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dimanche 1 décembre 2019

L'ATALAYA À BIARRITZ - MIARRITZE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1900


L'ATALAYA À BIARRITZ EN 1900.


L'Atalaye est un belvédère situé à Biarritz, entre le port des pêcheurs et le rocher de la Vierge, sur une esplanade surplombant l'Océan Atlantique.


pays basque 1900
TOUR DE L'ATALAYA BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta Le Petit Journal, dans son édition du 21 janvier 1900 :


"Atalaya.


Sur l'extrême bord du promontoire, dominant les flots, la cloche des Balises dort dans son recueillement funèbre. Une palissade blanche l'isole du monde, comme les tombes de ces vierges que le jour serein n'entendra plus parler de leur frêle voix d'argent fin. 




pays basque 1900
TOUR DE L'ATALAYA BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Des sentiers indécis l'environnent ; les promeneurs de Biarritz y viennent quelquefois, mais sans y séjourner jamais : la mélancolie émanée de l'Océan flotte là plus triste qu'ailleurs et il semble que l'on y perçoit plus nettement la plainte vague qui sanglote dans la chanson de la mer. 




Cette cloche, comme figée de silence, est-elle donc toujours muette ?... Quelques touristes l'ont voulu savoir; les pierres qu'ils lui ont jetées jonchèrent le sol autour d'elle, dolente blessée vibrant à peine d'un gémissement. 




Or, sa voix, sa voix réelle n'est que trop connue à Biarritz ; du port des pêcheurs à la plage des Basques, du phare au sémaphore, on l'entend s'élever soudain dans la tempête et se lamenter dans le vent d'orage, aboiement sinistre de l'Atalaya ; tel est le nom basque de cette vigie granitique, jetée comme une digue énorme à travers les embruns de l'Océan, et qui ne désigne pas seulement le rocher fleuri que vous avez connu. 




Toujours soucieuse, indifférente aux amoureux qui la frôlent comme aux brises qui la caressent, la grande vedette atalayenne, la sombre guetteuse des malheurs et des deuils c'est, sur l'extrême bord du promontoire, dominant les flots, la cloche des Balises, la cloche d'alarme endormie en son recueillement funèbre. 




pays basque 1900
CLOCHE DE L'ATALAYA BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ce matin-là, la mer, qui n'était plus qu'une immense nappe d'écume, se fondait, à l'horizon, avec un ciel livide, tout effiloqué de nuages blancs. 




Sur la droite, vers l'Orient dentelé de noires futaies de pins, des vapeurs tourbillonnaient, nuées et poussières de vagues, voilant Biarritz d'un crêpe moiré de pluie. 




Le phare de l'autre côté de la baie, la plage des Basques, les jetées mêmes de l'Atalaya, tout disparaissait dans ce sinistre brouillard des tempêtes qui semble isoler du reste de l'univers l'agonie atroce des naufrages. 




Le promontoire tremblait sur ses bases rocheuses, dont les cryptes sous-marines détonnaient dans les assauts de l'Océan comme de lointaines canonnades. 



pays basque 1900
ESCALIER DE L'ATALAYE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le vieux père Biscaye hochait la tête, soucieux. 



- Où sont-ils donc ? interrogea-t-il.



- Là, au-dessous de nous, à une trentaine de brasses, en avant du rocher de la Vierge... Eh ! tenez !... les voyez-vous, maintenant ?



Un coup de vent furieux, balayant d'un seul coup les buées énormes de la mer, dévoilait, en effet, la crique et les récifs. Aux lueurs de l'aube spectrale, la statue de la Vierge apparut d'abord, fantôme ruisselant d'écume, mais plus rasséréné et plus auguste encore sur le déchaînement de l'Océan. 




Puis les rochers gris, la digue où des algues se figeaient, rigides comme des chevelures de noyés... Enfin les récifs noirs dont les tenailles de granit retenaient immobile le navire naufragé, démoli pièce à pièce par les coups de mer. 





