LE PASSAGE DES PALOMBES EN DÉCEMBRE 1899.
La chasse aux palombes existe au Pays Basque, des deux côtés de la frontière depuis des centaines d'années.
Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire La Vie au Grand Air, le 10 décembre 1899, sous la
plume de Paul Mégnin :
"Le passage des palombes.
Il n'est guère de Parisien qui ne se soit arrêté en traversant le Jardin des Tuileries, les Champs-Élysées ou le Luxembourg, devant les "charmeurs d'oiseaux" qui donnent la becquée à la main et souvent aux lèvres, aux bandes de moineaux gras et dodus qui se prélassent sur les plates-bandes de nos jardins publics ; ils ont vu également ces énormes pigeons presque apprivoisés qui viennent partager, eux aussi, le pain ou la brioche des petits pierrots.
CHARMEURS D'OISEAUX AUX TUILERIE PARIS D'ANTAN |
Ces pigeons, aussi célèbres presque que ceux de Saint-Marc à Venise, ne sont pas, quoique le croient certains, des pigeons domestiques, mais des pigeons ramiers ou palombes, de vraies palombes, de la même espèce que celles des Alpes ou des Pyrénées. Seulement, au lieu d'être, comme les palombes du midi, des oiseaux de passage, les palombes parisiennes sont sédentaires ; elles nichent à Paris, y habitent sans s'éloigner, et se garderaient bien de déserter le gite hospitalier, où leur vie est aussi en sûreté que celle des enfants qui jouent sous les arbres au-dessus desquels elles perchent et lissent au soleil d'automne leurs plumes azurées.
Dans le midi, le passage des palombes est une fête cynégétique ; et deux fois par an du 6 février à fin mars et du 28 septembre à la Saint-Martin (11 novembre) tout le monde est en chasse dans la région pyrénéenne ou alpestre et principalement dans les Landes, le Lot-et-Garonne, et aussi dans une partie de la Gironde.
CHASSE A LA PALOMBE LANDES CHASSEUR GORGEANT LES APPEAUX |
Cette année, vu la température très douce dont nous jouissons, le passage est retardé quelque peu, et un de nos amis en déplacement dans la région de Barsac et de Sauternes — noms suggestifs et délectables — nous signale l'arrivée d'innombrables bandes dans le pays langonnais. Mais c'est surtout dans le pays basque qu'on fait les grandes hécatombes, et qu'on arrête les palombes au moment où elles s'apprêtent à émigrer en Espagne. Ne serait-ce pas l'abondance des palombes dans cette contrée, où le roi Henri IV était venu au monde qui fit désirer au bon monarque que "tout Français, le dimanche, put mettre la poule au pot" comme tout Basque mettait la palombe à l'étuvée.
Avant de parler de la chasse, un mot du gibier, la palombe — du latin palumbus. — C'est un magnifique oiseau, un peu plus gros que le pigeon domestique — (qui descend, lui, du Pigeon de roche, ou bizet Columba livia), — au ventre couleur d'opale, à la gorge irisée, aux plumes pris cendré, aux pattes rose pale, au bec effilé, légèrement recourbé à l'extrémité. C'est un gibier plus beau que bon, car même jeunes les palombes sont dures et peu juteuses ; mais en somme c'est un coup de fusil qui vaut la peine qu'on le tire.
Suivant les régions, on chasse différemment les palombes. Mais qu'il s'agisse d'un simple "jonquet " (chasse au fusil) ou d'une installation complète avec "sols", filets, appeaux du sol, appeaux de la cabane, poulets, etc..., le premier élément c'est la hutte ou cabane — la palombière — faite de branchages, tapissée de fougères et de feuillage et divisée en deux parties, la cabane proprement dite et le poste duquel le chasseur doit observer l'horizon.
APPEAUX CHASSE AUX PALOMBES LANDES D'ANTAN |
La forme de cet ensemble varie comme le détail de la construction. Tantôt le poste du chasseur est placé au sommet d'un arbre ; ailleurs il est sur le sol, mais surélevé dans une sorte de tonnelle à jour ; ailleurs encore c'est un simple mât.
PREMIER DIRECTEUR PALOMBIERE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans les montagnes, les vols passent toujours par les défilés en rasant même le sol d'assez près, les chasseurs cherchent à arrêter les palombes en tendant des grands filets d'un versant à l'autre.
FILETS PALOMBIERES DE SARE PAYS BASQUE D'ANTAN |
De chaque côté sur la hauteur, les palombiers choisissent les arbres les plus élevés, ou plantent de grands mâts, sur lesquels montent d'agiles et vigoureux jeunes gens qui sont chargés d'observer les vols et de les forcer à s'abattre. Pour ce, les "guetteurs" appelés chatards, dès que le vol est à portée, lancent des matous ou matères, sortes de palettes blanches, coupées de façon à ressembler à un oiseau de proie et attachées par une longue corde, ils ramènent à eux le matou après l'avoir fait tournoyer dans les airs. Surpris par cette attaque, le vol s'abat brusquement et va donner tête baissée dans les filets ; et c'est alors un spectacle curieux de voir la foule, hommes, femmes et enfants se précipiter sur les palombes pour les sortir des filets ; dans leur précipitation, il arrive même souvent que des impatients coupent la tête des oiseaux avec leurs dents.
LANCEUR D'EPERVIERS CHASSE PALOMBES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans la plaine, la chasse est différente et on emploie, soit le fusil, soit la pantière. La pantière ou pantaine est un grand filet vertical de 10 mètres de haut et d'une longueur proportionnée à l'espace que l'on veut barrer (sa longueur est ordinairement de 50 mètres).
Dès qu'un vol est signalé, les guetteurs ou chatards lancent leurs matous, et les palombes effrayées, tel un tourbillon de flocons de neige, viennent se jeter dans les filets qui se rabattent ; ce sont alors des piaillements sans fin, des criailleries multiples au milieu des filets qui sont tombés et qui contiennent souvent deux ou trois cents prisonnières.
CAPTURE D'UN VOL DE PALOMBES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette chasse se pratique de très grand matin.
Mais la chasse la plus intéressante, celle qui plaît le plus aux "dilettanti" avides d'émotion, c'est la chasse au fusil — "jonquet" — telle qu'elle se pratique dans la Gironde et dans le Lot-et-Garonne, et dans laquelle les "palombières" jouent un grand rôle. Mais c'est une chasse délicate et qui exige une très grande attention et beaucoup de dextérité.
CHASSE AUX PALOMBES 47 CASTELJALOUX LOT-ET-GARONNE D'ANTAN |
Au milieu d'un bois d'arbres de haute futaie, on choisit un gros tronc au pied duquel on construit une "palombière". Cela fait, on prend une perche fourchue par le haut et soutenant une palette — appelée semelle — sur laquelle est retenu par les pattes un ramier privé de la vue et qui sert d'appelant. Une ficelle est adaptée à cette palette qui fait bascule au moindre contact, si bien que lorsque le chasseur la tire, l'oiseau perdant l'équilibre se met à voleter et attire les qui passent à l'horizon. A la vue de l'une d'elles posée sur cet arbre artificiel et qui doit dominer les autres géants de la forêt, les migrateurs arrivent se posent, s'ils sont las du voyage. D'autres fois, ils tournent et s'éloignent, s'ils prévoient le danger ; c'est le moment perplexe pour le chasseur qui doit attendre la venue complète du "vol".
CHASSE A LA PALOMBE CHASSEURS A L'AFFUT LANDES D'ANTAN |
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