LE CHÂTEAU D'UHART-MIXE.
Ce château est une maison-tour féodale de Basse-Navarre, appartenant à la famille Duhart depuis 1518, à la famille Berdoly en 1833 et à la famille de Lasa en 1926.
Je vous ai déjà présenté les châteaux suivants : Urtubie (Urrugne), Arcangues, Maytie (Mauléon),
Bidache, Haïtze (Ustaritz), Beraün (Saint-Jean-de-Luz), Artigaux (Moncayolle), Lacarre,
Irumberry (Saint-Jean-le-Vieux), Ahetzia (Ordiarp), Ruthie (Aussurucq), Cheraute, Ahaxe,
Charritte, Menditte, Eliçabia (Trois-Villes), Elhorriaga (Ciboure), Larrea (Ispoure) Saint-Pée-
sur-Nivelle, Mouguerre, Mauléon, Sault (Hasparren), Jaureguia (Armendarits), Garro
(Mendionde), Beyrie sur Joyeuse, Etchauz (Saint-Etienne-de-Baïgorry), Luxe-
Sumberraute, les châteaux sans histoire, le château de Laxague à Ostabat, et le
château d'Aphat à Bussunarits-Sarasquetteil, le château d'Espelette, le château Caradoc à
Bayonne, et le château de Bidache, voici aujourd'hui le château d'Uhart-Mixe.
Voici ce que rapporta au sujet de ce château le Bulletin du Musée Basque N°3 de 1932 :
"Les châteaux historiques du Pays Basque Français.
&2. Les châteaux Bas-Navarrais.
VI Château d'Uhart.
La seigneurie d'Uhart s'étendait à l'extrémité Sud du pays de Mixe, sur les confins de l'Ostabaret ; le château était situé dans le village. Les gentilshommes auxquels il appartint pendant plusieurs siècles furent essentiellement des hommes d'action. Depuis l'époque où ils apparaissent dans l'histoire, c'est-à-dire depuis le XIIIe siècle, on trouve un membre de cette famille et quelquefois plusieurs dans presque toutes les expéditions militaires des rois de Navarre et même des rois de France ; en 1249 à la Croisade avec Saint-Louis ; en 1370 mêlés aux guerres civiles de Navarre ; en 1375 au service de Charles le Mauvais en France et en Espagne ; en 1415 à la suite de Charles le Noble contre le comte d'Armagnac ; en 1 522 dans la troupe du baron de Saint-Pée en Guipuzcoa ; plus tard enfin alliés aux seigneurs de Luxe, d'Armendaritz et de Domezain, à l'occasion des troubles religieux en Soule et en Basse-Navarre. Dans les temps modernes ils sont aussi militaires ou marins.
Les services rendus dans ces diverses circonstances sont rémunérés soit par des titres soit par des avantages matériels. Au XIVe siècle ils s'allient aux Luxe ; ils deviennent aussi par alliance, seigneurs de Sorhapuru. L'un est capitaine d'armes, puis échanson de Charles le Mauvais ; son fils sert sous Charles Noble et obtient l'emploi de confiance consistant à garder la porte de la chambre du roi, puis celui de grand chambellan et enfin de maître d'hôtel d'EIéonore de Castille.
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REINE ELEONORE DE CASTILLE |
Mais leur activité s'exerça surtout au loin et les campagnes d'Italie furent pour eux une occasion de montrer leur valeur.
Sauvat d'Uhart fit partie, comme homme d'armes, de la compagnie de cinquante lances commandées par Jean de Foix, de Février 1499 à 1503.
Un peu plus tard Jean d'Uhart fut blessé au siège de Fossano. Après la prise de cette ville il se replia sur la France à la tête de six cents hommes et il gagna Marseille ; mais la Provence ayant été envahie par Ferdinand de Gonzague, il fallut battre en retraite car "le nombre vainquit la vertu" écrivait du Bellay et d'Uhart fut fait prisonnier.
L'année suivante on le retrouve à la défense de Turin avec un autre gentilhomme basque nommé d'Aguerre. Les ennemis sont introduits dans la place, par trahison, mais le gouverneur, M. de Boutières, avec l'aide d'Uhart à la tête de quelques braves, les rejette dehors en leur infligeant des pertes sanglantes.
Un peu plus tard, il est avec Monluc à Cerisoles et, quelques années après, au siège de Metz avec le duc de Guise.
Au milieu du XVIe siècle la situation des d'Uhart était des plus florissantes, mais l'un d'eux, Gabriel, investi de la confiance de la reine de Navarre ne sut pas la conserver car il la trahit sans scrupules en entrant en lutte ouverte contre elle au cours d'événements déjà racontés. Il fut de ceux auxquels Jeanne d'Albret ne pardonna pas d'avoir violé le serment de fidélité qu'ils lui avaient prêté, lors des événements déjà rapportés dans l'article relatif aux seigneurs de Luxe. Ce n'est qu'après la mort de cette reine et la pacification du pays par le futur Henri IV qu'il put rentrer en grâce auprès de lui.
