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jeudi 26 décembre 2019

LE "PAYS QUINT" EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1947


LE PAYS QUINT EN 1947.



Le pays Quint est un territoire situé en zone frontalière franco-espagnole, au sud de la vallée des Aldudes en Pays Basque, appartenant à l'Espagne mais administré par la France.


pays basque autrefois quintoa
PAYS QUINT
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voilà ce que rapporta Lucien Corosi, dans le journal France-Soir, dans son édition du 17 juin 

1947 :



"Il s'en passe des choses en France...



Un grand reportage de Lucien Corosi.



20 carabiniers franquistes travaillent pour la France.



Le "Pays Quint" est un territoire espagnol où, seuls, les Français ont accès.


Saviez-vous qu’il existe en France une famille dont les membres, depuis 250 ans, ne voient plus dès le coucher du soleil ?


Croiriez-vous que pendant les années sombres de Vichy et de la terreur nazie, deux familles juives s’étaient réfugiées dans le plus ancien ghetto de France et qu’elles y vécurent tranquillement pendant vingt et un mois ?


...Et qu’il est une petite ville du Languedoc dont les 700 protestants sont divisés en dix sectes dont certaines ont déjà disparu de tout le reste de la France ?


Ce ne sont pas des légendes, rien de tout cela n’est inventé. Tous ces gens, toutes ce» choses existent, mais sur quarante millions d’habitants, Quelques centaines à peine les connaissent.


C'est à la recherche des secrets de notre propre pays, parfois plus mystérieux que certaines lies d’Océanie, qu’est parti, en ce printemps 1947, notre collaborateur Lucien Corosi.




Urepel (Basses-Pyrénées), juin. 


basse navarre autrefois
UREPEL
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ce qui m’a tout d’abord frappé dans ce village, coquet comme la plupart des villages basques, c’est la présence, à la sortie de la messe, de deux carabiniers espagnols en tenue. C’est entendu, ici, en plein pays basque, où l’on parle la même langue à Bayonne et à Bilbao, la notion "frontière" n’a pas le sens qu’on lui donne à Madrid ou à Paris. Les rapports officiels n’en sont pas moins "frais" entre l’Espagne et la France, la frontière étant hermétiquement fermée à tout trafic (officiel).




Si les contrebandiers la passent, comme avant, je ne m’attendais tout de même pas à rencontrer deux carabiniers franquistes sortant, en plein jour, de l’église d’un village de France.




— Où voulez-vous qu’ils aillent ? me dit mon hôte basque. Pour gagner les premières communes espagnoles, à Elissondo ou à Irurita. il faut trois à quatre heures de marche. Et puis, tout Espagnols qu’ils sont, ils travaillent pour la France. Ils veillent sur les troupeaux, les pâturages du "pékin", qui est terre française, mais territoire espagnol.




Qu’est-ce que ce mystérieux "Pays Quint", que mes amis basques prononcent "Pékin" ?




Nous marchons depuis près d’une heure sur l’étroit sentier de montagne, sans autre point de repère que, derrière nous, le clocher d’Urepel, dans la vallée.



— Avertissez-moi lorsque nous nous approcherons du "Pays Quint", dis-je à mes compagnons.

— Vous y êtes depuis une bonne demi-heure !

— Vous plaisantez ? Je n’ai vu aucun poteau-frontière, aucun carabinier...

— Des poteaux-frontières ? Pour qui ? Pour les moutons ? quant aux carabiniers, il fait trop chaud pour qu’ils sortent de leur caserne.

— J’ai donc pu entrer en Espagne sans passeport, sans laissez-passer frontalier ?

— Vous êtes en Espagne sans y être. C’est le "Pays Quint". Les carabiniers veillent surtout sur l'autre frontière, entre l’Espagne et le "Pays Quint". C’est là que passent les contrebandiers, les déserteurs franquistes, les maquisards espagnols.




Une convention séculaire, probablement unique au monde, entre la vallée française de la Baigorry et les vallées espagnoles de l’autre côté cela frontière, nous assure l’exclusivité des pâturages du "Pays Quint" pour nos troupeaux.




basse navarre autrefois
UREPEL
PAYS BASQUE D'ANTAN



Pour 8 000 francs par an... 



