L'AFFAIRE STAVISKY UN AN APRÈS SA MORT.
L'Affaire Stavisky est une crise politico-économique survenue en janvier 1934.
ALEXANDRE STAVISKY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette crise succède au décès le 8 janvier 1934, dans un chalet à Chamonix, dans des
circonstances mystérieuses de l'escroc Alexandre Stavisky, dit "le beau Sacha", qui avait
escroqué environ deux cents millions de francs, en particulier au Crédit Municipal de Bayonne,
grâce à des complicités politiques et judiciaires.
Voici ce que rapporta le journal l'Echo d'Alger, dans son édition du 1er janvier 1935, presque
un an jour pour jour après la fin de Stavisky, sous la signature d'A.L.Breugnot :
"Un an après...
Au pays basque, sur les traces à demi-effacées de Stavisky.
Dans le monde où l'on s'amuse, le bel Alexandre est déjà oublié, mais le livre d'or d'une vieille auberge villageoise conserve la signature énigmatique de l'escroc.
Dans quelques jours, très exactement le 8 janvier, un an se sera écoulé depuis la fin tragique du "Bel Alexandre". Le "Vieux Logis", devenu curiosité touristique conserve son mystère mais dans quelques coins de France où fréquenta l'escroc son souvenir n'est pas encore complètement effacé.
LE VIEUX LOGIS A CHAMONIX |
En villégiature au pays basque, où naquit le scandale, nous avons au cours de l'été 1934 recueilli quelques impressions sur le passage de Stavisky au pays de "Ramuntcho".
Bayonne, ville du scandale.
PLACE DE LA LIBERTE BAYONNE - BAIONA 1934 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Une escroquerie la révéla aux foules.
Bayonne connut alors une existence mouvementée. Les pêcheurs désertèrent les quais, où ils pêchaient le muche, les promeneurs délaissèrent les Arceaux, les hôtels furent envahis par les journalistes, les photographes, les cinéastes, les avocats et les policiers.
Dans la bagarre l'honnête cité perdit son député-maire, qu'elle aimait bien pourtant.
Après cette période héroïque on dépouilla Bayonne une seconde fois — la première étant la perte de son maire — : on vida la villa Chagrin au profit de la Santé et le bon juge d'Uhalt fut nommé à Bordeaux. Du coup Bayonne perdait l'espoir d'assister aux débats du plus retentissant procès du siècle...
VILLA CHAGRIN BAYONNE - BAIONA PAYS BASQUE D'ANTAN |
En juillet 1934.
J'ai retrouvé Bayonne aussi calme que l'été précédent, avant l'affaire.
Les pêcheurs sont à leur poste, les Arceaux sont animés par une foule heureuse de vivre et M. Barthou a rendu solennellement visite — comme pour une sorte d'officielle réhabilitation — à la cité dont il est un petit peu sénateur.
ARCEAUX RUE PORT NEUF BAYONNE - BAIONA PAYS BASQUE D'ANTAN |
En l'honneur du grand ministre on a — comme on le fait à Pampelune — lâché des toros et des vaches dans la rue, ce qui en espagnol s'appelle un "encierro" et donné lieu à d'hilarantes courses. On a transformé l'Adour étonné en un coin de Venise où se sont croisées en jeux fulgurants des barques travesties en gondoles décorées de lampions et crochant des fusées.
PONT ST ESPRIT ET REDUIT BAYONNE - BAIONA 1935 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voilà pour Bayonne où seule le portier de la villa Chagrin, s'il n'était devenu terriblement méfiant, pourrait donner quelques renseignements sur l'affaire.
"La plage où l'on nage!"
Mais il y a Saint-Jean de Luz que des maîtres nageurs astucieux, mais sans malice aucune, ont dénommé "la plage où l'on nage" et où Stavisky déploya ses talents.
PLAGE ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE 1934 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Là, une de mes amies me dit en parlant du célèbre escroc :
— Il ne faisait pas beaucoup parler de lui. Voici deux ans, sa femme remporta le Grand Prix d'élégance automobile et ce fut la seule fois où il défraya en quelque sorte officiellement la chronique.
A la Pergola, l'étonnant casino cubiste édifié sur les sables d'or par Mallet Stevens, on ne connaît plus Stavisky qui, cependant, en fut administrateur et y joua gros jeu. Les grooms ont changé, le portier n'a eu affaire lui aussi qu'à un certain Alexandre et le directeur est trop occupé à mettre une dernière main à son gala d'ouverture pour s'intéresser à un personnage qui ne saurait plus lui être utile.
CASINO DE LA PERGOLA ST JEAN DE LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il y a eu mieux depuis : le putsch nazi à Vienne, la brusque accession d'Hitler à la présidence, et puis il fait chaud, voici les mois de repos. On est à la campagne pour oublier la crise, la politique et les scandales On se baigne, on se dore, on s'amuse follement... et Stavisky est mort.
Stavisky et la solitude.
