UN CRIME À ASCAIN EN 1880.
En 1880, Ascain est le théâtre d'un horrible assassinat.
LA RHUNE ASCAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai déjà parlé de ce crime dans deux articles précédents, le 5/01/2019 et le 17/02/2019.
Voici la suite de cette affaire et ce que raconta à ce sujet, la presse, dans diverses éditions :
- La Petite Gironde, le 29 Novembre 1881 :
"Cour d’Assises des Basses-Pyrénées.
Présidence de M. Pouget, conseiller.
Les crimes d'Ascain.
Assassinats. — Avortements. — Meurtres.
Suite de l'audience du vendredi 23 novembre.
La séance est reprise à 5 heures moins 10.
Joseph Etcheparen, laboureur à Ascain, maison Esconlacoborda, a, le soir du 2 mai, ouvert la porte à Mme Lissague.
Marie Inda, à Ciboure : Le dimanche 2 mai j’allais au moulin de Sougaret. Nous entrâmes ensemble et nous vîmes au bas de l’escalier le cadavre de sa belle-sœur. Il ne jeta pas un grand cri, je crois, mais il témoigna un profond chagrin.
Jean Gracie, à Ascain, cousin par alliance de l’accusé : J’étais maire d’Ascain à l’époque du crime, et je me suis rendu sur les lieux dès que je fus informé de ce crime.
Le témoin rapporte les remarques qu’il fit dans la maison.
Joseph Lissague, à Hendaye, domestique de Sougaret à l’époque du crime : La veille du crime, Sougaret fit coucher tout le monde de bonne heure, et il dit qu’il allait se coucher aussi ; je ne tardai pas à m’endormir et je ne sais pas ce qui a pu se passer dans la maison pendant la nuit. Le témoin ne sait pas si Sougaret est sorti pendant la nuit qui suivit le crime après le départ du capitaine de gendarmerie.
Le jour de l’Ascension, quand, en ma présence, Sougaret découvrit une chemise ensanglantée entre deux matelas, il dit : je suis perdu, et il tint le même langage à Haraneder. Je déclare m’avoir pas été chargé par Sougaret de recommander à Marie Noblia de ne rien dire, contrairement à ce que Marie Noblia prétend. Je n’ai pas aiguisé de hache la veille du crime. Françoise Elissalde et Sougaret vivaient en bonne union d’après ce qu’il m’a toujours semblé.
Marie Beroketa, domestique à Ascain : Elle habite une maison voisine du moulin de Sougaret ; vers onze heures du matin, le jour du crime, elle entendit deux ou trois coups qui venaient de la direction du moulin. Marie Noblia m’a dit un jour : "Si Françoise Elissalde tombe entre mes griffes, je la secouerai !" A la nouvelle du crime, je pus donc croire que c’était elle qui l’avait commis.
Etchesahareta, 16 ans, laboureur à Ascain : Allant chercher de la farine au moulin de Sougaret le dimanche matin, il rencontra Marie Noblia qui était en observation. Il était environ dix heures.
Marie Aldaraborda, femme Duperrou, à Urrugne : Ce dimancbe-là, vers dix heures et demie, j’aperçus deux fois une femme habillée de noir qui allait et venait en courant. Je sais aujourd’hui que c’était Marie Noblia.
Joseph Marinia, à Urrugne : J’étais près du bois Noir, j’aperçus une femme qui courait et qui était certainement Marie Noblia. Elle portait un paquet.
Marie Noblia reconnaît que c’était elle, en effet.
Jeanne-Marie Noblia, 25 ans, à Urrugne ; c’est la sœur de l’accusée ; elle avait été arrêtée comme complice, pour recel ; il y a eu ensuite eu sa faveur une ordonnance de non-lieu : Le dimanche même du crime, vers neuf heures et demie du matin, ma sœur rentra chez nous, disant qu’elle venait de la messe d’Ascain. Puis elle sortit. Elle ne revint que vers midi et demi. Elle arriva comme une folle et se jeta par terre en s’écriant : "Je suis perdue, on peut me tuer, je suis perdue à cause de cet homme !" voulant ainsi désigner Sougaret, ainsi que je l’ai su après. Je sais que ma sœur se conduisait mal, et deux fois j’ai su qu’elle était enceinte et j'ai entendu parler d’avortements. Nous avons perdu notre mère très jeunes et notre père venait de mourir. Un jour que je trouvai ma sœur malade et alitée, je voulus la faire venir à la maison, mais Sougaret ne le permit pas.
