PAUL-JEAN TOULET ET GUÉTHARY EN 1922.
Paul-Jean Toulet est un écrivain et poète français, célèbre pour ses Contrerimes, une forme poétique qu'il a créée.
TOULET PAUL-JEAN ECRIVAIN |
Voici ce que rapporta le journal Le Temps, dans son édition du 30 juin 1922 :
"Pensées de P. -J. Poulet.
La singulière destinée que celle de P.-J. Toulet !
Ce créole né à Bourbon, d'une famille béarnaise, a passé vingt ans à Paris, et généralement inaperçu. D’abord, il ne sortait que la nuit, et la consacrait à boire du whisky and soda dans les bars, après quoi il dormait toute la journée. Quelqu’un excita fort son indignation en l’invitant un jour à déjeuner, et cet indiscret amphitryon fut qualifié par lui d’homme qui ne savait pas vivre. Ces habitudes restreignaient un peu le cercle de ses relations. Il dédaignait le public, et le public l’ignorait. Assez longtemps, ses amis mêmes et ses compagnons de beuveries nocturnes ne le prirent guère au sérieux. Il ne manquait pas d’esprit de conversation, mais il l’avait fort paradoxal, par nature et par ferme propos. Ses plaisanteries coutumières contre la Révolution française et la démocratie ne dépassaient guère le niveau des clubs aristocratiques de sous-préfecture. Il aimait beaucoup la politique coloniale et en parlait abondamment ; mais il prêchait si peu d’exemple et sa vie ressemblait si peu à celle d’un homme d’action que l’autorité de ses discours ne laissait pas d’en être atteinte. Et puis, à quelle heure travaillait-il ? Il semblait bien réaliser le type même de l’amateur. Cependant il publiait de loin en loin quelque petit volume un peu bizarre et fort spirituel. Parfois il collaborait avec le joyeux Curnonski. Monsieur du Paur, homme public, le Mariage de don Quichotte, Mon amie Nane, les Tendres ménages lui valurent une petite réputation d’ironiste piquant et de bon écrivain. Puis des jeunes gens furent très frappés de ses attitudes corporelles et intellectuelles, de sa maigreur sinueuse et comme lovée, de son humeur irascible, du dogmatisme avec lequel il promulguait, devant son whisky, d’agressifs et facétieux oracles. Il eut des admirateurs, et dans cette sorte de cénacle fut promu grand homme. Il nous avait brusquement quittés pour refaire son estomac à Guéthary, où il demeura quelques années, et mourut. Depuis sa mort, on a publié de lui quelques ouvrages posthumes, et encore ces jours-ci ces Trois impostures, auxquelles il avait lui-même donné le titre d’ "almanach".
LIVRE MON AMIE NANE DE PAUL JEAN TOULET |
LIVRE LE MARIAGE DE DON QUICHOTTE DE PAUL JEAN TOULET |
LIVRE LES TROIS IMPOSTURES DE PAUL JEAN TOULET |
Il faut avouer que la qualité de certains mots le justifie pleinement.. Certes Toulet avait du trait, une sorte de préciosité amère et froidement dénigrante, qui ne manquait pas de charme. Mais il était moins sévère pour lui-même que pour les autres et ne choisissait point assez. II est vrai que le temps lui a fait défaut pour revoir le manuscrit de cet almanach et opérer le tri nécessaire. Beaucoup de ces "pensées" sont banales insignifiantes. Aucune ne va très loin ; point de révélations. II en reste pourtant un certain nombre qui sont amusantes, dans un genre cyniquement sarcastique, renouvelé de Chamfort et de Schopenhauer. Toulet écrira : "Il y a des femmes qui plus elles vieillissent et plus elles deviennent tendres. Il y a aussi les faisans." Cela est tout à fait caractéristique de sa manière. Cela vaut "les cheveux longs et les idées courtes" du philosophe de Francfort ; mais ce dernier ne s’en est pas tenu là. Toulet ne rivalise pas avec lui en métaphysique, mais seulement en misogynie. Il ira encore : "On ne trouve, Médée, que les sots à médire de votre cœur. Et vous en avez bien autant qu’un jeu de cartes. Le tout est d’être heureux à la retourne...Ce n’est pas si malaisé de prendre les femmes que souvent de les garder, et quelquefois au contraire...Prétendre que les personnes du sexe n’ont pas de génie, quelle injustice ! Et madame Laetitia, pour ne citer qu’elle, en a eu - pendant neuf mois...Quand on a raison, il faut raisonner comme un homme, et comme une femme quand on a tort." II était d’ailleurs assez misanthrope aussi, et non pas précisément athée, mais au moins voltairien. Les "trois impostures" qu’il dénonce sont : la femme, les amis, les dieux. Il pense que si l’homme ne descend pas du singe, c’est peut-être le singe qui descend de l’homme. Il se permet des railleries un peu sacrilèges : "L’œuvre de chair ne désireras... dit le Décalogue, et, par là, nous engage à prendre pour maîtresses dés femmes mariées." Et ceci : "S’il est vrai que Dieu créa l’homme à Sa ressemblance, cela donne de Lui une image désobligeante." Toulet avait le conservatisme frondeur et le traditionalisme un peu impie.
PAUL JEAN TOULET |
PJT a fait quelques humanités à Bayonne avant de partir séjourner trois ans à l'île Maurice. Il a été sensible à la prose de Pierre Loti (autre écrivain voyageur et un peu chantre du Pays basque) et à l'opium qu'il pratiquera en Indochine avec son ami Curnonsky. Citons parmi quelques contrerimes les célèbres : "Dans Arles où sont les Aliscams,/Quand l'ombre est rouge, sous les roses,/Et clair le temps/Prends garde à la douceur des choses..."
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