MAURICE RAVEL.
Joseph Maurice Ravel est un compositeur Basque né à Ciboure (Basses-Pyrénées) le 7 mars 1875 et mort à Paris le 28 décembre 1937.
COMPOSITEUR MAURICE RAVEL |
Il y a 82 ans, jour pour jour, disparaissait le compositeur Maurice Ravel.
Voici ce que rapporta le journal Mercure de France, dans son édition du 1er février 1938 :
"Maurice Ravel.
Nous savions, mais nous voulions malgré tout espérer un miracle : depuis de longs mois, Maurice Ravel ne semblait plus qu’un fantôme survivant au compositeur agile des enchantements qui ne s’épuisent pas. Son visage n’était presque plus son visage, car la flamme qui l’animait naguère ne brillait qu’en de fugitives éclaircies. Il allait, indifférent et las, comme si déjà les choses de ce inonde ne comptaient plus de rien pour lui — ce monde où, pareil à l’enfant dont il a traduit l’émoi, il percevait le mystère et devinait les sortilèges ; car son génie fut sans doute d’avoir conservé une âme d’enfant en acquérant tout le savoir des plus doctes, d’avoir joint la naïveté la plus suave et la candeur la plus fraîche aux subtilités les plus exquises : il a été ainsi le poète merveilleux dont le tact inné, le goût parfait, la mesure, surent exprimer tout ce que l'âme humaine renferme de plus secret et de plus délicat, et tout ce que l’univers contient de plus brillant. Et ce pur artiste de la grâce souveraine n’a point manqué de force quand il s’est attaqué à des sujets qui exigeaient de la vigueur. Il a eu tous les dons, ceux qui font les plus grands d’entre les musiciens et ceux qui font les plus délicats. Il les a unis en sa personne si harmonieusement qu’il restera certes comme l’un des représentants les plus accomplis de l’art français.
Maurice Ravel est né le 7 mars 1875 à Ciboure, qui est sur la rive de la Nivelle opposée à Saint-Jean-de-Luz. Sa mère était basque, mais son père venait d’une famille savoyarde ; les époux s’étaient connus en Espagne ; ils vinrent habiter une de ces maisons italiennes qui bordent le quai de Ciboure, le quai dont le nom est aujourd’hui celui du musicien qui y vit le jour. A peine âgé de quelques semaines, l’enfant quitta d’ailleurs le pays basque pour venir à Paris. Son père, ingénieur ami de la musique, encouragea les goûts qu’il devina dans son jeune fils. On lui donna d’abord un maître de piano. Puis il eut des leçons d’harmonie, et Charles-René, son professeur, a dit à M. Roland-Manuel que les premiers essais de composition de Maurice Ravel — variations sur un choral de Schumann, premier mouvement de sonate — "affirmaient une réelle unité dans le développement artistique du musicien, car sa conception de la musique lui était naturelle au lieu d’être, comme chez tant d’autres, la résultante d’un effort". Le même maître s’étonnait d’entendre sans cesse son élève "lui ravauder aux oreilles les trois renversements de l’accord de septième majeure, avec leurs claires dissonances", précoces recherches de subtilités qui présageaient les goûts du futur compositeur de Daphnis.
COMPOSITEUR MAURICE RAVEL |
Maurice Ravel lit toutes ses études au Conservatoire, il y fut élève d’Anthiome dans la classe de piano préparatoire où il entra d’abord, puis de Charles de Bériot, et devint un pianiste excellent. Pessard, André Gedalge parfont ses connaissances en harmonie, en fugue et en contrepoint jusqu’en 1897 ; il entre alors dans la classe de composition où Gabriel Fauré venait de succéder à Massenet. Son biographe, M. Roland-Manuel, constate que Ravel acquit au Conservatoire un solide métier, avec une grande bonne volonté et un parfait respect des disciplines imposées ; mais cette docilité de l’élève n’empêchait nullement le jeune compositeur d’étonner ses camarades par l’audace de ses premières œuvres et la liberté de ses jugements. Une Sérénade grotesque, qui a été perdue, et une Ballade de la Reine morte d’aimer, datent de cet heureux temps. On connaît mieux Les Sites Auriculaires pour deux pianos à quatre mains, demeurés pareillement inédits et qui furent écrits en 1895, car des deux morceaux qui les composaient, Habanera et Entre Cloches, le premier, repris et orchestré, est devenu le troisième mouvement de la Rhapsodie Espagnole. Ces Sites Auriculaires, écrits avant que Ravel eût reçu l’enseignement de Fauré, montrent que sa personnalité était formée dès ce temps. Il est déjà tel que nous le connaîtrons dans les œuvres de sa pleine maturité : tout intelligence et clarté ; difficile envers lui-même, haïssant le "subjectif", cachant avec une pudeur farouchement intransigeante ses sentiments, détestant le lyrisme déclamatoire, les confidences, les épanchements, masquant au besoin sous l’ironie la secrète tendresse d’un cœur ingénu. D’aucuns, à cause de ces précautions pour ne point se livrer, l’ont accusé de sécheresse : erreur profonde. Daphnis, L'Enfant et les Sortilèges suffiraient seuls à réduire à néant une telle accusation. De 1895 date aussi le Menuet Antique, pour piano, et de l’année suivante les mélodies Un grand sommeil noir (Verlaine) et Sainte (Mallarmé). Déjà le théâtre le tente ; il voudrait écrire la musique d’un conte féerique et il entreprend une Shéhérazade qu’il n’achève pas, mais dont l’ouverture, par lui dirigée à un concert de la Société Nationale en mai 1899, est accueillie fraîchement. Cette Shéhérazade n’a de commun que le titre avec les trois mélodies sur des poèmes de Tristan Klingsor, composées en 1903. En 1898, Ravel met en musique les deux Epigrammes de Marot, D’Anne jouant de l'espinette et D’Anne qui me jecta de la neige, puis, en 1899, Si Morne, de Verhaeren. La Pavane pour une Infante défunte est aussi de 1899, dans sa version primitive pour le piano (elle fut orchestrée en 1910) ; elle est un des premiers grands succès de Ravel qui, plus tard, — et peut-être à cause de ce succès — la jugeant "incomplète et sans audace", y remarquait "l’influence trop flagrante de Chabrier, sous une forme assez pauvre". Sévérité qui nous étonne jusqu’à nous paraître une pure injustice.
