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mercredi 24 janvier 2018

LA CHASSE AUX ALOUETTES AU PAYS BASQUE AUTREFOIS


LA CHASSE AUX ALOUETTES.


Parmi les nombreuses chasses pratiquées dans le Pays Basque d'Antan, comme la chasse au renard, aux vautours, à la palombe, et autres goélands, la chasse aux alouettes n'en était pas la moins pratiquée.

pays basque avant
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS


Voici ce qu'en racontait la presse nationale et  locale :

  • Le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, le 8 janvier 1923 :

"La chasse aux alouettes.

Où est le temps où, pour six sous, on pouvait acheter une alouette aux revendeurs qui venaient les proposer aux ménagères, en vue de fricassées savoureuses dont tous se régalaient. 


Aujourd’hui, l’alouette n’est plus guère qu’un mets de nouveau riche. Toute prête à rôtir, elle vaut communément, trente sous et il faut en payer quatre pour la barde de lard qui l’enveloppe. 


— Tant mieux ! disent les poètes. Tuer les alouettes et les manger, est presque un crime. 


La chasse aux alouettes, qui eut autrefois tant de fervents, pour laquelle aux premiers froids secs de novembre, on se passionnait, en ne craignant pas de se lever tout exprès de très bon matin, n'est plus un sport que par exception, sport extrêmement coûteux, en outre, avec le prix de revient des cartouches, même remplies du plomb fin spécial a cette chasse, qu’on appelle la "cendrée". Ceux qui font en gros le commerce des alouettes, les achètent plutôt à des gens qui les panneautent au filet, plutôt que de les tirer au fusil, ce qui les abîme trop.



pays basque autrefois
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS

Et puis ce trop simple sport semble banal à nos goûts qui veulent des sensations plus raffinées. 


— Quel blasphème ! disent les fidèles de la chasse aux alouettes. Rien n’est pittoresque comme la mise en place des miroirs, aux frais matins d’automne. Rien n’est gracieux comme de voir ces jolis petits oiseaux mirer, allongeant leurs pattes raides et fermant brusquement leurs ailes pour tomber ainsi qu'une pierre détachée du firmament. Puis, à quelques mètres du miroir qui les fascine, elles ouvrent tout à coup leurs ailes et planent comme en extase. Les chasseurs à ce moment, les prennent pour cible et les alouettes meurent en beauté. 


Ce jeu — jeu cruel — est ancien. — Nos pères, nos grands-pères et au-delà, pendant près de deux cents ans, s’en amusèrent. Ils partaient en troupe joyeuse, par les gais matins ensoleillés avec les miroirs scintillants, qu’un gamin tirait à la ficelle, et des appeaux aux traîtres appels. On faisait là de belles fusillades et l’on revenait, les carniers pleins de plusieurs centaines de bestioles, après des prouesses étonnantes, des doublés savants. C’était bien la chasse idéale, ne fatiguant pas, n’essoufflant pas dans les terres grasses, ne demandant pas d’interminables heures de marche à la poursuite d’un problématique gibier. Pour peu que le temps fût clair, l’alouette donnait, soit l’alouette de passage, en étapes vers d’autres climats, soit surtout l’alouette de France, à la jolie petite tête huppée, fidèle à nos champs. 




pays basque autrefois
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS

Pauvres oiseaux ! les moins qualifiés pour un sport sanglant, les plus dignes de notre respect ! 


L'homme impie oublie qu’ils sont entre tous bénis depuis la naissance du monde et peut-être bien avant cette naissance, car de préhistoriques légendes affirment qu'ils furent créés par Dieu avant même la terre. La prière ne fut-elle pas la première chose que voulut le Créateur ? Et il lui trouva la forme charmante de ces oiselets, dont le chant fut une prière, un hymne de louanges. (Lauda, louange, devint Alauda, alouettes). Véridique ou non, la tradition se retrouve dans les croyances païennes comme dans les croyances chrétiennes et, aujourd’hui, dans le cœur des bonnes gens de nos campagnes. 