Si ces gentilshommes furent surtout militaires, on en trouve cependant, à partir du XVIIe siècle, dans la magistrature et dans les ordres. C'est ainsi que la charge de bailli d'Ostabaret se transmit entr'eux de père en fils.
Au siècle suivant la famille compta plusieurs représentants. L'un d'eux, Armand-Jean, fut mousquetaire, puis major au régiment Royal Cantabre, chevalier de Saint-Louis, et devint baron d'Arbouet par son mariage avec Marie de La Place, dame d'Espinte et unique héritière de la baronnie d'Arbouet.
Cette union, entre les représentants de deux anciennes familles, donna lieu à une brillante réception à laquelle fut convié tout ce que le pays comptait de bonne société.
A l'heure des toasts, un des invités improvisa un compliment conservé par la famille et dont voici la traduction :
Depuis longtemps, monsieur le baron
Avait tendu des lacets.
II avait pris un joli oiseau au couvent des sœurs de Pau,
Maintenant il vivra avec lui, comme il en avait
L'idée depuis longtemps.
Maintenant, monsieur le baron,
Nous vous félicitons
Parce que vous avez épousé la jolie héritière de M. de La Place.
Cette demoiselle est heureuse ; nous ne vous plaignons pas.
S'il y avait de pareils lacets
A vendre sur les marchés,
Les gentilshommes de la Soule les achèteraient tous
Pour attraper quelques-uns de ces jolis oiseaux.
Les d'Uhart d'Arbouet eurent une courte existence. Le nouveau ménage n'eut qu'un fils, Armand-Jean, qui entra dans la magistrature. Au commencement de la Révolution il était titulaire d'une charge au Parlement de Navarre. Il mourut sans enfants et ses biens passèrent à plusieurs héritiers : le baron d'Arripe de Bonnecase, directeur de la Monnaie à Bayonne ; M. Jean-Pierre Daguenet, chef de bataillon du Génie et M. d'Abbadie d'Ithorrotz, baron de Saint-Loup.
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BLASON FAMILLE D'ABBADIE D'ITHORROTZ |
La branche principale fut continuée par Clément marié à Marguerite de Monein. Leur fils Gabriel épousa, en 1710, l'héritière de la seigneurie de Sauguis.
Cette seigneurie, située en pays de Soule, entre Mauléon et Tardets, était une très ancienne abbaye laïque dont on trouve trace dès 1327. Elle changea souvent de maître et passa, par héritage, successivement aux Luxe, Armendaritz, Ahetze et Aïnciondo. Le château, dont la plus grande partie a disparu, mais qui présente encore de beaux restes, s'appelait "Aphalie", sans doute dérivatif d'Abbadie, nom de plusieurs abbayes laïques. En épousant Marguerite de Sauguis, le baron d'Uhart joignait à ses possessions celles de sa femme, qui n'étaient pas négligeables.
Les nouveaux époux menèrent à Uhart et à Sauguis une existence que ne marqua aucun événement sensationnel.
Un de leur fils, Gabriel, se mit, de bonne heure, au service de Charles VII roi des deux Siciles qui devait devenir roi d'Espagne sous le nom de Charles III. Il fut tout en faveur auprès de lui et lorsque celui-ci eut obtenu la couronne qu'il ambitionnait, il nomma Gabriel maréchal de ses camps et de ses armées, gentilhomme de la chambre et il lui décerna en outre le titre héréditaire de marquis.
Etant mort sans postérité, le 13 Mai 1735, Gabriel d'Uhart fit héritier de ses biens et de son titre son neveu Jean-Bernard. Comme la plupart de ses prédécesseurs, Jean-Bernard embrassa le métier des armes. Il devint lieutenant au régiment de Belsunce, puis capitaine au régiment des Dragons de Chartres. Retiré du service, à la mort de son père, il obtint de lui succéder dans toutes ses charges, notamment dans celle de lieutenant du roi.
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JEAN-BERNARD D'UHART 1789 DEPUTE DE LA NOBLESSE |
Député de la noblesse, lors de la convocation des Etats Généraux, en 1789, il fut chargé, avec deux autres députés de présenter au roi Louis XVI le Cahier des Griefs. Plus tard, il forma, avec le vicomte de Macaye et M. de Pinsun, la commission pour la délimitation du département des Basses-Pyrénées. Ni lui ni les siens ne furent inquiétés pendant la Révolution.
A la Restauration on le trouve capitaine de dragons et chevalier de Saint-Louis, mais pas pour longtemps, car il ne tarda pas à se retirer à Uhart où il vécut jusqu'à sa mort. Il avait conservé les habitudes de l'ancien régime ; on ne le voyait qu'en culotte courte et avec le tricorne et la perruque à cadogan poudré.
Gabriel eut deux fils. L'un, le chevalier Jean-Paul, officier des cuirassiers que l'on retrouve ensuite à Uhart où il était maire de la commune et qui mourut sans postérité.