Cramponnés aux derniers agrès de leur vaisseau, cinq hommes, cinq spectres dont l'inertie trahissait l'épuisement, attendaient la mort sous les regards des sauveteurs découragés. 





Le canon porte-amarres venait d'épuiser ses charges sans succès ; rejetées par la fureur des lames, les bouées et les cordes n'avaient pu parvenir jusqu'aux infortunés. Les marins les plus braves de la côte basque, avouant leur impuissance contre l'ouragan, avaient dû quitter la digue, à chaque instant couverte par le flot. 


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PLATEAU ATALAYE BIARRITZ 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN



- Perdus sous nos yeux ! gémit Biscaye.... quand un simple filin de vingt brasses à peine pourrait les sauver tous les cinq ! Est-ce possible ? Il doit y avoir, pourtant, quelque chose à faire !... 




- Il y a à aller chercher un prêtre pour les bénir : avant une heure, la mer aura démoli leur barque et ils se noieront. 




Un frisson parcourut les groupes ; les têtes se baissèrent ; des bras désolés se tendirent vers le gouffre. Un enfant partit en courant vers Biarritz




Le soleil se levait. La tempête changeait de caractère : une immense trombe giratoire s'abattait sur le golfe, balayant les vapeurs lourdes, rassérénant le ciel, où des pans d'azur, tout constellés d'étoiles expirantes, laissaient maintenant flotter leurs banderoles finement nuancées. Mais la mer, s'échevelant davantage, fouettée par le vent avec plus de violence encore, la mer redoublait de fureur. Des tourbillons d'écume jaillissaient jusque sur la crête de l'Atalaya. Les cinq moribonds, plus visibles maintenant entre chaque assaut de la rafale, sentaient craquer sous eux les membrures de leur navire et se disjoindre de plus en plus le plancher qui les séparait de l'abîme. 




L'un d'eux, moins affaibli, ou, peut-être, moins résigné que ses compagnons d'agonie, essayait de temps à autre de se relever ; son geste, qui devait accompagner un cri d'appel, inintelligible à travers les hurlements de l'Océan, implorait du secours, tendu sans cesse vers l'Atalaya avec une fixité et une énergie surnaturelles. 


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PORT DES PÊCHEURS ET ATALAYE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



- Mais je le reconnais ! s'écria Biscaye. C'est le particulier d'hier qui voulait m'embaucher comme pilote!.. . Voilà bien, d'ailleurs, sa barque damnée et tout son équipage de mauvais garçons. 




- Qui est-il donc ?




 —Un richard, un étranger, venu ici pour faire un mauvais coup ! Vrai ! il y a un bon Dieu, là-haut ! 


- Qu'est-ce que tu nous chantes ? interrompirent des voix intriguées. 


- Il est venu me trouver, hier matin, au Port-des-Pêcheurs, et m'a offert cinquante louis si je consentais à mener, dès la nuit close, son bateau au pied de la digue de l'Atalaya.


- Vous connaissez, m'a-t-il dit, toutes les passes, tous les récifs de ces parages : voulez-vous nous y guider ? 




Je lui ai demandé à réfléchir. Le particulier avait, en me parlant, un air qui ne m'allait guère... J'ai voulu savoir. Alors, j'ai un peu grisé le marsouin, qui faisait partie de la bande au milord et j'ai appris des choses qui m'ont décidé à refuser net. L'étranger était allé louer cette barque à Bayonne, avec un mousse et deux matelots recrutés dans les pires cabarets du pays. Il se proposait, pendant la nuit ; d'amarrer le bateau sous l'Atalaya et, descendu à terre avec trois de ses sacripants, d'enlever une femme et de cingler vers Bilbao... 




Vous concevez que j'étais suffisamment édifié. Une besogne louche se préparait. Il n'y avait plus à compter sur le vieux Biscaye. 




Et je vois la suite...Ils auront voulu, hier soir, s'embosser là-dessous ; le premier paquet les aura jetés sur les roches... 



