LE DOMAINE DE MARRAC EN 1903.
Le domaine de Marrac se situe sur la commune de Bayonne et comprend les ruines du château construit au 18ème siècle par Marie-Anne de Neubourg, reine d'Espagne en exil.
TOUR DE MARRAC BAYONNE 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet la presse nationale :
- le Journal des débats politiques et littéraires du 18 décembre 1903, sous la plume d'André
Hallays :
" ...À l'autre extrémité de la France, à Bayonne voici ce que méditent les démolisseurs.
Le mur d'enceinte, terminé par une échauguette et dont le pied est baigné par l'Adour, va être détruit. Quiconque a traversé Bayonne se souvient de l'aspect pittoresque que présente le "vieux réduit" vu du Pont-Saint-Esprit. Or la ville paye au génie militaire 200 000 fr. pour s'emparer du terrain et faire disparaître cette construction importune. Ici c'est la ville qui prend l'initiative du vandalisme.
Aux portes de Bayonne, non loin des bords de la Nive, s'étend le grand domaine de Marrac qui servait autrefois de parc à l'artillerie. Aujourd'hui ces terrains vont être mis en vente par l'administration du domaine. Là s'élèvent les ruines du château de Marrac construit par la reine Anne de Neubourg.
Un grand souvenir historique devrait dé fendre les restes de cette belle résidence. Napoléon s'y installa en 1808 pour attendre les princes espagnols, car il n'avait pu demeurer à Bayonne même : "Je suis horriblement logé, écrivait-il à Joséphine. Je vais dans une heure changer et me mettre à une demi-lieue, dans une bastide." La bastide, c'était Marrac. "Ce petit château, dit Thiers, était placé au milieu d'un agréable jardin, dans la plus riante exposition du monde, sous un ciel aussi brillant que celui de l'ltalie...On fut charmé de le vendre à Napoléon pour une centaine de mille francs. On le décora fort à la hâte avec les ressources qu'offrait le pays. Le jardin fut changé en un camp pour les troupes de la garde impériale." Napoléon reçut donc à Marrac les souverains espagnols, et, puisque l'occasion s'en présente, pourquoi ne point rappeler cette lettre d'un si beau style où l'empereur traçait les portraits de ses prisonniers : "Le roi Charles est un brave homme. Je ne sais si c'est sa position ou les circonstances, il a l'air d'un patriarche franc et bon. La reine a un cœur et son histoire sur sa physionomie : c'est vous en dire assez. Cela passe tout ce qu'il est permis d'imaginer. L'un et l'autre dînent aujourd'hui avec moi. Le prince de la Paix a l'air d'un taureau ; il a quelque chose de Daru."
En 1824, le château de Marrac fut incendié. Les uns accusèrent les Espagnols d'y avoir mis le feu ; les autres crurent à une vengeance politique des bonapartistes et des républicains de Bayonne, furieux de voir le gouvernement établir dans le château un collège de Jésuites.
Aujourd'hui, le lierre a recouvert les ruines de Marrac, au milieu des grands arbres d'un parc séculaire.
Ne pourrait-on, lorsqu'on vendra ces terrains, réserver l'emplacement occupé par les vieilles murailles ?
Cette fois le mal peut être évité facilement et sans grand dommage pour le domaine. Il suffirait peut-être que les Bayonnais manifestassent le désir de conserver Marrac. Mais les Bayonnais, qui de gaieté de cœur vont détruire les pittoresques murailles du "vieux réduit", sont-ils gens à se soucier des ruines et des souvenirs ?...
- La Libre Parole, dans son édition du 23 janvier 1906, sous la plume de Jean Drault :
"Marrac.
Une courte information, parue dernièrement dans les journaux, annonçait que l’administration s’apprêtait à mettre aux enchères le domaine de Marrac, près Bayonne.
Ce domaine est tout petit, d’un rapport plutôt médiocre ; il ne contient que sept hectares de terres et un petit parc entourant un château qui est, en réalité, une maison bourgeoise sans grand style.
Celui qui l’acquerra ne se doutera probablement point de l’importance que Marrac a eue dans l’histoire du dix-neuvième siècle. Car c’est là que Napoléon Ier, en 1803, conçut la malheureuse guerre d’Espagne.
RUINES MARRAC BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
C'était en avril 1808. Une révolution de palais venait de renverser, à Madrid, le faible roi Charles IV, que dominait sa femme Marie-Louise, Italienne vindicative et autoritaire, et l’amant de celle-ci, Godoï, ancien garde du corps devenu colonel-général.
L’émeute avait été fomentée par le fils même de Charles IV, Ferdinand, qui en profita pour monter sur le trône d’où son père avait été chassé.
Le père et le fils, sentant que la lutte entre leurs partisans s’éterniserait, en appelèrent à Napoléon, l’arbitre de l’Europe, pour juger leur différend.
RUINES MARRAC BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’empereur convoqua à Bayonne le roi détrôné et le fils usurpateur. Il y arriva avant eux, le 14 avril.
Mécontent de son logement, il acheta Marrac et s’y installa dès le 17.
Le 20, Ferdinand y était reçu sans cérémonial, comme s’il était toujours simple prince des Asturies. Et à peine était-il de retour à Bayonne, que Rovigo courait lui signifier, de la part de l’empereur, que jamais il ne serait reconnu roi par la France.
Le 4 mai, c’était au tour de Charles IV à être reçu à Marrac, et en roi, selon le cérémonial royal, accompagné de la reine.
Il y était encore le 5, lorsqu’un cavalier accourait annoncer à Napoléon que la révolution était de nouveau dans Madrid, qu’on y égorgeait des Français. Alors, Napoléon éclatait en imprécations contre la dynastie espagnole, obligeait Ferdinand à renoncer au trône, déposait Charles IV, envoyait le premier à Compiègne, le second à Valençay, dans une captivité dorée, et nommait roi d’Espagne Joseph, alors roi de Naples, à la grande douleur de Murat, qui avait escompté la succession de Charles IV, et qui dut se contenter de celle de Joseph.
La guerre d’Espagne commençait le lendemain.
LYCEE MARRAC BAYONNE 1908 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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