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mardi 19 mars 2019

LA LANGUE BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (première partie)


LA LANGUE BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.



revolution française
LA REVOLUTION FRANCAISE


Le Pays Basque Nord, formé du Labourd, de la Soule et de la Basse-Navarre a été englobé avec 

le Béarn dans le département des Basses-Pyrénées, le 4 mars 1790.

Voici ce que raconta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son 

édition du 25 mai 1932 :


"L’Histoire de notre région.



La Révolution et la langue basque.



Diverse et multiple était la France de 1789. Au dire de Grégoire, le futur évêque constitutionnel de Loir-et-Cher, sur une population totale d’environ 25 millions d'habitants, 6 millions ignoraient complètement la langue française, 6 autres millions étaient incapables de soutenir une conversation suivie. Les patois de langue d’oc se rencontraient avec les idiomes : ceux-ci étaient le bas-breton, l’alsacien, l’italien de Corse, et enfin le basque de nos contrées. En Roussillon, la question du catalan était moins grave. Les agents de la royauté, même au siècle des lumières, avaient considéré la chose comme secondaire, normale même dans certains cas. Mais, dès le dix-huitième siècle, s’annonce la politique révolutionnaire : patois et idiomes ne sont que le fruit de l’ignorance, de la tyrannie et de la féodalité. Ce français, langue diplomatique, langue universelle de l’Europe civilisée, est inconnu d’un nombre immense d’habitants de la France : scandale pour la Raison ! L’esprit jacobin voudra faire la France une et indivisible ; il s’emparera de l’axiome célèbre : "la langue fait la patrie". Il réclamera une œuvre de francisation à outrance. Mais bien vite cette politique de la langue appellera la Terreur linguistique : il n’est plus question de propagande, d’instruction, de conquête rapide et pacifique : si les patois bénéficient de quelque tolérance, les idiomes sont mis au rang des suspects et traités comme tel : le français ne sera pas seulement un élément de libération que répandra l’enseignement primaire, il sera la langue de la République victorieuse ; n’est-ce pas en effet dans ces régions à idiomes, de la Bretagne à l’Alsace et de la Flandre au Pays Basque, que fleurit, comme par hasard, la contre-Révolution ! Particulièrement intéressante à étudier serait, de ce point de vue la politique linguistique de la Révolution en Alsace ; mais l’on comprendra sans peine que ce soit le Pays Basque qui nous retienne quelque peu ici. 



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LA REVOLUTION FRANCAISE


Dès le début de la Constituante, un homme s’attache à lutter pour l’unité de la langue. Simple curé d’Emberménil, esprit de second ordre, volontiers confus et obtus, il avait du moins la fermeté et la constance de ses idées. Le 11 août 1790, il envoyait partout un grand questionnaire. Le 10 septembre 1791, Talleyrand posa la question à l’Assemblée expirante au nom du Comité de Constitution : il invoqua les difficultés spéciales nées de la présence des idiomes, citant nommément le basque. Mais déjà un premier décret avait été pris, concernant et ordonnant la traduction des décrets de la Constituante : le député de Bailleul, Bouchette, l’avait réclamé pour le Nord au nom des Flamands ; en 1792, Dithurbide rappelait encore à son collègue Garat, s’appuyant sur les vœux des Cahiers, la nécessité de ces traductions pour le Pays Basque. Mais ici, une difficulté se présentait : traduire en basque les lois révolutionnaires, c’eût été parfait s’il n’y avait eu trois idiomes basques différents. Louis XVI cependant avait chargé Dugas de diriger la traduction désirée pour 30 départements à patois et à idiomes ; les malheureux traducteurs restèrent d’ailleurs longtemps impayés ; mais leur œuvre comporte sept volumes pour les Basses-Pyrénées. D’autre part, la Société des Amis de la Constitution de Bayonne, avait offert le 16 décembre 1791, un ecclésiastique  — il fallait bien prendre ce qui s'offrait, — pour faire cette traduction en divers dialectes basques. Sur l’invitation de Garat, une circulaire aux départements demandait d’ailleurs, le 4 mars 1792, si le travail du Bureau des Traductions était bien conforme. 



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PANTHEON REPUBLICAIN


A ces traductions officielles, la propagande révolutionnaire joignit, çà et là, malgré sa répugnance à user des "idiomes", toute une littérature de chansons, de pamphlets, de journaux. Aux fêtes révolutionnaires, aux séances des Sociétés populaires, plus encore aux prônes des paroisses, il fallut bien aussi recourir à "la langue vulgaire". 



Mais la question linguistique allait être au premier plan du grand conflit qui se produisit à la Constituante lors, de la formation du département des Basses-Pyrénées. Députés basques et députés béarnais eurent entre eux de longues conférences. 


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GARDES FRANCAISES REVOLUTION


C’est au nom de la différence de langue que les deux Garat d’Ustaritz voulaient un département basque ; de son côté, la Soule voulait s'étendre au détriment du pays d’Oloron. "Les trois provinces basques ne veulent point confondre leurs limites ni unifier leurs lois, les Souletins ne veulent pas s’unir à la Navarre." Les Béarnais répliquaient encore que les coutumes de la Soule et de la Basse-Navarre étaient écrites en béarnais, celles du Labourd en français. Ardent entre tous fut leur porte-parole, la député du Tiers Darnaudat, ex-conseiller au Parlement de Navarre à Pau. Tous les essais d’entente ayant échoué, il s’opposa à Garat d’Ustaritz à la tribune de l’Assemblée Constituante ; il l’emporta. L’Assemblée manifesta une fois de plus sa volonté de briser les cadres traditionnels au nom de l’Unité nationale ; mais l'Egalité exigea qu’aux trois districts béarnais de Pau, Oloron, Orthez, fissent pendant les trois districts basques de Mauléon, Saint-Palais, Ustaritz, Bayonne ; placé au centre du département, Navarrenx fut choisi comme chef-lieu ! 



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DOMINIQUE JOSEPH GARAT DEPUTE

La question linguistique, basque compris, reparut encore à la Constituante sur le point de se séparer : elle discuta les 10, 11 et 19 septembre 1791, le rapport de Talleyrand dont nous avons déjà parlé. Le célèbre évêque d’Autun parlait d’universaliser le français, de créer un enseignement primaire dirigé en ce sens. Déjà s’annonçaient les idées de la Convention, du décret du 21 octobre 1793, imposant une école à chaque village, le tohu-bohu de plans d’instruction plus ou moins baroques, le rapport de Condorcet parlant de briser la dépendance humiliante et insultante au progrès, de ceux qui ignoraient le français. Le latin était maltraité ; perdu dans son rêve d’une église gallicane, Grégoire songeait déjà à le remplacer par le français dans la liturgie ecclésiastique. Tout au plus, note-t-on une curieuse réaction aux débuts mêmes de la Convention : le rapport de Lanthenas, en date du 18 décembre 1792, parlait de détruire les patois, mais faisant quelques concessions aux idiomes, basque compris ; en réalité, le Président du Comité d'instruction Publique, Arbogast, avait pensé à son pays d’Alsace. 



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COMITE D'INSTRUCTION PUBLIQUE

Simple et momentanée concession ! Déjà les principes étaient posés et la lutte pour le français commencée. Mais voici que la guerre civile se déchaîne au milieu de la Terreur et de l’Invasion étrangère. Les pays à idiome sont des pays contre-révolutionnaires, le basque est lui aussi un facteur de fédéralisme et de dissidence. Il va attirer sur lui les foudres de la Convention montagnarde."



(Source : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_2001_num_20_2_2224)




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