- N'empêche, déclara une Basquaise romanesque, que je voudrais bien savoir quel enlèvement avait préparé ce corsaire... Au sémaphore, je ne vois personne... La petite maison d'à côté, pas davantage. Il n'y aurait que la Vizcaïna... Mais elle n'est pas encore habitée et... 




Une clameur de surprise s'éleva. La femme qui parlait eut un cri de stupéfaction. Une des fenêtres closes de la villa venait de s'ouvrir toute grande et une servante y apparaissait ensommeillée. Elle regarda un instant, sans comprendre encore, la mer floconneuse, les nuages emportés par le vent et surtout la foule attroupée sur l'Atalaya. Puis, comme des voix familières la hélaient, elle répondit aux groupes affairés et graves. 


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VUE PANORAMIQUE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



- Quand donc êtes-vous arrivés ? lui demandaient les femmes. 


- Hier, à la nuit close... Mais quelle tempête !... Ça faisait hou ! hou ! dans les cheminées et je n'ai pu fermer l'œil... 


- Vos maîtres sont là aussi ? 


- Les jeunes, oui. 


- Les jeunes ? interrogeaient des pêcheuses, intriguées, oubliant presque le drame proche.


 —Eh oui ! les nouveaux mariés...précédant d'une huitaine de jours toute la famille dans la villa. 


- Alors, murmura l'une d'elles, cette femme, que l'autre devait enlever... 




Mais une nouvelle phase du naufrage détournait vers la mer homicide l'attention des assistants. Les tourbillons de la mer diminuaient de violence ; l'Océan semblait moins écumeux et ses profondeurs se faisaient plus noires. 




Vers l'horizon se mouvaient, massives, d'énormes vagues glauques, formidables comme les murs d'une citadelle ; elles accouraient, régulières et lourdes, sans déferler, franchissaient les premiers récifs qui ne pouvaient les émietter en fumées d'écume et assaillaient la falaise tout d'une pièce, avec une incalculable puissance. 




La première lame qui atteignit les naufragés les noya sous une trombe de vingt pieds de hauteur, puis se brisa contre le promontoire dans une salve grondante d'artillerie. Quand ses embruns se furent dissipés, lorsque reparut l'épave fracassée, on s'aperçut que le mousse et un des marins de la barque avaient disparu avec la proue où ils s'étaient cramponnés. Les trois survivants ne semblaient pas se rendre compte de la catastrophe ; seul, l'étranger mystérieux se redressa un instant sur le pont brisé et adressa un geste à la foule. 


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BARQUE EN PERIL SOUS L'ATALAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



- Place ! demanda une voix grave et douce. 



Les groupes s'ouvrirent, déférents, devant celui qui parlait un dominicain de haute taille, d'une distinction et d'une noblesse un peu altières, mais tempérées par la mansuétude, qui donne toujours tant de race aux prêtres de vocation tardive ou que le clergé recrute dans le monde, aux lendemains des détresses retentissantes ou des calamités ignorées. 




- Le père Norbert ! chuchotaient les pêcheurs en s'écartant avec respect devant le religieux. 


- Voilà ! expliqua l'enfant qui le ramenait, il n'y avait plus personne au presbytère; mais le prédicateur a voulu venir pour remplacer M. le curé. 


- Place ! dit encore le prêcheur d'un accent plus attendri ; et, d'une, voix émue, où vibrait on ne sait quel ressouvenir brusque de passion et de deuil, il murmura : Mes enfants !... 


Le couple, si doucement appelé,,se retourna, - deux tout jeunes gens que la scène d'horreur avait un instant, distraits de leur amour et de leur bonheur, —les deux nouveaux mariés de la Vizcaïna. Ils s'inclinèrent devant le prêtre et longèrent la falaise pour se rapprocher des naufragés. Elle était blonde, diaphane, d'une beauté calme et grave, tonte mélancolique de sa joie et de ses rêves réalisés. 