L'autre, Gustave-Clément entra dans l'administration. En 1827, il était sous-préfet de la jolie petite ville de Prades, puis à Bayonne.
Mais, après l'Empire, les barons d'Uhart ne connurent plus les années de prospérité d'autrefois. Une grande partie de leurs revenus provenaient de moulins et nasses dont ils avaient la jouissance en pays de Soule. Ces privilèges leur furent contestés et il en résulta de longs et onéreux procès terminés le plus souvent à leur désavantage, lis perdirent aussi beaucoup avec une forge qu'ils possédaient à Larrau avec des gisements de minerai. Aussi leur situation était-elle si diminuée qu'ils ne purent pas continuer le train de vie qu'ils avaient connu et, en 1833, Gustave-Clément dût vendre tous ses biens, y compris le château d'Uhart et il se retira chez sa fille mariée à Limoux. C'est là qu'il termina ses jours.
Ce d'Uhart fut un des plus distingués de la famille. C'était un fin lettré, auteur de plusieurs ouvrages dont la plupart parurent dans les feuilletons du journal "Le Mémorial des Pyrénées" à Pau. On peut citer en particulier, "Les Basques et leurs illustrations modernes", "Les Eaux-Bonnes", "Jacques de Béla et ses œuvres", "La Vallée d'Ossau". En outre il fut l'auteur de plusieurs chansons que Sallaberry a publiées dans son livre "Chants populaires du Pays Basque".
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LIVRE CHANTS POPULAIRES DU PAYS BASQUE DE JEAN DOMINIQUE JULIEN SALLABERRY |
Gustave d'Uhart avait eu cinq enfants, deux filles et trois garçons. Il perdit une fille en bas âge. L'autre se maria et c'est auprès d'elle qu'il se retira à Limoux. Des trois fils, aucun n'eut de postérité.
L'aîné Charles entra dans la marine de l'Etat et, nommé enseigne, fit campagne au Brésil où il mourut, étant à Rio de Janeiro.
Le second, Armand, alla chercher fortune en Algérie où il devint juge de paix. Il y mourut célibataire, à l'âge de 26 ans.
Le dernier, Victor, émigra en Amérique et mourut de bonne heure à Buenos Ayres sans laisser de postérité et ainsi s'éteignit une des plus anciennes familles de la Basse-Navarre.
Le domaine, mis en vente en 1833, échut à M. Berdoly dont le fils, pendant longtemps un des hommes les plus influents du pays, eut une longue carrière politique. A sa mort, ses biens de nouveau vendus, passèrent successivement à M. Paul de Lacoste, à MM. Antoine et Jules Vialle, à M. Bonnet et enfin, en 1926, à son propriétaire actuel, M. de Lasa, représentant d'une ancienne famille du Labourd.
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CHÂTEAU D'UHART-MIXE BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
Le château est situé au centre du village, sur la rive droite de la rivière la Bidouze. Il est, dans son aspect extérieur, d'une grande simplicité et un examen même rapide, permet de remarquer qu'il a subi, à diverses reprises, des modifications importantes. Primitivement il se composait d'un seul corps de logis rectangulaire, à deux étages, solidement construit, avec des murs épais percés d'embrasures pour canons dont on distingue les emplacements.
A une certaine époque il fut haussé d'un étage et, un peu plus tard, une aile un peu moins large, construite au Midi, lui donna l'aspect qu'il a conservé jusqu'à nos jours. A l'Ouest, un balcon de pierre, de construction récente, domine la Bidouze ainsi que le parc qui s'étend le long de la rive gauche de cette rivière. Une passerelle assure les communications entre les deux rives.
De nombreuses fenêtres laissent entrer, à profusion, à l'intérieur l'air et la lumière. On y pénètre par une porte ornée d'un bel encadrement de pierres de taille. Surmontant le linteau, on peut distinguer deux inscriptions sculptées. Sur la plus ancienne on lit les mots suivants :
"... viro... atur... m'est virtute... rbe obtinere graciam "ivi virtuosi Navarroe" ; l'autre, ainsi libellée : "Structa Clementi d'Uharti et Marguerite Moneins cura anno 1699", permet de fixer l'époque d'une des dernières améliorations et d'en désigner les auteurs.
Intérieurement l'ancienne habitation des Uhart est une très vaste et belle demeure. A côté de pièces spacieuses et qui ne manquent pas de luxe tant par leur décoration que dans leur ameublement, on y trouve un dédale de corridors, d'escaliers, de coins et de recoins, œuvres des nombreuses générations qui s'y sont succédées et qui lui donnent un caractère essentiellement familial. On y remarque aussi de belles cheminées du XVIIe et du XVIIIe siècle, des plafonds décorés avec goût et en parfaite harmonie avec un ameublement de diverses époques.
Entre la Bidouze et un de ses affluents, s'étendent les dépendances, de vastes communs, un colombier et une chapelle, ancienne église paroissiale, actuellement à l'usage exclusif du château.
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BIDOUZE ET CHÂTEAU D'UHART-MIXE BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
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