton ! Debrouïa ! ajoutait-il en se frottant l’épaule avec une plaisante grimace ; il faut que ce soit un des nôtres, car deux de Lasse ne frappent pas comme cela. Debrin ourdia !"
La nuit approchait et il fallait songer à la retraite. Je glissai quelques remerciements au milieu des imprécations du Basque, et je parlai de reprendre le chemin de Saint-Jean.
"Holà ! monsieur, me dit-il, vous n’y pensez pas ; seul, à pareille heure !
— Qu’importe, lui répondis-je, par cette belle nuit et par cette route délicieuse ?
— A votre aise, pour que ces chapons de Lasse, qui vous ont vu avec nous, vous envoient un coup de bâton sur la tête ; ou bien pour que les pantalons rouges vous prennent pour un politique prêt à passer la frontière ; ou encore pour qu’un gabelou vous arrête au passage comme suspect de contrebande.
— J’espère bien, lui dis-je...
— N’espérez rien, monsieur, et soyez assez bon pour nous attendre. Vous viendrez avec nous jusqu’à Ascarat, et même, si vous voulez me faire honneur, vous accepterez l'hospitalité dans le logis du vieux soldat.
— Je le voudrais, répondis-je ; mais il faut que je sois demain à L... pour voir chasser les palombes.
— A merveille ! dit mon homme, restez avec nous ; je dois aller, moi aussi, à L...; il ne s'y fait pas de chasse sans moi ; je vous y conduirai."
Je me rendis et nous reprîmes le chemin que nous avions suivi le matin.
Aux approches du village, mon guide se sépara de la bande et me conduisit vers une petite habitation isolée, garnie de treilles, entourée d’arbres et de haies vives, à laquelle la lumière de la lune donnait une apparence poétique et coquette.
A mesure que nous approchions, nous entendions retentir des battements sourds, à intervalles égaux, quelque peu semblables à ce bruit sinistre qui tant effraya don Quichotte et Sancho, ainsi que Cervantès le raconte dans le vingtième chapitre de leur véridique histoire.
"Quel est ce bruit ? demandai-je.
— C’est mon fils ou ma femme, me répondit le Basque, qui hache le genêt pour la nourriture du bétail."
En même temps il frappa à la porte, et le jeune homme nous ouvrit, pendant que continuait le bruit des hachoirs.
"Où est la dame de la maison ?
— Elle vous attend.
— Venez, dit mon guide ;" et il entra devant moi.
La maîtresse du logis vint à notre rencontre. Son mari me présenta à elle, et je la saluai par ces mots : Agour etchekanderea (bonjour, dame de la maison), auxquels elle répondit en souriant par un ongui ethorri (soyez le bienvenu).
Elle nous improvisa à la hâte un souper auquel elle ne prit aucune part, nous servant debout, selon l’usage. Puis, lorsque ce repas fut achevé, et pendant que le Basque me racontait complaisamment ses prouesses passées au jeu de paume, ses chasses à la palombe et à l’izard, ou ses fatigues pendant les grandes guerres, sa femme choisissait les plus beaux draps de son armoire, tissés de fil sorti de ses mains, et me préparait un lit.
Le lendemain, après un repos dont j’avais le plus grand besoin, nous prîmes avec mon hôte le chemin de L... En route, il m’apprit comment la palombe (paloma en espagnol, urzo en langue basque), bel oiseau voyageur de la famille des ramiers, passait dans les Pyrénées, au mois de septembre, par bandes nombreuses, et venait habiter les forêts de hêtres. Il me raconta encore comment s’en faisait la chasse dans certains vallons, privilégiés par leur disposition ou par la direction dans laquelle ils se trouvent, et qu’on nomme pantières, du nom d'un immense filet qui joue dans la chasse le principal rôle.
PALOMBIERE LEPEDER LES ALDUDES PAYS BASQUE D'ANTAN |
La palombe est le mets favori des Basques, et pendant la saison des chasses les marchés de tout le pays en sont couverts. Aussi est-ce un produit lucratif, et les pantières sont pour les habitants des propriétés importantes.
Le Pays Basque est un pays de cocagne. Les produits du sol y sont beaux et bons, le poisson y abonde, le gibier foisonne. Je viens de dire que des myriades de palombes s’abattent sur les montagnes, à l’entrée de l’automne : quand vient l'hiver, et sur un autre théâtre, sur tout le littoral, ce sont des nuées de canards sauvages qui traversent le golfe un seul vol, arrivent tellement épuisés, qu’on les achève à coups de bâton, et tellement nombreux, qu’on en charge des voitures entières pour les expédier en poste sur Toulouse, sur Bordeaux et sur les villes d'alentour.
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Une hospitalité amie m'attendait à L...; mais c'eût été faire offense à mon guide que de le quitter aussi promptement, et, pour ne pas perdre une rare occasion d'étude, j’allai partager avec lui l’accueil d’un de ses compatriotes dans le village. L’hôte était sur sa porte ; mon guide me présenta à lui, et je le saluai de ces mots : Gaü hon etcheco jaona (bonsoir, maître de la maison).
Après m’avoir rendu mon salut, l’hôte me pria de le suivre et m’introduisit dans la pièce principale de la maison, où sa femme, entourée d’une famille nombreuse, s’occupait des préparatifs du souper. L’hôte me conduisit à elle.
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