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dimanche 17 mars 2019

LE GOUFFRE D'UTCIAPIA EN SOULE AU PAYS BASQUE EN 1940 (seconde et dernière partie)


LE GOUFFRE D'UTCIAPIA EN 1940.


Le Pays Basque a sur son territoire de nombreux gouffres, tant au Nord qu'au Sud.

pays basque autrefois
SPELEOLOGUE MAX COSYNS

Je vous ai déjà parlé de ce gouffre dans un article précédent.

Voici ce que rapporta le journal Le Figaro, dans son édition du 15 mai 1940 :




Canon gigantesque traqué vers le zénith.






Un cri étrange me tire de ma rêverie. C'est l'ami Cosyns qui, pendu au bout de son fil, éveillé à nouveau les échos du gouffre et s'étonne peut-être de mon silence. Je mets le nez à ma fenêtre et, répondant par un cri sonore, j'essaie de distinguer la silhouette qui doit tournoyer à son tour dans le vide. 


speleologie personnage celebre
SPELEOLOGUE MAX COSYNS



Soudain, une série d'éclairs raient les ténèbres, un pinceau lumineux mince mais très long, comme celui d'un phare, balaie les parois et parvient jusqu'au talus d'éboulis. C'est la torche électrique à foyer variable, dernier perfectionnement dont on a pu doter les spéléologues et qui me réconcilie définitivement avec l'éclairage électrique dont je me suis toujours méfié sous terre. Vraiment, ces lampes à grande puissance sont merveilleuses ; elles permettent de fouiller l'obscurité jusqu'à près de cent mètres, avantage inestimable, surtout dans les gouffres verticaux où les lanternes ordinaires n'éclairent pas au delà de vingt pas. Je profite de cet éclairage zigzagant qui me révèle peu à peu la structure du puits, telle d'ailleurs que je l'avais entrevue et imaginée : c'est l'âme d'un gigantesque canon braqué vers le zénith. 




La lumière se rapproche peu à peu ; des essais de conversation sont même tentés ; mais les échos, les interférences des sons brouillent les syllabes. 




Un moment d'attente encore et de silence, et voici que je distingue enfin Max Cosyns, tournoyant lui aussi comme une simple feuille. De le voir ainsi en raccourci, pendu, avec — agrandies outre mesure par la perspective — ses semelles cloutées qui tournent en cercle, je songe que ce même homme a, un jour, plané à plus de seize kilomètres en l'air dans les hautes régions de notre atmosphère, dans cette zone jusqu'alors inviolée et considérée comme inaccessible, où la température s'abaisse à 60 degrés au-dessous de zéro et où le corps humain, placé hors de la nacelle étanche, éclaterait... 




Je suis sûr qu'il devait alors être aussi calme, aussi tranquille qu'il m'apparaît maintenant au passage. Il atterrit, se débarrasse de la bricole, s'enquiert de mes impressions et entame une conversation téléphonique avec l'équipe du treuil. 




Le plan de l'exploration est arrêté. Les descentes et remontées, ainsi que les manœuvres secondaires qu'elles comportent, sont si longues que Vander Elst ne descendra pas aujourd'hui, il restera au treuil dont le bon fonctionnement et l'emploi judicieux sont évidemment d'une importance capitale. 



speleologie pays basque autrefois
1958 DECOUVERTE GROTTE HOLTON PAR VAN DER ELST




Mme Cosyns sera attentive au téléphone pendant que nous poursuivrons l'exploration en profondeur. Le talus d'éboulis est encombré, surtout à sa base, de troncs d'arbres et de branchages qui gênent nos mouvements et nos manœuvres, et nous sommes surpris de constater que la communication avec le puits sous-jacent se fait par une étroite crevasse qui admettra juste le passage du corps. 




Dans la fosse que jamais humain ne foula du pied. 




A cause de cette étroitesse on renonce à la descente au câble, car l'encombrement de la bricole ne permettrait pas de passer. 




Il est donc procédé au déroulement de mon échelle de corde dans la fissure. La tête de l'échelle est accrochée à l'anneau terminal du câble d'acier et, après que Cosyns a avisé téléphoniquement de mettre le treuil au cran d'arrêt, je me faufile, en forçant, entre l'échelle et les parois pour franchir le goulet. 



speleologie pays basque autrefois
SPELEOLOGUE



Plus bas, le puits reprend aussitôt sa verticalité et ses belles proportions. Il conviendrait, dès lors, que je trouve un relais, un petit balcon pour poser mes pieds et endosser le harnais que mon camarade fera glisser dans la fissure que je viens de forcer. Agrippé à l'échelle, j'allume la torche électrique pour découvrir quelque redan propice et juger de la profondeur de ce nouveau puits. Or, voilà qu'à vingt mètres environ sous mes pieds je vois un sol horizontal qui me paraît bien être le fond du gouffre. Quelques protubérances rocheuses me cachent cependant l'ensemble de l'air ; aussi, pour plus de certitude, je me mets en devoir de descendre jusque-là le long de l'échelle. 




C'est bien le fond, le gouffre s'achève ici brusquement. De bout dans cette fosse de cent cinquante mètres de profondeur que jamais humain ne foula du pied, j'informe mon compagnon de l'état des lieux. Sur le sol humide, encombré de quartiers de roches, gisent trois crânes de moutons dont les noires et profondes orbites semblent receler au delà de la mort un monde de penéses infiniment tristes. Tristes comme ce gouffre qui, bâillant traîtreusement en pleine forêt, engloutit un jour les pauvres bêtes dans une chute effroyable, loin des bergeries et des fougères natales du beau pays basque... 




Le retour à la surface du sol s'opéra dans le même ordre que la descente, je fus hissé le premier sans aucun effort, sans fatigue ; alors que la remontée aux échelles de corde, d'une telle profondeur, ne peut s'effectuer qu'au prix d'une dépense musculaire épuisante qui constitue l'exercice le plus violent et le plus exténuant que je connaisse. Lorsque Cosyns fut, à son tour, extrait du gouffre et le matériel démonté et rassemblé, la nuit tombait déjà et nous allâmes chercher refuge et nous rouler dans nos couvertures dans une cabane de berger, le cayolar d'Utciapia, bâtie dans une clairière voisine."


(Source : http://www.arettelapierrestmartin.fr/spip.php?article50)


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