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mercredi 11 décembre 2019

LES POSTES-FRONTIÈRES EN NAVARRE ET GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1936


LES POSTES-FRONTIÈRES EN NAVARRE ET GUIPUSCOA EN 1936.


Dès le 17 juillet 1936, éclate la guerre d'Espagne, opposant les républicains et les nationalistes.




pais vasco antes guerra civil
A L'AIDE DE NOS FRERES D'ESPAGNE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet Le Petit Journal, dans son édition du 15 août 1936 :



"Postes-frontières et consignes en Navarre et en Guipuzcoa.


(De notre envoyée spéciale, Charlotte Charpentier).




Frontière française, ... Août. 



— Avant de rapporter ce que j'ai vu au cœur de l'Espagne et dans ses centres les plus dévastés par la tragédie, il me faut encore parler des seuils par lesquels on peut avoir accès sur le drame. 




Dès la frontière française, on peut se rendre compte de la diversité des forces qui se heurtent. Il n'y a pas de front nettement délimité ni sur le plan géographique, ni sur le plan politique et sentimental. Forces contradictoires se mêlent en se heurtant et ce qui donne à cette guerre ce caractère d'intense sauvagerie c'est qu'on se massacre d'abord entre gens de connaissance. 


pais vasco antes navarra
A L'AIDE DE NOS FRERES D'ESPAGNE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN


Indiscutablement les pertes subies par les "colonnes" belligérantes sont insignifiantes par rapport aux assassinats, aux exécutions qui se sont multipliés dans les plus humbles villages comme dans les plus vastes cités. Les armées se surveillent les unes les autres plutôt qu'elles ne se battent. 





L'enchevêtrement des partis.




Mais est-il possible de parler d'armées ? Partons de l'embouchure de la Bidassoa vers la pointe occidentale de la frontière espagnole. Fuentarrabia et Irun sont occupées par les gouvernementaux avec les forts de la Guadalupe et de San Marco. Si vous suivez la Bidassoa pendant quelques kilomètres, vous voyez, sur la rive espagnole des hommes vêtus de toile bleue, un brassard rouge au bras et qui font le salut du poing levé dès qu'ils aperçoivent une silhouette. 




Cela ne dure que quelques kilomètres avec, seulement, deux postes frontières. 




Aussitôt après, vers Biriatou, voici, au flanc de la montagne et commandant la vallée, le premier fort occupé par les carlistes. Puis c'est le col d'Ibardin occupé encore par des carlistes, scapulaires sur la poitrine, mais qui, toutefois, ne portent plus le béret rouge de la tradition. La Navarre est, en effet, le centre de la révolte et même si le général Franco était battu dans le sud il faudrait des années avant d'étouffer la sédition dans ces montagnes farouches où les hommes comme la nature restent indomptés. 




Après Ibardin, Dancharinea qui commande la route de Pampelune. Là sont les légions du fils de l'ancien dictateur Primo de Rivera. 



PAIS VASCO ANTES NAVARRA
DANCHARINEA NAVARRE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN

La visite de don Juan.




Un jour, un homme jeune au profil dur sous un haut front incliné se présenta au poste-frontière que contrôle un Espagnol subtil et lettré. La "Phalange" lui rendit les honneurs, après quoi, le jeune voyageur s'avança vers Pampelune, coiffé d'un béret rouge. C'était don Juan, fils d'Alphonse XIII, ex-roi d'Espagne. 




A la Perla, ce fut autre chose que de l'enthousiasme qui l'accueillit. Certes les insurgés appréciaient le caractère chevaleresque de cette démarche, mais contrairement à ce qu'on affirme souvent, la rébellion n'est pas monarchiste et, quand, en Navarre, il lui arrive de l'être, c'est par fidélité à don Alphonse Carlos, chef actuel de la branche carliste et qui, malgré ses quatre-vingt-six ans, est encore reconnu, dans le nord de l'Espagne, comme souverain légitime. 




Le fils d'Alphonse XIII dut bien se rendre compte qu'il faisait à Pampelune un peu l'effet d'un épouvantail. Il se rendit donc à Burgos. Mais le général Mola préféra se faire porter absent quand l'héritier de son ancien roi voulut le voir. Don Juan ne se tint pas pour battu. Avec la vaillance téméraire de son nom et de sa race, il se dirigea, accompagné de quatre partisans, vers Aranda sur le front de Sommo-Sierra. Le général Mola eut tout juste le temps lancer à la poursuite du prince une auto rapide et à Boceguillas celui-ci fut rejoint alors que la garde civile et les carabiniers lui présentaient les armes. 




