ELIZONDO EN NAVARRE EN 1933.
Elissondo est un village du Baztan, en Navarre, situé à 57 kilomètres de Pampelune, la capitale Navarraise.
| VUE PARTIELLE ELIZONDO NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition du
14 novembre 1933, sous la plume d'Alcide Cabiro :
"Elizondo.
Elizondo. Nom prestigieux, capitale de la vallée du Baztan, à qui incombe la garde du fameux étendard de Navas de Tolosa.
Où donc est Echalar, clame de sa voix sonore notre charmante amazone, à qui rien n’échappe ? Elizondo, Echalar, leur résonance évoque incontinent "Mérimée et Carmen". Echalar avec ses chasses, nous l’avons laissée derrière nous, à deux kilomètres de Vera, là-haut, pas loin d’ailleurs. A vol d’oiseau, il n’est séparé de Sare que d’une dizaine de kilomètres.
| ECHALAR NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
La décision est vite prise : nous déjeunerons à Elizondo.
Nous voici en quête de la Posada I.azaro, qu’on nous a particulièrement recommandée.
Nous espérions la découvrir au passage, en clignotant aux enseignes, sur la rue principale, qui sépare le village en deux, mais force nous est de nous renseigner.
| ROUTE DE FRANCE ELIZONDO NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
On nous indique aussitôt une maison très simple, toute blanche, bordant la route... Là, nous précise-t-on, le doigt tendu vers sa direction, en face de l’église.
Nous hésitons. Nous sommes-nous trompés ? La maison n’a aucune apparence d'hôtel. D’abord, pas d’enseigne ni aucun indice sur la façade principale. En outre, la porte d’entrée paraît verrouillée et les volets sont mi-clos.
J’avertis les touristes qui voudraient, comme nous, déjeuner à cette Posada si modeste, malgré sa juste renommée, que l’accès s’en trouve sur le côté, au fond d’une impasse. C’est par là que nous y pénétrons.
Nous y sommes très aimablement accueillis par la propriétaire, s’exprimant en un français correct, et qui nous sert un excellent repas arrosé d’un "rioja" fameux. Notre subtile amazone savoure, avec un sourire frondeur, le ragoût de veau à l’espagnole, mais surtout les asperges, ces belles asperges de Navarre dont le pays fait un grand commerce d’exportation. On a dû vraisemblablement ouvrir pour nous ]a meilleure boîte, car elles rappellent les plus fines asperges d’Argenteuil, d’un goût exquis et fondantes de bout en bout.
Le hasard veut que ce soit jour de marché.
La salle s’emplit brusquement de paysans basques, qui s’attablent avec bon appétit. Ils parlent, bien entendu, leur langue. Ils discutent entre eux, le verbe haut, mais pas un mot d’espagnol n’est prononcé dans leurs conversations animées.
Sont-ils Espagnols ? Si nous osions les interroger, je sais d’avance ce qu’ils nous répondraient.
Ils sont, par dessus tout, Basques, et ils ne veulent être que cela. C’est leur unique nationalisme. Ils n’en ont jamais connu d’autre. Ne le tiennent-ils pas, au fait, par le sang, par le parler, par l’amour filial profond du sol, par toute l’histoire, en un mot, d’une suite ininterrompue de générations ayant vécu sur cette terre depuis Adam et Eve, et dont ils sont les héritiers ?
La Navarre, et notamment la partie montagneuse espagnole où nous nous trouvons, a conservé intact, nous dit-on, le pur caractère de l’antique race Euskarienne, de ses mœurs indépendantes, ainsi que de sa langue très particulière et unique. Or, tous les Basques de ce pays réclament unanimement du nouveau régime, qu’il ne soit en rien touché ni à leurs coutumes, ni à leurs droits imprescriptibles, régionalistes.
Ils seraient prêts à les défendre si besoin était.
Pour comprendre, ce qui, au fond, les fait si résolument tenir à cette indépendance, et pourquoi ils sont obstinément hostiles à toute assimilation prétendant former une nationalité distincte, qu’on relise la véhémente protestation des deux frères Dominique et Joseph Garat, députés au Tiers-Etat, au moment où la révolution de 1789 obligeait les Basques français à sortir de leur abstention séculaire et à ne plus vivre en dehors de la Nation.
On sait que les Basques annexés à la France furent rattachés, partie au Béarn, et l’autre partie aux Landes.
La mesure décrétée à la séance du 12 janvier 1790 souleva de vifs débats.
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| DOMINIQUE-JOSEPH GARAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dominique Garat termina sa harangue enflammée par les avertissements suivants :
"L’assemblage qu’on nous propose est, physiquement et moralement, impossible. La différence des langues est un obstacle insurmontable. Réunissez des hommes dont les uns parlent une langue et les autres une autre. Que voulez-vous qu’ils se disent ? Ils finiront par se séparer comme les hommes de la Tour de Babel.
Je ne sais — ajouta-t-il — si, quand un peuple a conservé pendant des siècles un caractère excellent et des moeurs patriarcales, il peut être bon, en, morale et en politique, de le mêler avec un peuple policé..."
Qu’on réfléchisse aux manifestations imposantes solennelles qui, ces jours derniers, à Durango, réunissaient des milliers de délégués des provinces unies. Ne démontrent-elles pas que les Basques sont aussi, énergiquement, et avec autant d’acharnement que jamais, déterminés à s’opposer à toute atteinte à leurs prérogatives de race!
Ils réclament, non moins véhémentement le respect de la liberté religieuse, c’est-à-dire de la libre pratique du culte de la religion chrétienne, à laquelle ils sont très profondément attachés.
Pour tout dire, ils veulent une autonomie totale.
Ces hommes robustes, musclés, au teint coloré, l’œil vif, n’ont en vérité aucun trait de ressemblance avec l'Espagnol du Sud. Sous leurs dehors fruste, et d'apparence timide, ils sont sympathiques et serviables.
Quelques-uns portent la chamarra.
Mais, comme chez nos Basques français, la cravate, ornement inutile, est absente à leur col blanc.
J’ai l’impression de retrouver, ici, le caractère et les conditions de vie simple, familiale, déjà observés dans la région de Roncevaux.
La Navarre, en somme, vit heureuse sur sa riche terre dont elle tire, en abondance, tout ce qui lui est nécessaire. Dans ses campagnes paisibles, les habitants, tels les bergers ce Virgile, dépourvus d’ambition, mais ennemis de toute contrainte, n’ont cure de la vaine agitation des villes, ni des progrès de la civilisation dont nous sommes les esclaves. Ils s’appliquent à rester toujours les mêmes sur leur étroit domaine. Eux seuls, en vérité, connaissent le vrai bonheur.
Nous quittons à regret ce doux village d’Elizondo, mais quant à moi, insatisfait : cependant, je me console en me promettant d’y revenir bientôt, car on ne résiste pas à la séduction de sa naturelle beauté, ni au charme poétique de son site enchanteur.
La route devient plus raide. Nous approchons des sommets. Les hêtres se raréfient.
Nous voici au Port de Velate, à la ligne de partage des eaux.
Court arrêt devant l’hôtel Venta-Quemada, tenu par un Italien, situé sur le bord du chemin, à son point culminant.
| VELATE NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |


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