VOYAGE EN DILIGENCE EN 1861.
La diligence est une voiture hippomobile pour le transport en commun. A partir de 1818, les grands services de transports s'organisent et les diligences deviennent de plus en plus importantes.
LE DEPART DE LA DILIGENCE 1818 DESSIN DE GEORGES CRUIKSHANK |
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Soleil, dans son édition du 28 février 1903, sous la
plume de George Light :
"Vingt-quatre heures en diligence (Suite).
...Parfois, nous rencontrons des chariots très bas et attelés de petits bœufs ; ces chars primitifs sont montés sur de petites roues pleines, fixées à un gros essieu en bois, qui tourne en lançant au loin de lugubres gémissements ; dès que les conducteurs de ces chariots aperçoivent la diligence, ils cornent à toutes jambes pour prendre la tête des bœufs et ranger les chariots jusque dans le fossé, sachant bien que la diligence, lancée à une allure qui ne permet aucune déviation soudaine, met en pièces tous les véhicules qu’elle accroche.
ATTELAGE BASQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
De temps en temps, on voit sur chaque côté de la route, des bornes destinées à fixer une chaîne qui barre le chemin, afin d'obliger toute voiture qui veut passer à solder un péage ; mais la diligence, grâce à un abonnement pris par la compagnie, trouve toujours la route libre. Ce péage est consacré, parait-il, à l'entretien des routes ; d’après leur état, il ne doit atteindre qu’un produit bien minime.
Nous roulons toute l'après-midi, sans trop de poussière, parce qu'il a fortement plu, la veille, et le jour commence à tomber quand nous arrivons à Tolosa, où nous devons dîner. Notre aimable chef de brigands prend très cordialement congé de nous et nous exprime de vifs regrets d’être forcé de s’arrêter à Tolosa, à cause d'une affaire très importante.
PLACE DE LA JUSTICE TOLOSA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
A Tolosa, nous dînons sans incident ; mais, quand nous nous disposons à remonter en voiture, je vois que deux places de la berlina sont occupées ; je serais fort embarrassé, si j'étais seul, heureusement, M. Delmas est là et il interpelle le mayoral : ils ont une longue discussion, que je ne puis comprendre évidemment, et tout d'un coup, M. Delmas me dit :
— Vous consentez bien à payer le supplément ?
— Parbleu ! Plutôt deux fois qu’une !
Le mayoral, ne sachant pas le français, attend la suite ; mais l'employé du bureau, qui a suivi attentivement le début, me dit aussitôt :
— Alors, c’est houite franques de plous.
—- Très bien ! Voilà les houite franques.
Le mayoral n'a pas besoin d’explications plus étendues ; en outre, devant la facilité avec laquelle je donne une somme si importante, il me prend sans doute pour un grand seigneur voyageant incognito et me regarde avec une déférence marquée.Les deux intrus descendent et vont se caser dans un autre compartiment.
DILIGENCE AUTREFOIS |
Nous reprenons possession de cette berlina enviée, M. Delmas et moi, et la diligence repart, avec la même allure vertigineuse. Mais la nuit est venue, très obscure, et je ne vois plus que des masses noires ; quand nous traversons un village, la voiture enfile la rue à fond de train, comme si elle se précipitait dans un souterrain, et je tremble qu’elle ne rencontre quelque obstacle, rencontre forcément suivie d'une catastrophe. M. Delmas s’applique à me rassurer, les habitants savent parfaitement que la diligence doit passer et se garderaient bien de laisser dans la rue n’importe quel objet, dont ils ne trouveraient plus que les débris. Bien accoté dans mon coin pour résister aux cahots, ne pouvant plus rien voir, je ne tarde pas à m'endormir.
A un certain moment, je suis à demi-réveillé, par suite sans doute d’un changement d’allure dans notre marche, et il me semble que notre attelage démesurément allongé, se retourne parfois pour monter sur la diligence ; je me frotte les yeux et je reconnais qu’en effet l’attelage, très augmenté, a souvent à se retourner brusquement pour suivre les zig-zags d'une montée des plus raides. M. Delmas, parfaitement éveillé, me dit gaiement :
— Ah ! Ah! Vous avez fait un bon somme, cher enfant, et vous vous réveillez à temps pour voir la fameuse côte de Segamo ; ensuite, après avoir descendu la montagne, nous serons dans la plaine où se trouve Vitoria.
Tout à coup, on entend un craquement sinistre. suivi des imprécations de nos conducteurs, et la diligence s'arrête : à un des brusques tournants de la route, le timon s'est cassé, accident qui ne doit pas être très rare, puisque la diligence est munie de tout ce qu'il faut pour y remédier. Les animaux sont dételés et mis dans le fossé, où ils s’empressent de brouter, tandis que nos hommes vont couper un petit arbre à quelques pas, le rapportent et s’appliquent à l’équarrir ; les voyageurs, qui ont mis pied à terre, entourent les travailleurs ; chacun place son mot et mon Auvergnat de l'impériale, que je regarde de toute la hauteur d'un voyageur de berlina, raconte, d’un ton goguenard, que sans doute il est cause de contre-temps, car il n’a jamais pu faire aucun voyage qui fût dégagé d'accident ; on l’envoie aux cinq cents diables, sans réussir à le troubler, lorsqu'il pousse un grand cri de douleur : le manche de la hache employée à l’équarrissage du timon s’est cassé et le fer lui est entré dans la jambe, d'où le sang coule avec abondance :
— Maintenant, ajoute-t-il, nous pouvons repartir sens crainte : j’ai mon accident au complet.
On le panse avec l’aide des miquelets, soldats qui ont un poste au sommet de la montagne et qui sont venus à notre secours, ces soldats appartiennent uniquement à la province et n’ont rien de commun avec l'armée régulière. C’est que les provinces basques ont leurs fueros (privilèges) et sont affranchies de la conscription, du papier timbré, de la régie des tabacs, etc. Ces miqueletes sont vêtus d'une tunique bleue, avec pèlerine, d'un pantalon rouge et d’un béret orné d'une plaque de cuivre ; trapus, solides, ils sont d'une couleur très originale et je les admire sans réserve.
MIQUELETES GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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