Ordre fut signifié, sans aucun ménagement, au jeune prétendant d'avoir à repasser la frontière. C'est tout juste si, pour adoucir la rigueur d'une pareille mesure, un ami fut autorisé à lui expliquer qu'un roi ne pouvait décemment se battre contre une partie de ses sujets éventuels. 




En descendant vers Pampelune, j'ai croisé la voiture de don Juan qui revenait vers Dancharia serré de près par les observateurs du général Mola. Tous les honneurs que recueillit, cette fois, le prétendant c'est qu'on ne le laissa pas languir à la frontière. Devant lui, la corde qui barre la route avait été retirée et seul le poste français jugea bon de viser son passeport. 




A Pampelune, on respira. C'est que ni Mola, ni Franco, ni Queipo, ni Cabanellas, les chefs reconnus de la rébellion ne sont monarchistes et ils ne veulent pas qu'on s'y trompe ni en Espagne ni hors d'Espagne. 






Des éléments divers.




Ainsi la ligne frontière continue, de vallée en vallée, de cime en cime, à relier l'Océan à la Méditerranée en passant à travers des paysages splendides et contenant des éléments infiniment plus différents les uns des autres que les deux nations qu'elle sépare. 




Dans sa partie orientale, nous rencontrons des représentants d'organisations très différentes de celles que nous avons vues en Navarre ou en Guipuzcoa. 




Le Frente Popular y est bien reconnu en nom mais la vérité c'est que la Fédération anarchiste ibérique seule commande. C'est elle, on le sait, qui est maîtresse de la Catalogne et qui lutte contre les insurgés sur tout le front aragonais. 




Les anarchistes catalans ont d'ailleurs sur le droit international comme sur la propriété privée des opinions assez personnelles. 




Il y a quelques jours un de leurs groupes réussissait à passer la frontière vers Puigcerda et se rendait au village français d'Estavar où, à la suite d'une sorte de jugement improvisé, il tentait de rançonner un de leurs compatriotes qui avait préféré la paix française au tumulte catalan. 




D'Estavar le même groupe a fait une seconde expédition à Font Romeu, toujours aux dépens d'un Espagnol, d'ailleurs également anarchiste. Après quoi ils rentrèrent paisiblement en Espagne car leurs papiers étaient en règle et notre poste-frontière n'avait alors aucune raison de les empêcher de passer. 





Des consignes sévères et contradictoires.




La diversité des opinions crée aussi la diversité des consignes. Une des grandes préoccupations des postes-frontières espagnols, c'est la presse. Des listes de journaux et de journalistes ont été élaborées par les divers partis et remises aux chefs de postes. Il m'a été donné de voir deux de ces listes. Elles sont savoureuses et l'on se rend compte que, dans le pays voisin, on ne suit que d'assez loin les journaux français. En tout cas, il y a des journalistes qui sont admis par le Frente Popular. D'autres, au contraire, qui ne sont acceptés que par les insurgés. Il suffit de témoigner quelque tiédeur dans un "papier" pour être impitoyablement rayé et déclaré indigne de rentrer en Espagne. Il s'en suit que la plupart des journalistes se sont spécialisés les uns dans un camp, les autres dans l'autre camp et qu'il vaut mieux, quand on veut essayer de voir vraiment, oublier de se prévaloir d'un titre qui comporte en la circonstance plus de désagréments que d'avantages. 




D'autant que la correspondance et surtout la correspondance de presse est partout censurée. Pour qu'elle parte il faut qu'elle plaise et pour qu'elle plaise, il faut qu'elle ait été agréée en haut lieu. 




Seuls les communiqués officiels peuvent être acheminés rapidement. Il s'en suit qu'il est plus sage de faire partir ses informations de la frontière française et même, dans la mesure du possible, de les y rédiger, car les fouilles autrement sont fréquentes et un article qui déplairait pourrait avoir des conséquences sérieuses. 




Ainsi chaque fois qu'on doit repasser la frontière on vous y saisit les journaux ou les écrits se rapportant aux événements. De même pour les photographies les consignes sont multiples et contradictoires. 




Ici on confisque les appareils et on détruit les pellicules. Là, au contraire, et surtout du côté des insurgés, on pose volontiers devant l'objectif dans des poses belliqueuses ou partisanes. 




Telles sont les difficultés de l'information. On pense bien qu'il n'est pas impossible de les surmonter et qu'en définitive qui ose courir les routes de la péninsule rapporte des renseignements et des observations qui ne sont pas inutiles non seulement à qui veut comprendre mais à qui veut prévoir et prévenir les conséquences d'un conflit tragique qui serait facilement porté du plan espagnol au plan européen."





Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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