Quand on quitte Saint-Jean-de-Luz par la route qui monte vers les montagnes on longe la Nivelle bordée de près que la marée recouvre deux fois par jour. Puis après avoir traversé Ascain, où Loti écrivit "Ramuntcho", on atteint par un chemin pittoresque, dans un paysage tourmenté, l'un des plus beaux villages du pays basque : Aïnhoa, perché dans la montagne à deux doigts de la frontière espagnole.
HOTEL ETCHOLA ASCAIN - AZKAINE 1934 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aïnhoa n'a pas d'histoire, ou si peu !...
Elle abrita la jeunesse de Dancharia, celui qui devait s'appeler "le danseur de Louis XIV" pour avoir eu l'honneur d'interpréter au cours des réjouissances qui suivirent les noces du Roi Soleil à Saint-Jean-de-Luz, les danses bondissantes du pays basque.
Puis on ne parla plus d'Aïnhoa jusqu'au moment où Napoléon surveillant la construction d'une route stratégique y coucha.
Au temps des luttes carlistes on s'y battit un peu et puis ce fut, à nouveau, le silence.
Mais on vit fort bien sans histoire et Aïnhoa le prouve qui ouvre sur la grand-route conduisant vers l'Espagne les fenêtres étroites et fleuries de ses hautes maisons aux blanches façades croisillonnées de poutres ocrées.
PONT INTERNATIONAL DANCHARIA AÏNHOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le fronton, gris et rose, est tout contre l'église, une église dont les murs du chœur et de l'abside sont couleur d'améthyste et d'or roux avec un court clocher en granit bleu. Le cimetière est autour de l'église et la paille des granges voisines décore le sol de baguettes brillantes, ce vieux sol vers lequel ne conduit nul rail d'acier et qui ne connaît, durant les beaux jours, qu'une brève animation, à l'arrivée de l'autobus qui monte les touristes du fond de la vallée.
FRONTON AÏNHOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et c'est là, dans ce coin perdu que j'ai le plus appris sur Stavisky. Entre deux galas à Biarritz ou à Saint-Jean-de-Luz, l'escroc aimait à venir se reposer dans un petit hôtel qui porte le nom charmant d'Ohantzea. C'est une vieille hostellerie datant de 1660, modernisée avec goût. Les plafonds y sont bas et dans le jardin, sous des platanes centenaires, s'épanouissent des buissons d'hortensias roses et bleus.
OHANTZEA AÏNHOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Stavisky arrivait dans cette oasis de solitude, le soir, par ces crépuscules qui poétisent les montagnes, les arbres, les maisons et les pierres des chemins. Il venait là avec des amis, à l'improviste. On s'installait, sans façon, dans la grande salle tiède ou, si le temps le permettait sous les tonnelles des jardins autour d'une antique et lourde table de granit.
OHANTZEA AÏNHOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
— "Stavisky dépensait sans compter mais sans ostentation et les garçons, me confie l'accueillant propriétaire d'Ohentzea, l'aimaient beaucoup, Il était doux, ajoute-t-il, très aimable et toujours de bonne humeur. La dernière fois qu'il est venu c'est en janvier 1931. Il accompagnait une richissime américaine qui la veille au soir avait perdu au casino de Saint-Jean-de-Luz la bagatelle de quatre millions.
Ils s'étaient installés dans un petit salon et discutèrent longtemps sur les modalités du règlement de la dette.
Quand ils furent d'accord, Stavisky demanda du champagne et en dessous de quelques lignes écrites par Mme P...la riche américaine, sur notre livre d'or, Stavisky signa, ce qui ne lui était jamais arrivé."
Et mon hôte me présente ce livre où voisinent des noms illustres.
OHANTZEA AÏNHOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Autographes.
Voici la prose de l'Américaine et là, au-dessous, une signature où jamais profane ne pourrait déchiffrer "Serge Alexandre", quelque chose de nerveux, de tremblé, qui ressemble à un enregistrement sismographique.
— J'ai aussi la signature de Garat, ajoute mon interlocuteur, et il me désigne, en haut d'une page de gauche, la griffe de l'ancien maire de Bayonne qui est très loin, dans le livre, de celle de Stavisky.
— Venaient-ils ensemble parfois ?
— Jamais. Garat était toujours accompagné de personnalités du pays mais je ne l'ai jamais vu en compagnie de Stavisky.
Ainsi ces deux hommes se trouvaient aux mêmes époques, dans le même pays. Ils affectionnaient tous deux ce même coin perdu si propice aux rendez-vous discrets et jamais ils n'ont éprouvé le désir ou le besoin de venir parler d'affaires qu'on soupçonne communes. Alors?
On oubliera.
Le crépuscule descend mauve et vert sur le haut pays basque, celui de Ramuntcho toujours si propre, si noble et qui ne se laisse pas éclabousser par la boue des scandales.
Au fronton rose et gris, des gars solides, aux mains larges et lourdes, s'entraînent à la pelote à main nue et le mur de granit résonne des heurts de la balle dure en peau de chien.
PARTIE DE PELOTE A AÏNHOA TABLEAU DE RIBERA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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