LÉGENDE DU MAKILA EN 1908.
Le Makila ou Makhila est un bâton de marche doublé d'une arme appartenant à la culture et à la tradition Basques.
MAKILA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta le journal au sujet de ce bâton ferré dans Les Annales Politiques et
Littéraires, dans son édition du 16 août 1908 :
"L'herbier des Légendes de France.
Pyrénées. Le Makila Basque.
Piarrès Hiriart, aussi aimable conteur que robuste octogénaire, nous fit asseoir, mon compagnon de chasse et moi, sous le long rideau blanc de la cheminée familiale ; et, pendant que dans l'âtre flambait magnifiquement un tronc d'arbre de la forêt, nous nous laissâmes bercer par son récit, comme nous l'avions été, tout le jour, à la cime d'un chêne par le balancement de notre palombière.
— Oui, mes amis, commença Piarrès, en allumant sa pipe de terre cuite, le conte que je vais vous dire est vieux, très vieux. Je le tiens de mon grand'père à qui il fut aussi transmis d'âge en âge, à travers deux ou trois siècles. C'est l'histoire merveilleuse du "makila" basque, de ce bâton de forme étrange que vous voyez accroché à la boiserie de notre grande pendule. Ce bâton est plus qu'une canne, c'est une arme !... Botté de cuivre, coiffé d'un béret en corne dure, ceint d'une cuirasse, néflier élégant et rude, ne vous rappelle-t-il pas le type même du paysan basque ?...
C'était, il y a longtemps, très longtemps, à l'époque où il y avait encore des croisades... Les Anciens de la province du Labourd venaient de se réunir, selon la coutume, autour de la grande pierre d'Ustaritz (Capeta-Larri, pierre du chapitre), quand ils virent arriver le seigneur de Lourbinthoa, escorté d'un cavalier minuscule monté sur un "pottoka" (petit cheval du pays). Les seigneurs de Dona Martinia, de Haïts, de Chourouteta eurent vite fait de reconnaître que c'était là un nain, d'une vingtaine d'années, dont la présence était due à la coquetterie originale de leur vieil ami de Lourbinthoa ! S'appuyant, pour descendre de cheval, sur la tête de cet écuyer-nain, il espérait dissimuler ses rhumatismes, pourtant légendaires, rebelles, cette fois, aux eaux bouillantes de Dax la mystérieuse.
Or, pendant que le seigneur de Lourbinthoa délibérait à Capeta-Larri, sa fille, "Madalen" belle brune aux yeux noirs, au teint mat, aux cheveux trop abondants pour le "bouroukoa" (mouchoir de tête), sa fille Madalen rêvait là-bas dans son château, au sommet de la colline. Elle rêvait, et le pauvre nain "Chatorra" rêvait d'elle... Car il l'avait aperçue, maintes fois, le soir, descendant les marches du grand escalier vers la fontaine de "Bissar-Churi" (Barbe-Blanche). Elle aimait s'y attarder dans la rouge féerie du crépuscule et troublait l'Echo de ses chants, pendant que, de moins en moins sonore, sa cruche s'emplissait sous le jet de l'eau... Le charme de sa voix, la grâce de son corps cambré, l'arc de ses bras, levés vers la cruche portée sur sa tête ovale, tout cela avait bouleversé le pauvre Chatorra.
Un soir, n'en pouvant plus de taire son amour, ayant guetté l'heure où, de la fenêtre du donjon, Madalen contemplait les étoiles, Chatorra se glissa sous la croisée de la jeune châtelaine :
— Madalen, Madalen, s'écria-t-il, tremblant lui-même de son audace, Madalen, je vous aime !... Pardonnez à mon âme trop ardente et trop belle sans doute pour mon malheureux corps !
Chatorra entendit un long soupir lui répondre, et dans une larme, qui de la croisée tomba sur son front, il sentit passer comme un abîme de délices !....
Hélas! la fée malfaisante, la vieille sorcière qui, un soir de sabbat, sur la route de Sorguinteia avait dit à Chatorra, trop curieux: "Tu ne seras qu'un nain !", veillait encore à cette heure !
MAKILA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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