Je dis "l’exclusivité", car, aussi bizarre que cela puisse paraître, ces pâturages espagnols sont interdits aux Espagnols et réservés aux frontaliers français.




— Pourquoi l’Espagne se montre-t-elle d’une telle générosité envers les Basques français de la vallée de la Baigorry ?

— D’une part, me dit mon guide, un vieux traité l’y oblige (dans lequel la France lui a fait, sans doute, d’autres concessions). De plus, les quelques dizaines de kilomètres carrés du "Pays Quint" sont quasi inaccessibles du côté espagnol et ne pourraient être que très difficilement exploités par les habitants des villages d’Elissondo ou d’Irurita. En le "louant" pour 8 000 fr. par an, l’Espagne rendait donc service à la France, sans perdre quoi que ce soit.




Sur le premier plateau où nous passons, nous bifurquons à gauche.



— A droite, m’explique mon compagnon, ce chemin mène à la caserne des carabiniers. Evitons-les quand même. Ce ne sont pas de mauvais bougres, mais, comme ils savent qu’il y a des mouchards entre eux, ils seraient obligés de vous arrêter, ce qui pourrait vous valoir trois mois de vacances forcées à la prison de Pampelune. Allons boire plutôt un coup de "muscade" à la "venta"...




A la "Venta" du "no man’s land".



pais vasco antes quinto real
VENTA ERRECA QUINTO REAL
PAYS BASQUE D'ANTAN


— On m’a dit que le "Pays Quint" était un simple pâturage, avec quelques bergers pour la saison, mais sans habitant ?

— En principe, personne ne devrait s’y installer "en permanence". Mais les sept ou huit "maisons" (en pays basque, on ne parie pas de familles, mais de "maisons") qui y sont depuis toujours, sont tolérées, comme Urepel et Elissondo sont loin, c’est à la "venta" que les habitants trouvent tout ce dont ils peuvent avoir besoin : du vin aux comprimés d’aspirine, en passant par les tissus et les bougies ; la plupart de ces marchandises proviennent naturellement de la contrebande. Pas de danger, cependant, que les carabiniers sévissent. Les carabiniers et leurs familles s’approvisionnent eux-mêmes ici...




Paroissiens français, contribuables espagnols.



— Vous êtes Français ou Espagnol ? demandai-je, un peu plus tard, au maître de la maison Pitutiuna, une des huit maisons du Pays Quint.

— Nous sommes Français. J’ai fait la guerre de 1914, mon fils s’est engagé dans la dernière.




Le fait est assez rare. La plupart des habitants du Pays Quint ne se distinguent pas par des sentiments très belliqueux. S’ils ne craignaient pas de vous faire de la peine, ils vous diraient carrément qu’ils ne sont ni Français, ni Espagnols, mais Basques, En 1936, lorsque l’on a essayé de les engager dans les armées républicaines, et plus tard franquistes, ils se dirent tous "Français". En 1939-40, par contre, à peu d’exceptions près, ils étaient tous subitement devenus Espagnols.




Ce qui ne veut pas dire que "de cœur" et aussi... d’intérêt, ils ne soient pas presque tous Français. Leur "point d’attache" avec la civilisation est Urepel. C’est là qu’ils vont à la messe, se marient, déclarent les naissances, envoient à l’école leurs enfants et se font enterrer quand ils meurent. Leur unique "acte de citoyenneté" envers l’Espagne est d’y payer les impôts, que le percepteur d’outre-Pyrénées vient leur réclamer assidûment chaque hiver et chaque été.




Comble de cocasserie, ils touchent (même les Espagnols) leurs tickets d’alimentation à Urepel, ce qui n’empêche pas les débrouillards de recevoir aussi des cartes de rationnement du côté espagnol.




Ils vont à Madrid ou à Paris sans passeport. Leurs difficultés commencent précisément le jour où ils ont besoin de "papiers" et où on leur demande de justifier de leur nationalité. Car, juridiquement (sauf un ou deux), Ils ne sont ni Français, ni Espagnols.




L’Espagne entretient là une vingtaine de carabiniers ; il était question — avant la guerre civile — qu’elle vende, une fois pour toutes, ces quelques dizaines de kilomètres de pâturages à la France. Ce qui donnerait à la France quelques douzaines de nouveaux habitants, mais priverait l’Europe d’un de ses "no man’s land" les plus pittoresques."



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