UNE LETTRE OUVERTE AU PRÉFET DES BASSES-PYRÉNÉES EN 1907.
Parmi les nombreuses chasses pratiquées dans le Pays Basque d'Antan, comme la chasse au renard, aux vautours, à la palombe, et autres goélands, la chasse aux alouettes n'en était pas la moins pratiquée.
ATTELAGE BASQUE BIARRITZ 1907 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 23 février 1907 :
"Tribune publique.
Lettre ouverte à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées.
Pourrez-vous concevoir, Monsieur le Préfet, l'inouïe aberration mentale qui m’incite irrésistiblement à solliciter un renseignement presque confidentiel ? La rumeur publique ne vous apprit-elle pas, que par l'intermédiaire de Monsieur Forsans, conseiller général, certaine pétition concernant l'autorisation de chasser l’alouette en plaine au fusil, jusqu’au 31 mars, vous fût expédiée en date du 15 de ce mois ? Hélas ! trois fois hélas ! Monsieur le Préfet, je me rends parfaitement compte que les 120 kilomètres administratifs qui nous séparent de Pau, ne peuvent être franchis comme d’honnêtes et braves kilomètres ordinaires.
ALOUETTE DES CHAMPS |
Evidemment, une moyenne quotidienne de 100 kilomètres pourrait être exigée d'un pesant omnibus, d'un piéton peu pressé, ou d’un alerte cul-de-jatte. Mais du chemin de fer, de la poste, du télégraphe môme, non ! quelle présomption serait la nôtre ! Aussi, Monsieur le Préfet, excuserez-vous la liberté grande qui me fait emprunter une voie plus rapide, la voie de la presse, pour commenter un désir que beaucoup espéraient voir se réaliser en temps opportun, mais que la fantaisiste administration de Monsieur Bérard ne vous permit sans doute pas d’examiner encore.
LEON BERARD |
A coup sûr, Monsieur le Préfet, avez-vous vague souvenance d'un estimable édit réglementant la chasse en l’an de grâce 1844, accommodé au goût du jour par quelques paragraphes supplémentaires ? Si ce vénérable décret implique le respect inné que comporte sa vétusté, il n’en est pas moins vrai qu’il fut fort judicieux pour l'époque. Le contribuable aurait donc mauvaise grâce à ne point apprécier ce que modernise chaque saison la signature préfectorale. Car, nul ne contestera qu'un édit de 1844, signé par un préfet de 1907, ne peut être qu’excellent.
RUINES DE MARRACQ BAYONNE 1907 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et savez-vous, Monsieur le Préfet, ce que les chasseurs du canton objectent. Ils prétendent (Seigneur, pardonnez-leur !) que ne pouvant chasser ni dans les limites de l'octroi, ni sur la route, ni dans les environs de Biarritz, ni dans la douzaine de champs préservés, jalousement par leurs propriétaires, il ne leur reste que quelques espaces en "plaine" où les migrateurs se posent février et mars. Or, c’est ici où l’on apprécie la sagesse du législateur. Biarritz, voisin immédiat de la mer et des Pyrénées, situation toute spéciale par conséquent pour les passages et sans gibier stationnaire, Biarritz, à cette époque, a le droit de tirer sous bois. Comme chacun le sait, il est pertinemment aisé et sûr de rencontrer, à la cime d’un peuplier chenu ou d’un pin anémique, alouettes, pluviers et vanneaux.
CÔTE DES BASQUES BIARRITZ 1907 PAYS BASQUE D'ANTAN |
...Digne législateur ! Grognon oh ! combien grincheux chasseur ! Ils disent encore, mais que ne disent-ils. Monsieur le Préfet : "L’ouvrier et le paysan besogneux s’imposent un sacrifice pécuniaire grevant lourdement un maigre budget ; si le premier passage à l’aller s’effectue de nuit, ce qui arrive bien souvent, les voilà donc privés du léger bénéfice d’un heureux coup de fusil !" Bel argument. Vous ne pouvez, c'est certain, réglementer un passage ailé ! Que ces gens, jamais satisfaits, sont donc embêtants !
PLACE PLUVIOSE ST JEAN DE LUZ 1907 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aussi, Monsieur le Préfet, pénétré de la présomption d’une pétition dont les auteurs, munis de l’honnête permis de 28 fr. 50 payé d’avance estiment posséder le droit d'avoir un fusil pour s’en servir, je vous déclare tout net et solennellement me désolidariser des signataires du vœu.
Renvoyez-moi, je vous en supplie, Monsieur le Préfet ; oui, renvoyez-moi mon beau paraphe préalablement découpé dans un petit rond de papier.
Je ne veux pas rester avec des confrères affirmant que le gibier ne se détruit pas au fusil, mais à l’aide des mille et un engins prohibés en France, autorisés chez nos voisins d’Espagne.
CASINO HENDAYE 1907 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je refuse de collaborer avec des révolutionnaires qui ne s’inclinent pas devant la loi de 1884, prétendant qu’elle pourrait être plus judicieusement appliquée.
Et, jetant délibérément mes complices par dessus bord Monsieur le Préfet, pour prix de ma forfaiture, je sollicite de votre haute influence une invitation prochaine aux chasses présidentielles. A mes côtés, seront quatre signataires de la pétition.
CHÂTEAU DE ROSTAND CAMBO 1907 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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