Ce chant des alouettes enthousiasma les poètes. Il ne ressemble, en effet, en rien au chant des autres oiseaux. Alors que la plupart de ceux-ci ne chantent qu’à certaines époques de l’année ou que dans certaines occasions, l'aubade de l'alouette n’a pas de cesse ; de l’aurore à midi, quand le soleil brille. On dirait que la lumière de celui-ci la met en verve, la grise, et la puissance du gosier minuscule de ce petit oiseau est un vrai miracle de la nature. Ses roulades percent la nue, défient le vent et vous arrivent en trilles stridentes. 


Bien des gens s'efforcèrent de comprendre le langage de ces gentilles "buveuses d'aurore". Pourquoi chantaient-elles ainsi par troupes ? 




pays basque autrefois
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS


"Pour écarter par leur tapage, les méchants oiseaux, émouchets, éperviers et autres", dirent les sceptiques. 


"Pour louer Dieu et rire à son beau soleil", diront les poètes, plus près de la vérité. 

L'alouette en chantant veut au zéphire rire. 

La voix des hommes chercha à imiter le chant de l’oiseau et même, au XVIe siècle, un gracieux concours d’harmonie imitative eut lieu, dont Guillaume du Bartas et Pierre de Ronsard sortirent vainqueurs avec ces quatrains : 

Du premier : 

La gentille alouette, avec son tire-lire

Tire-lire a liré et tire lirant tire 

Vers la voûte du ciel, puis son vol vers ce lieu 

Vire et désire dire ; Adieu Dieu ! Adieu Dieu ! 

Et du second, le plus délicat : 

Elle, guidée du zéphire 

Sublime en l'air vire et revire,

Et y décligne un joli cri, 

Qui rit, guérit et tire lire (chagrin) 

Des esprits mieux que je n’écris. 


Et du second, le plus délicat : 

Peu d'oiseaux, d’ailleurs, furent plus chantés. Avec le rossignol, l’alouette détient le record du succès poétique. 




pays basque d antan
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS


L’alouette a ses quartiers de noblesse. Le coq gaulois, qui claironne sur nos cimiers de casque et nos armoiries, faillit être supplanté par l'alouette. On pensa un instant à elle pour nos timbres-poste. Elle brilla, tache d'or, sut le bronze des armures de la légion gauloise que César leva et qui se couvrit de gloire à Pharsale. Dès lors, l’alouette devint le symbole du fier courage, et, au cours du moyen-âge, nombre de seigneurs en portèrent une sur leur haubert. 



Au moment où, sur le bûcher de Rouen, les flammes commençaient à pétiller autour de Jeanne d’Arc, on aperçut distinctement une alouette mirant au-dessus du gibet, jusqu'au moment où la fumée cacha complètement la Pucelle. Quelle miraculeuse mission accomplissait-elle ? On raconte que le roi d’Angleterre, troublé peut-être de ce propos qu'on lui rapporta, interdit dans son royaume, sous peine de pendaison, de prendre "aux lacets et aux filets" aucun des petits oiseaux des champs. 



La noblesse que nous avons décernée aux alouettes est d'ordre moins sentimental, l’alouette fait merveille en cuisine et, sous ce rapport, la France est sans rivale. 



Le bon pâtissier Gringoire, de Pithiviers, fut un homme presque de génie quand il trouva sa recette savoureuse, voici plusieurs siècles déjà, recette dont la formule est religieusement respectée. Dans toutes les parties d’Europe, on fait fête à ces pâtés. Napoléon, qui ne riait guère et n’était guère gourmand, se déridait lorsqu'il en entamait un, ne voulant laisser ce soin à personne. 




pays basque avant
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS


C’est cette considérable industrie des pâtés d’alouettes qui motive l'implacable chasse au panneau que font tant de gens en nos pays de plaines, chasse prosaïque qui n’a rien d’un sport. Ainsi prises et laissées intactes, les alouettes sont, il est vrai, incontestablement meilleures pour la cuisine. 



Et l’alouette de France va diminuant. La cause en est aussi aux progrès de la culture qui couvre de prairies artificielles et de luzernières de larges étendues de terrain. L'alouette aime les champs découverts où elle se blottit entre les sillons, si quelque épervier la menace et d’où, face à face avec le soleil qu’elle aime elle peut librement prendre sa volée vers lui. 