L’audience est levée à 7 heures et renvoyée à demain à 11 Heures.
Audience du samedi 26 novembre.
L’audience est ouverte à 11 heures 1/2.
Jeanne-Marie Noblia, sœur de l’accusée, est rappelée ; elle est invitée à fournir des explications concernant les tentatives de suicide auxquelles l’accusée se serait livrée. — Deux fois, en effet, Marie Noblia a tenté de s’étrangler, et j’ai pu l’en empêcher. Une fois, la strangulation était presque complète.
L'accusée, interpellée, reconnait l’exactitude de cette déposition.
Sougaret, interpellé, impute aux Noblia l’enlèvement d'effets trouvés chez eux et lui appartenant.
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Pierre Noblia, soldat au 49e, à Bayonne, frère de l'accusée : Ce témoin a été inculpé au début de l’instruction et arrêté alors, mais une ordonnance de non lieu intervint en sa faveur ; Je n’étais pas à la maison, le dimanche, quand rentra ma sœur Marie, après le crime. En arrivant, je trouvai mon autre sœur, Jeanne-Marie, toute bouleversée, qui me raconta ce qui était arrivé. Je fus désolé à cette nouvelle. Je pris l'argent laissé par Marie, ainsi que son tablier, et j’allais le cacher. Le soir, quand je revins a la maison, après avoir entendu parler du crime, j’y trouvai Marie. Je ne sais pas si elle coucha chez nous cette nuit-là.
Sur interpellation, le témoin reconnaît avoir reçu de sa sœur Marie un second paquet contenant de l’argent qu’il cacha également. C’était au moment où elle s’enfuyait le lundi, en disant qu’elle allait se noyer.
Le témoin fournit encore des renseignements sur d’autre argent qu’il aurait reçu d’elle précédemment et qui appartenait en propre à celle-ci.
L'accusé Sougaret prétend que Marie Noblia ne pouvait pas lui avoir remis de l’argent avant le crime, puisque la famille Noblia, quinze jours avant, demandait à Sougaret, pour les fournitures du moulin, un crédit qu’il dut refuser.
Marie Noblia proteste en disant qu’à cette époque, moins qu’à toute autre, Sougaret ne lui refusait rien.
Pierre Noblia raconte la scène de violence dont il a été victime de la part de Sougaret, quand ils étaient tous deux dans la prison de Bayonne.
L'accusé prétend que les faits ne se sont pas produits comme ils sont rapportés.
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Michel Castets, maison Charrabaïta, à Urrugne : Ce témoin habite la même maison que la famille Noblia. Il vit arriver Marie Noblia, le dimanche du crime, vers midi et demi.
Joseph Besseler, maire de Ciboure : Le témoin, appelé à fournir des renseignements sur la femme Saint-Martin-Chegnarré, dit qu’elle s'occupait de médecine illégale et qu’il avait dû lui faire des observations à cet égard.
Joséphine Dovarçabal, femme Mandornet, à Ciboure : La femme Saint-Martin-Chegnarré faisait de la médecine illégale et s’occupait de sortilèges, mais ne ne livrait pas, que je sache, à la pratique des avortements. J’ai vu Sougaret venir chez elle après la mort de son enfant.
Mariana Hirigoyen, à Ciboure : Un dimanche, il y a trois ans, Marie Noblia m’a demandé si je savais où était la femme Chegnarré. J’ai été enceinte et à cette époque elle m’interrogea, me proposant de me débarrasser de l’enfant que je portais. Je refusai, et alors elle me recommanda de ne pas répéter notre conversation.
Marie Harriéguy, à Ascain : J’étais au moulin, pendant que Marie Noblia était malade, environ trois mois avant l’assassinat. Elle gardait la chambre et Sougaret l’y soignait. L’accès de cette chambre lui était fermé. Trois fois cependant j’ai eu à coucher avec elle et j’ai remarqué chaque fois que les draps étaient changés. Cela me donna des soupçons, car j’avais entendu dire précédemment que Marie Noblia était enceinte.
Un jour je fus surprise près de la porte de la chambre, et Sougaret m’adressa les plus sévères reproches, me défendit de commettre de telles indiscrétions, et me menaça vivement dans le cas où je dévoilerais rien de se qui se passait.
Marie Noblia rappelle au témoin qu’elle couchait alors dans la chambre de Sougaret.
Sougaret conteste le fait.
Il résulte des explications fournies par le témoin que c’était bien dans la chambre de Sougaret que Marie Noblia couchait et que Thérèze Harrieguy couchait avec elle.