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Si les années qui suivent paraissent un peu moins fécondes, c’est que le jeune compositeur les consacre à la préparation du concours pour le Prix de Rome. Préparation sévère qui, cependant, ne l’empêche pas d’écrire les étincelants Jeux d’eau, pour le piano (1901), et l’admirable Quatuor en fa, pour instruments à cordes. L'allegro moderato du début semble d’abord promettre des confidences dont se raillent aussitôt les pizzicati du second motif ; le deuxième mouvement, très rythmé, donne à ceux qui reprochent à Ravel sa sécheresse le plus éloquent des démentis, mais que d’ironiques pizzicati viennent aussi moquer gracieusement ; l’emploi des sourdines dans le troisième mouvement voile le thème central et le rend encore plus doux ; enfin le finale évoque un instant le souvenir de Schubert avant de s’achever d’une manière si personnelle qu’elle signe comme un paraphe authentique l’ouvrage du jeune maître. Le Quatuor en fa, donné en première audition le 5 mars 1904 au concert de la Société Nationale, fut suivi à deux mois de distance, exactement le 17 mai, des trois poèmes de Shéhérazade avec accompagnement d’orchestre. Les textes de Tristan Klingsor, Asie, La Flûte enchantée, L’Indifférent, ont inspiré à Ravel un commentaire musical d'une surprenante poésie. Tout est nouveau dans ces trois poèmes, aussi bien la ligne onduleuse de la mélodie, dont les inflexions prolongent sans la fausser jamais du moindre écart de sens la résonance intime des mots, que l’harmonie si personnelle, que l’instrumentation si ingénieuse et subtile qui les commentent. Trente-quatre ans ont passé et cette musique de Shéhérazade a gardé tout le velouté de sa fraîcheur première. On en connaît toutes les notes, on attend, la page tournée, tel timbre ou tel accord, mais on en goûte encore la merveilleuse surprise tout comme au premier jour, on y retrouve ces délicates inventions, cette ingéniosité et cette souplesse qui les marquent, elles aussi, comme une signature.
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Ces qualités si neuves coûtèrent, assure-t-on, à Maurice Ravel son prix de Rome. Il concourut trois fois : en 1901 (cantate Myrrha, sur un poème de F. Beissier), en 1903 (cantate Alcyone, sur un poème de A. et F. Adenis), et en 1905 (cantate Alyssa, toutes trois demeurées inédites). Octave Séré, dans ses Musiciens Français d’aujourd'hui, rapporte qu’un membre de l’Institut, ayant entendu Jeux d'eau, s’écria : "Il peut nous prendre pour des pompiers, mais non pas pour des imbéciles !" Ravel avait obtenu le second prix de Rome en 1903. Il ne concourut pas en 1904. Lui en voulut-on d’avoir donné cette année même deux authentiques chefs-d’œuvre : le Quatuor en fa et Shéhérazade ? Au concours d’essai de 1905, le second prix de Rome de 1903 se vit exclure du concours définitif. Cette condamnation, qui ressemblait à une peine disciplinaire, était prononcée par un jury composé de Théodore Dubois, Massenet, Paladilhe, Reyer, Xavier Leroux, Hillemacher et Roujon. Elle était sans appel et sa rigueur provoqua dans les milieux musicaux et jusque dans les gazettes de très vives discussions. "Peut-être, ajoute Octave Séré, ne fut-elle pas étrangère à la nomination de Gabriel Fauré (le maître de Ravel) à la direction du Conservatoire."
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