La disparition de ces jolis oiseaux serait regrettable. Notre culture en souffrirait car il n’y a pas de meilleur destructeur des charançons et autres insectes nuisibles du blé. 


Et quelle tristesse ce serait de voir nos beaux champs de France perdre leurs troupes de gaies chanteuses."




pays basque autrefois
CHASSE AUX ALOUETTES AUTREFOIS


  • La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, le 23 février 1923 :

"La chasse aux alouettes.


 M. Chéron a répondu à M. Le Barillier —"Impossible, mille regrets."


A la demande de la Fédération des Chasseurs de notre région, M. le sénateur Le Barillier s'est occupé, une fois encore, de défendre leurs intérêts auprès du ministre de l'Agriculture.


Il remit donc à M. Chéron une pétition par laquelle nos braves chasseurs exposaient leurs doléances, et réclamaient des libertés plus grandes, notamment pour la chasse des alouettes au moment du passage de retour. 


M Le Barillier fit au ministre le commentaire et le développement de tous les arguments fournis par les chasseurs, voici la réponse qu'il vient de recevoir : 


Monsieur le Sénateur, 


Vous avez bien voulu appeler mon attention sur les chasseurs des Basses-Pyrénées qui désireraient pouvoir capturer à l'aide de filets à mailles de 2 cm l'alouette jusqu'au 31 mars et chasser au fusil, jusqu’à cette même date, l'alouette, la grive, la palombe, le ramier, le pluvier et le vanneau.


J'ai l'honneur de vous faire connaître tout d abord que l'arrêt de clôture générale dans les Basses-Pyrénées donne satisfaction au désir exprimé par les chasseurs de ce département en ce qui concerne le pluvier, le vanneau, le ramier et la palombe, qui peuvent être chassés an fusil jusqu'au 31 mars. 


Quant à la chasse à la repasse de la grive, elle a été interdite d'une manière générale dans toute la France depuis plusieurs années, parce qu’il a été reconnu qu'elle favorisait le braconnage du gibier sédentaire et la destruction des petits oiseaux migrateurs utiles et il n'est pas possible de faire une exception à cette mesure en faveur des Basses-Pyrénées. 


En ce qui concerne la réglementation de la chasse actuellement en vigueur dans divers départements du Sud-Ouest et relative à l'emploi de moyens exceptionnels pour la capture des oiseaux, elle a été appliquée en 1917, conformément au projet élaboré par la Commission permanente de la chasse, d'accord avec les représentants des chasseurs du Sud-Ouest. 


Grâce aux arrêtés préfectoraux intervenus à cette époque, les chasseurs du Sud-Ouest peuvent désarmais capturer certains oiseaux à l’aide des engins et aux époques qui ont été déterminées pour les divers départements, sans risquer des condamnations pour délit de chasse, comme cela s’était produit eu 1913 ; les concessions qui leur ont été faites, représentent le maximum de ce qu’il était possible de leur accorder, eu égard aux engagements résultant de la Convention Internationale de 1902 et à l'intérêt essentiel qui s'attache à la protection des oiseaux utiles à l'agriculture.


Il y a lieu de remarquer, d'ailleurs, que les allégations des chasseurs des Basses-Pyrénées relatives aux dégâts que les alouettes causeraient aux cultures n'ont pas été reconnues fondées ; de nombreuses autopsies ont permis de constater, au contraire, que ces oiseaux consommaient, en général, des insectes nuisibles (charançons, pyrales, eudemis, alucites, cecydomies, aiguillonniers,  oscines, etc...) et beaucoup de graines nuisibles.


Il n'est pas possible, dans ces conditions, de donner une suite favorable au voeu dont vous vous êtes fait l'interprète en ce qui concerne la capture de l'alouette au printemps et je vous en exprime mes regrets.


Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l'assurance de ma haute considération.

Pour le Ministre et par autorisation :

Le Chef de Cabinet. 



Cette réponse, on le voit, n’est pas pour satisfaire les chasseurs. 


Nous croyons savoir que M. le sénateur Le Barillier ne considère pas l’affaire comme terminée, et qu’il s’en occupera de nouveau au Sénat lorsque sera discuté le budget de l’Agriculture."




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