Audience du dimanche 27 novembre.
L’audition des témoins continue.
Marie Aguirre, femme Baptiste Haraneder, belle-sœur de la victime Jolimon : Le dimanche, vers midi et demi, j’étais au champ. J'entendis des cris poussés par Sougaret dans son moulin. Il appelait pour faire voir Françoise Elissalde assassinée. J’y allai.
Le témoin décrit l’intérieur du moulin, la position du cadavre et le désordre de la maison. Sougaret constata le vol de 1 800 à 2 000 francs.
Jean Berro, maison Campagna, à Ascain : J’étais très intime avec l’accusé. Il m’a prêté de l’argent, Sougaret n'a jamais logé dans la maison Campagna ; il n'y a jamais couché avec Marie Noblia.
Le témoin nie la déclaration de Marie Noblia, qui disait que, depuis sa sortie du moulin, elle voyait l'accusé dans cette maison. Je reconnais qu'à la date de la disparition de Jolimon, Sougaret est passé chez moi.
Johannès Berro habitait la maison Campagna ; il n'y a jamais vu les accusés et n'a jamais entendu parler de ces visites. Il a été domestique de Sougaret pendant le séjour chez lui de Marie Noblia, il n’a pas connu les relations des accusés ni aperçu les grossesses.
Pierre Noblia, rappelé, affirme qu’il tient du témoin que sa sœur allait à Campagna avec Sougaret. Le témoin dit que c’est faux.
Marie Noblia dit au témoin qu’il ment, et que s'il pouvait la perdre davantage il mentirait encore.
Plusieurs témoins font des dépositions sans importance sur les mœurs et les habitudes de Sougaret.
Madeleine Haremboure : Le dimanche du crime, j'ai rencontré, à Ciboure Marie Noblia qui m’a dit qu'on accusait Sougaret du crime de Françoise Elissalde. Je lui ai répondu qu'on m'avait dit que c'étaient des bohémiens.
Marie Noblia, interpellée, ne se rappelle pas.
Le témoin persiste dans sa déposition.
Jeanne-Marie Leolaberry, à Ascain : Le 2 mai, jour du crime, Françoise Elissalde est venue chez moi. Je revenais de la messe, je la questionnai sur la conduite de Sougaret à son égard. Elle me répondit que c'était un bon garçon. Je lui demandai si elle n'avait pas peur, lorsqu’elle était seule dans le moulin. Elle me répondit que non, qu’elle fermait les portes.
Femme Dantin, couturière à Ascain : Marie Noblia, le dimanche 2 mai, vînt chez moi à la sortie de la messe ; il pleuvait, elle rentra et se mit à la fenêtre pour voir sortir le monde. Marie Noblia avait mauvais caractère ; je lui ai donné des leçons, elle m’a paru entêtée : "Je ne céderai pas, disait-elle, quand on me tuerait !" Je ne lui ai pas entendu faire des menaces ; elle traitait cependant François Elissalde de soûlarde. Pendant quatre mois, elle a pris des leçons ; c’est elle qui se présenta. Je n’ai pas connu les relations qui existaient entre les accusés. Elle m'a assuré qu’elle n’était pas enceinte, comme on le disait, mais qu’elle était devenue hydropique, à la suite d'une peur. La chemise de Sougaret lui étant présentée, ainsi que le pantalon, le témoin reconnaît que Marie Noblia a pu, avant d’entrer dans son atelier, réparer le pantalon. Le témoin a des doutes sur le col de la chemise.
Marie Elissalde, sœur de la victime : Ma soeur m'a toujours dit que Sougaret était un brave homme. Elle s’était cependant un peu brouillée avec lui, mais était revenue quatre jours après. La discussion avait eu lieu à cause d’une bourse qui a ensuite retrouvée. Après la mort de ma sœur, j'ai porté tout un costume presque neuf chez le teinturier Lagisquette, à Saint-Jean-de-Luz. C’était à peu près en avril 1878. Le pantalon était foncé et pouvait facilement être teint.
Sur l’interpellation de l’avocat général, Sougaret décrit les fermetures des diverses portes de sa maison, deux avec crochets intérieurs, une avec serrure.
Marie Noblia dit que la porte du réservoir était entr’ouverte, et cependant le dernier témoin a déclaré que quand Françoise Elissalde était seule, elle fermait toujours toutes les portes.
Après diverses discussions, Sougaret se retourne furieux vers Marie Noblia et lui dit : "Dis-moi donc que j’ai tué Jolimon."
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