Libellés

lundi 18 mars 2019

ARNÉGUY ET VALCARLOS À LA FRONTIÈRE NAVARRAISE AU PAYS BASQUE EN 1931 (deuxième et dernière partie)


ARNÉGUY ET VALCARLOS EN 1931.


A la fin de l'année 1930, la situation politique est compliquée en Espagne, suite à la démission du général Primo de Rivera en janvier 1930.


basse navarre autrefois
ARNEGUY
PAYS BASQUE D'ANTAN


Je vous ai déjà parlé de la situation à la frontière Navarraise, en 1931, dans un article 

précédent.



Voici ce que rapporta le journal Le Petit Parisien, dans son édition du 2 janvier 1931, sous la 

plume de Georges Saint-André :




"...Maintenant, notre Espagnol se fait plus grave.




navarra antes
VUE PARTIELLE ET ONDARROLA VALCARLOS
PAYS BASQUE D'ANTAN





- Le feu de paille s'est éteint, dit-il, mais pour cela la situation ne s'est pas éclaircie.










La situation économique surtout s'entend. Le peuple espagnol a la vie difficile actuellement. Malgré les efforts du clergé, qui est tout-puissant dans toute la Péninsule et qui seul a une autorité réelle et complète sur les populations, en majorité illettrées, des provinces éloignées, le mécontentement augmente de jour en jour. Il grandit aussi avec les difficultés de la vie et l'accroissement des impôts, accroissement consécutif à l'augmentation des traitements des nombreux fonctionnaires et des policiers, gendarmes et carabiniers, plus nombreux encore.



basse navarre autrefois
UN REPAS A BAIGORRY 1931
PAYS BASQUE D'ANTAN



On a tenté de sauver les apparences en frappant les produits étrangers de droits de douane prohibitifs, et une automobile française ne peut plus être vendue en Espagne : il faut payer pour l'entrer une somme supérieure à sa valeur d'achat ! C'est pourquoi, devant les exigences de la commission royale, les pourparlers viennent d'être rompus par les négociateurs chargés de la révision des tarifs douaniers entre la Péninsule et la France.




La peseta se maintient difficilement aux environs de 265, grâce à des artifices, et on ne verra plus des commerçants de Saint-Sébastien venir se promener à Bayonne pour y allumer comme en 1926 leur cigarette avec un de nos billets de 100 francs. 


pays basque autrefois
QUAI GALUPERIE BAYONNE 1931
PAYS BASQUE D'ANTAN


On raconte, à ce sujet, une anecdote qui se déroula non loin du port de l'Adour, à l'époque où la peseta cotait 570. Comme un Espagnol venait de faire ce geste peu élégant de brûler nos francs-papier pour enflammer son cigare, un champion sportif connu lui administra une magistrale correction et il l'eût jeté dans la rivière sana l'intervention des passants. 





Mais cette diversion nous avait entraînés un peu loin de la situation économique si difficile dans laquelle se débattent les sujets d'Alphonse XIII. On y revint pour en chercher la solution. Il faut reconnaître qu'à la vérité, parmi le groupe des discoureurs, nul ne la trouva. On invoqua l'abandon de la terre par la population qui va toucher hors des frontières des salaires plus élevés que ceux qui sont consentis aux ouvriers espagnols. 





On invoqua aussi l'injustice d'un régime qui permet des inégalités dont voici un exemple :


Un jeune Espagnol appelé sous les drapeaux et désigné pour le corps d'occupation du Maroc peut être dispensé de ce départ si sa famille consent à verser une somme assez rondelette de pesetas, à habiller la jeune recrue et à pourvoir à ses besoins personnels pendant son temps de présence sous les drapeaux, qu'il passera alors sur le continent.



Toutes ces causes de mécontentement additionnelles ont produit le grand malaise espagnol, qui s'accroît encore cette année de la mévente du vin. On en trouve dans le commerce, même à la frontière française, à raison de 40 centimes le litre, et de l'excellent. Le malheur est qu'on ne peut pas l'exporter.


navarra antes
FRONTIERE A VALCARLOS 1932
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le déserteur mélancolique.



Mais, à la frontière, en Espagne, d'autres hommes, plus impatients, attendent aussi ce sont les insoumis de la dernière guerre qui, réfugiés à quelques kilomètres de leur pays natal, espèrent en une loi d'amnistie qui tarde trop à leur gré.




Dans un café de Valcarlos, l'autre jour, j'ai rencontré l'un de ces proscrits volontaires. Le hasard m'avait mis à ses côtés et, comme il parlait le français avec correction, mais avec quelque difficulté, je lui ai demandé :


- Vous êtes Espagnol ?




L'homme a hésité. Il regardait avec un air étrange un tout petit ruban accroché à ma boutonnière - souvenir de guerre, - puis il lâcha d'un seul coup :


- Non ! Je suis Français, mais je ne peux pas rentrer en France, je suis insoumis.



basse navarre autrefois
ARNEGUY VUE DE VALCARLOS 1928
PAYS BASQUE D'ANTAN


Et il m'a conté son histoire. En 1914, il gardait au pied de la Cordillère des Andes, dans les Amériques, comme disent les Basques, un troupeau de deux mille moutons. En novembre, il a su que la guerre était déclarée ; il avait l'âge de servir et il n'est pas venu se battre. Il pensait que la tuerie serait bientôt achevée, qu'il arriverait quand ce serait fini, et il ne pouvait pas abandonner comme ça son troupeau. Alors, il a attendu. 




Il a attendu seize années. Il est revenu ces temps derniers en Espagne, d'où il ne peut gagner la France, car il sait que les gendarmes ne le laisseraient pas franchir la frontière pour rentrer dans son village natal qu'il aperçoit, par temps clair, au fond de la vallée.




Une fois par semaine, on vient le voir, de France, dans le hameau espagnol où il réside mélancolique. 




Il m'a dit : "Nous sommes quelques centaines qui étions "aux Amériques" en 1914 et qui ne sommes pas venus faire notre devoir. Nous payons maintenant notre faute par notre exil ; c'est justice. Mais la crainte des années à passer sous les drapeaux à notre âge, la hantise des conséquences qui suivront notre retour entre deux gendarmes, tout cela nous retient au delà des Pyrénées, devant les toits du pays basque. Mais ne pourrait-on pas, maintenant, nous pardonner notre erreur, à nous qui étions si loin, là-bas et qui ne savions pas tout ? Il n'y a pas que nous, les hommes de la pampa, qui nous sommes trompés en 1914." 



secunda republica española
PABLO IGLESIAS SECONDE REPUBLIQUE ESPAGNOLE 14 AVRIL 1931


Alors, comme défilaient, sac sur l'épaule, lourde valise à la main, trois ouvriers espagnols qui se rendaient aux environs de Blois, embauchés comme bûcherons, l'insoumis, le Français exilé regarda, plus mélancolique encore, ceux qui quittaient volontairement leur sol natal pour aller vivre dans le sien, à lui, où il lui est défendu de ne plus revenir jamais."





Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 500 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

1 commentaire:

  1. Merci pour ce billet très intéressant ! Une grande partie de ma famille basque vient de Valcarlos, ce que j'ai relaté dans plusieurs récits comme cette "Saga des URRIZAGA" :
    https://aldaxkatik-aldaxkara.blogspot.com/2017/11/la-saga-des-urrizaga-ii-les-origines.html
    (D'autres billets à retrouver avec le libéllé Valcarlos).
    Je me suis donc pas mal documentée sur le sujet mais j'ignorais tout de cette époque récente que vous évoquez. Milesker !
    Marie (TT : @Eperra)

    RépondreSupprimer