Ses yeux verts et noirs s'ouvraient, très doux avec, au fond d'eux-mêmes, ce vague étonnement des fleurs nouvellement écloses aux splendeurs roses du matin. Lui, moins étranger à l'univers, mais non moins ravi que l'aimée blonde, se taisait, impressionné par le drame présent, le bras noué autour de la taille de l'aimée, sa femme, dans une étreinte inquiète et passionnée, faite de tonte son angoisse et de tout son amour. 




Doux ou trois vagues gigantesques venaient, coup sur coup, de disloquer et de disperser l'épave à travers les récifs de l'Atalaya. 




Accrochés à une pointe de roc, les trois moribonds attendaient la lame suprême , qui les arracherait au granit pour les engloutir à jamais, la lame mortelle qui murait tout l'horizon, mascaret dont les cataractes mugissaient déjà dans le vent. 




Quel saisissant tableau !... Au fond du gouffre, parmi les débris flottants de leur navire, les naufragés attendaient la mort ; leurs bras, noués au roc, comme à l'arbre du Calvaire ceux des condamnés féodaux, allaient s'ouvrir et s'abandonner, inertes, sous le dernier assaut des vagues. 




Au-dessus, agenouillés dans l'herbe, penchés éperdument autour des tamaris courbés par la tempête, les pêcheurs, retenant les enfants et les femmes tendaient vers ceux qui allaient mourir des bras tremblants de douleur. 




Tout blanc sur le grand ciel noir de Biarritz, le dominicain élevait de ses mains pieuses la croix, inclinée vers les naufragés ; et, par lambeaux funèbres, la tourmente emportait jusqu'à eux la prière des agonisants que le religieux psalmodiait de sa voix profonde et sonore. 




La cloche des Balises, mise en mouvement par un gardien du sémaphore, nu-tête sous la rafale, chargée des paroles sacrées, scandait de ses accents lugubres l'oraison suprême du prêtre. 




Et, du port des Pêcheurs à la plage des Basques, du phare au sémaphore, on entendait hurler maintenant et gémir dans le vent d'orage, l'aboiement sinistre de l'Atalaya ! 




La vague arrivait, géante, d'un noir glauque où commençait à poindre une crinière d'écume. Des cris partirent de la foule. Le dominicain abaissa son crucifix vers les flots. 




Aux grondements de la mort ruée, aux clameurs de détresse dos spectateurs, au dernier verset du prêcheur, un seul des naufragés releva la tète. C'était le patron du bateau. Il fixa sur la falaise un regard empreint de fureur et d'orgueil, haussa les épaules sous le signe de croix que lui envoyait le dominicain et sembla, par-delà la falaise, essayer de voir, en se dressant un peu, le toit où devait s'éveiller, sans doute, celle que la tempête et la mort venaient arracher à ses desseins. 




Brusquement, on le vit tressaillir, s'arc-bouter puissamment au roc et tendre, en jetant un cri de rage, son poing fermé vers un des promontoires de l'Atalaya. Là se tenaient, enlacés, les deux jeunes hôtes de Vizcaïna ; le moribond les ayant reconnus— elle, la blonde aux yeux de velours, en les bras amoureux du préféré fit un geste de menace et de désespoir. Mais la vague déferlant, monstrueuse, sur le roc, engloutit et roula dans son tourbillon les trois dernières victimes du naufrage. 




L'horreur du drame avait saisi les groupes. Consternés, ils cherchèrent des yeux le couple vers lequel l'âme de l'étranger s'était exhalée si haineuse. Les femmes, toujours curieuses de l'effroi des autres femmes, s'attendaient à voir l'épouse blonde glacée d'horreur. 




Or, le front penché sur l'épaule du jeune homme enivré, elle lui souriait de son joli sourire : lorsque la vague s'était ruée sur les récifs, l'enfant, se détournant vers l'aimé, muette d'émoi, avait, de ses regards voilés de pleurs, rencontré les yeux de son amant. Leurs mains s'étaient unies, leurs lèvres s'étaient jointes, et l'univers n'avait plus été pour eux qu'une ombre fugitive dans l'immensité de leur amour." 







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