LA PLACE DES BASQUES À BAYONNE EN 1927.
En 1927, l'aménagement de Bayonne se poursuit et Henri Martinet propose d'aménager la Place des Basques.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays
basque, dans plusieurs éditions :
- le 16 septembre 1927 :
"Les transformations de Bayonne.
La Place des Basques à Bayonne.
L'adjudication des terrains de l’esplanade des Glacis aura lieu le samedi 24 septembre, à 10 heures du matin, dans les salons de la Mairie.
UN TROUPEAU SUR LES GLACIS BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le Conseil municipal a décidé d’établir à cet endroit la Place des Basques ; il impose aux acquéreurs une formule architecturale, de ligne très simple, qui rappelle les motifs traditionnels de la Maison Basque. La mise à prix est de 50 francs le mètre carré pour tous les lots.
MAISONS BASQUES AUX GLACIS BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Pourquoi une Place des Basques à Bayonne ?
La question a été posée et certains se la poseront encore dans une ville où toutes les formes de l’esprit sont très développées, sans exclure celle de l’esprit critique.
Avant de répondre à cette question il est permis de signaler la nécessité de faire quelque chose des terrains militaires qui, à l’heure actuelle, en jachère, donnent l’impression d’un emplacement désertique au centre de la Ville.
MILITAIRES SUR LES GLACIS BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Fallait-il en faire des jardins ? Outre qu’il en existe deux, très beaux, dans le voisinage immédiat, peuplés de fleurs ravissantes, aux nuances variées et aux couleurs chatoyantes, il est permis de penser qu’une ville surpeuplée comme Bayonne a le devoir d'aider à la construction d’immeubles, d’appartements, de magasins.
La précédente municipalité l’avait compris. Elle avait mis en adjudication les mêmes terrains, mais avec un projet différent, à la date du lundi 20 avril 1925, en adoptant un plan de lotissement tout à fait différent du nôtre.
L’adjudication eut lieu au jour et à l’heure indiqués, sur des mises à prix variées. Elle ne donna aucun résultat pour les terrains de l’esplanade des Glacis, qui vont être offerts à nouveau aux enchères publiques.
LES GLACIS BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Pouvait-on laisser cet emplacement en "espace libre" ? Nous ne l’avons point pensé.
Il y a, en effet, non loin de là. des surfaces de pelouses verdoyantes et des bocages charmants, assez vastes pour une ville de l’importance de Bayonne ; avec le double courant de la Nive et de l’Adour, et le camp Saint-Léon, ils forment un total appréciable d’aération, d’hygiène et de salubrité, suffisant pour satisfaire les amateurs de plein air les plus exigeants.
Le Conseil Municipal actuel, après mûre réflexion, a choisi M. Martinet, qui est à coup sûr l'architecte paysagiste le plus éminent des Basses-Pyrénées. Il a à son actif deux œuvres dans notre région, que j’appelle volontiers des chefs-d œuvre.
Hendaye-Plage, ville admirablement dessinée, surgie des sables, car cette partie d’Hendaye portait autre fois le nom "d’Ondaraïtz", qui signifie "le sable" en basque.
Ornée de jardins peuplés de mimosas et de palmiers d’un contours harmonieux et élégant, Hendaye-Plage, avec ses constructions modernes, son magnifique hôtel Eskualduna et ses belles villas, est une des merveilles de la côte Basque, placée sur l'estuaire de la rive droite de la Bidassoa. On peut dire que M. Martinet est l’auteur de cette ville moderne.
C’est aussi lui qui fut désigné par un grand maire de Pau, Henri Faisans, pour dessiner le Boulevard des Pyrénées et le Parc Beaumont, qui se déroulent devant le magnifique décor des Pyrénées. Là encore, il y a une des splendeurs de notre pays, au bas de laquelle M. Martinet a apposé sa signature.
UN COIN FLEURI AU PARC BEAUMONT PAU BEARN D'ANTAN |
Ni dans le passé, ni dans le présent, il n’est jamais venu à l’idée de nos compatriotes palois de blâmer le choix de M. Martinet, dont le talent universellement apprécié contribua à l’embellissement du chef-lieu des Basses-Pyrénées. Constatons et passons.
En résumé, la présence des jardins voisins et d’espaces libres suffisants, permettrait l’appropriation de cette partie des Glacis déclassés, en constructions urbaines.
M. Martinet eut l’idée d'instaurer au cœur d'une cité qui est la capitale du Labourd, au double point de vue ethnique et historique, une Place des Basques.
Sa suggestion fut adoptée. Après différentes études et plusieurs retouches, le Conseil municipal approuva unanimement le plan qui fait l’objet de l’adjudication du 24 septembre prochain.
Peut-on sérieusement contester l'origine et le caractère euskarien de Bayonne ?
J- Garat."
- le 17 septembre 1927 :
"La Place des Basques à Bayonne par H. Godbarge.
"Les qualités et les défauts du projet Martinet".
M. Godbarge nous fait connaître aujourd’hui son opinion sur le projet de M. Martinet. Nous tenons à préciser qu'elle lui est toute personnelle.
J’aurai voulu éviter de prendre la plume, une fois de plus, sur ce sujet qui a motivé de ma part plusieurs articles sur les divers projets successifs : Bouvard, Pontremoli, Rol, Martin, Martinet, car j’estime, à l’exemple des Athéniens de la Grèce antique, qu’il convient parfois de faire entendre sa voix sur l’Agora, en pleine tribune publique, quand la question est d’importance, quand une compétence spéciale vous fait un devoir d’émettre un avis à certaines heures graves de décisions irréparables, certaines heures où chacun doit prendre des responsabilités, soit par des applaudissements, soit par le mutisme, soit par des critiques. J’aurais voulu pouvoir convaincre M. Martinet en des causeries particulières ou grâce à une correspondance privée toute amicale du reste. Je n’ai pas réussi ; je le regrette et pour lui, et pour Bayonne, et pour nous les admirateurs de Bayonne.
Certes, je reconnais que ses efforts sont fort louables, comme je reconnais certains résultats très appréciables obtenus à la suite d’esquisses successives, d’avant-projets dessinés et redessinés, et aussi, grâce à ces controverses, des discussions animées, car les critiques comme les louanges ont eu l’avantage de remuer les idées, de redresser des erreurs, de stimuler les meilleures volontés collaboratrices et de faire germer la moisson recueillie et répandue par l’auteur du projet.
FIACRE SUR GLACIS BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le projet général primitif a été beaucoup amélioré. Il laisse les perspectives principales intactes. Il semble même les prolonger. Les flèches de la cathédrale n’en paraîtront que mieux encadrées ; le vaste champ visuel sur les quais se sera élargi encore par la vaste place aux proportions grandioses. De part et d’autre de celle-ci les volumes d’immeubles sont judicieusement implantés. J’ai d’autant moins de peine à approuver ces divers arrangements que je n’ai cessé autrefois de les préconiser. Mais je me souviens aussi d’avoir défendu une idée que j’aurais voulu pouvoir faire adopter, celle de l’unité architecturale sans l’uniformité. Et j’ai eu le regret de constater que les arguments autrefois émis par certains édiles de l’ancienne municipalité et que j’avais combattus ont trouvé échos et créance auprès de la municipalité actuelle et auprès de M. Martinet qui s’en fait le protagoniste triomphateur dans les colonnes des journaux régionaux. Reproduire, en effet, N + 1 fois la même travée autour de cette immense place, c’est créer plus que de l’unité, c’est créer une désolante uniformité, comparable à celle des casernes napoléoniennes dont un exemple existe, non loin de Bayonne, à Pau, sur une place aussi vaste que celle qui est projetée.
Et cet impérialisme architectural, déjà critiquable sous le spectre du grand capitaine, devrait-il être toléré, bien plus, préconisé par des fervents de liberté individuelle, de liberté artistique après un siècle de surexcitation intellectuelle et de recherches en tous les domaines de la pensée, notamment cans le domaine des arts graphiques ? Evidemment cette férule despotique qui était, ou reste, moins une férule qu’une surintendance, qu’une direction a engendré avec la collaboration des plus éminents artistes, à des époques aristocratiques, ces ensembles architecturaux dont s’en enorgueillissent des villes comme Bordeaux, Nancy, Paris. Mais quand on analyse ces exemples fameux légués par le XVIle et le XVIIle siècle, il est facile à reconnaître qu’il y a eu unité sans véritable uniformité. La travée qui constitue le leit-motiv de la composition générale, du reste, rendue attrayante par la diversité des pleins et des vides, des lignes et des courbes, de la modulation et de la décoration, est coupée, deci, delà, par des repos, par d’amples motifs constituant des points brillants tels qu’antiques frontons sculptés, etc... qui ajoutent à l’allure imposante de l’ensemble architectural. En est-il de même dans le projet de la Place des Basques ? Le petit fronton qui encadre une fenêtre en plein cintre est trop exigu pour rompre véritablement cette interminable ligne horizontale de toiture.
Est-il donc impossible d’adopter le raisonnable parti préconisé de hauteurs d’étages, de loggias ou attiques au dernier étage, de gabarits de toiture, lequel suffirait à sauvegarder la sacro-sainte obligation de l’unité et suffisait, ainsi, à tracer ces convergentes lignes perspectives, chères aux néo-classiques des officines académiques. Et, pour le reste, que soit accordée, aux propriétaires soucieux d'hygiène et de lumière, liberté complète d'agrandir le champ solaire, dans des pièces d’habitation, aux architectes amoureux de leur art, liberté de créer une harmonie de pleins et de vides adaptées aux nécessités de l'intérieur au lieu d’une artificielle distribution derrière un paravent de décor théâtral. Et les architectes régionaux ont prouvé sur les Glacis qu’ils étaient les dignes émules ou disciples de régionalistes châtiés. Au reste, un jury compètent aurait suffi à réprimer les audaces ou les maladresses de détails, d’architectes outranciers qui auraient voulu rompre les liens règlementaires cependant déjà très serrés.
SUR LES GLACIS BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire