SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1897.
En 1897, la population de Saint-Jean-de-Luz compte 3 951 habitants et est administrée par son Maire Le Docteur Albert Goyeneche.
PLAGE ST JEAN DE LUZ 1898 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que raconta La Petite Gironde, dans son édition du 15 septembre 1897, sous la plume
de Jean Manore :
"La vie en Plein Air.
En Saint-Jean-de-Luz.
"Il pleut, il pleut, bergère!"
Je ne dirai pas du temps que je subis, ici, depuis mon arrivée, qu'il est absolument irréprochable. La saison se classe parmi les mouillées. Il pleut souvent, plus souvent encore, il bruine, et l'embrun a parfois, des gifles un peu brusques. La brise est plutôt forte, elle a même, la coquine, des gémissements de basson, oui, elle fait de la "musique", tandis que le vent du large a des époumonnements de soufflet de forge. Brise et vent chagrinent les femmes qui ont le mollet en barreau de grille et, indifféremment, inquiètent toutes celles qui, par gros temps, excursionnent vers Sainte-Barbe, avec des robes qui s'enflent tellement que la crainte nous vient, soudaine, de voir nos compagnes se transformer en montgolfières. Moyen peu banal de gagner les cieux, même quand on n’est pas en état de grâce! Mais si le vent, d'une indiscrétion déplorable, j'en conviens, enlève aux femmes, oublieuses de se chapeauter solidement, tout ce qu'elles veulent bien perdre, en fait de coiffures, par les rochers et les falaises, la mer, en revanche, nous prodigue ses faveurs — je pourrais dire : fureurs — en des manifestations superbes. De la terrasse du Casino où, la plume courante, je griffonne ces notes de voyage, je la vois battre les digues, entre le fort de Socoa et la pointe de Sainte-Barbe, et dessiner sur l'indigo de l'horizon des gerbes de lait, de mousseux et pittoresques panaches. Comme les jolies femmes, la mer sait avoir ses crises, et, capricieuse aussi comme elles, elle sait pleurer à point et se lamenter de même. Cependant, nous allons pouvoir nous sécher : le soleil allume sa lampe.
FORT DE SOCOA 1899 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je recommande aux amateurs de plein air, aux adeptes du sport, aux amants de la nature, un bout de villégiature dans ce pays où Mignon aurait dû vivre, bien que l'oranger n'y fleurisse pas en toute saison. On y est plus hospitalier que chez les vrais naturels d'Ecosse! L'étranger est accueilli comme s'il sortait de faire naufrage; l'étrille, la rude étrille des grands trous très chers y est inconnue, et on ne prélève sur votre bourse que le strict nécessaire, de façon, simplement, à ce que ceux qui vous hébergent se mettent du pain sur la planche, pour l’hiver, quand le baigneur demeure devant ses chenets et que le touriste ne donne guère. Quoi de plus juste? Je le crie : les indigènes ont la franchise de l'ail et la pureté de leurs intentions est de cristal de roche — constatation flatteuse qui peut me valoir une ovation. Oh! je suis modeste. Aussi vais-je ne plus oser sortir, malgré les beaux jours qui se lèvent.
CIBOURE ET ST JEAN DE LUZ 1899 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les pédestrians, les cyclistes ont des routes bien entretenues à parcourir à coups de talon ou de pédales. Elles ont leurs côtes un peu rudes, ces routes, mais le poète l'a écrit et, après lui, je le réédite avec une modification de circonstance:
A monter sans péril, on redescend sans gloire.
Puis, — faut-il s'en plaindre? — ce sont précisément les accidents de terrain qui font les vallons plantureux et les robustes montagnes, et le plaisir des yeux vaut les efforts de jarrets des marcheurs et des bicyclistes. Les exercices physiques, les jeux de plein air sont, d'ailleurs, fort en honneur au pays basque et se manifestent sous toutes leurs formes, sans parler du trinquet et de la pelote, dont tout indigène suce les premiers principes au biberon ou à la mamelle. Partout, on voit poindre des bicyclettes qu'animent de très jolies filles, des tricycles avec ou sans pétiole, des automobiles, des ânes trapus — sans allusion désobligeante — entraînés comme s'ils devaient figurer dans un prochain Grand-Prix; de beaux équipages de mulets empanachés, l'allure vive sous le joyeux carillon des grelotières; des victorias et des landaus ornés de postillons comme on n'en voit point à l'Opéra-Comique. A la plage, de petits vapeurs embarquent pour une heure de vie sur l'eau, sans danger, vers Socoa et Sainte-Barbe. Même, Saint-Jean-de-Luz s'offre, chaque année, le luxe de régates qui pourraient intéresser les amateurs de sport nautique si les engagements étaient plus nombreux. Toutefois, j'aime à noter la course des barques de pèche qui, dans le lointain, toutes voiles déployées, rasaient l'eau, pareilles à de grands oiseaux fatigués.
SAINT JEAN DE LUZ 1895 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais, de tous les plein-airistes, le chasseur est le mieux partagé, peut-être — le chasseur, qui, à marée basse, au long des côtes ou en bateau sur la Nivelle, trouve facilement à faire le coup de feu sur de jolis oiseaux. En dehors de gibier d'eau ou de passage, la contrée n'est sans doute pas très fournie en lièvres et en perdreaux. Mais il y a les palombes dont la chasse va commencer incessamment. A l'heure actuelle, on organise, on répare les palombières, et les Nemrods en déplacement par ici seraient certainement assurés d’un bon accueil auprès des groupes de chasseurs propriétaires de ces postes, entretenus à frais communs, et où par centaines, par milliers, les palombes succombent, pendant les bonnes années.
REPARTITION PALOMBES SARE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Non plus, le pêcheur n'est pas à plaindre dans ces parages où une grande variété de poissons se prennent à la ligne ou au filet. Je sais, en effet, un sportsman qui, depuis plusieurs années, vient faire une saison à Saint-Jean-de-l.uz, uniquement pour se livrer à la chasse aux oiseaux d'eau et à la pêche. Il rentre fort bien avec un demi-cent de bécasseaux ou du poisson plein une barque. Saint-Hubert et Saint-Pierre — il mourra dans l'impénitence finale — ne comptent pas de plus fervents, de plus adroits disciples. Cet heureux homme qui n'est autre que le gendre de Mme Taron, la très aimable directrice du Nouveau Casino, a le pied d'un loup de mer et l'œil d'un Apache. Il a dû naître en plein Océan ou dans les prairies sans limites...
SAINT JEAN DE LUZ VU DE CIBOURE 1899 PAYS BASQUE D'ANTAN |
La mer d'un côté, les montagnes de l'autre, on "boit" de l'air, presque dosé à sa convenance, on se "requinque", dans une paix salutaire, point décevante, nullement monotone. N'a-t-on pas sous la main presque — sous les pieds plutôt — d'agréables promenades, des excursions ravissantes? Voici Ciboure et la pointe de Socoa, avec ses falaises sur lesquelles la mer jette ses plaintes; c'est Sainte-Barbe, puis les rochers d'Erromardi; Guethary et Bidard; c'est aussi Urrugne, avec sa ligne de montagnes que dominent fièrement les Trois-Couronnes, du côté de Béobie; plus près, voici encore la Rhune à escalader pour ceux qui ont la cuisse montagnarde; enfin, l'Espagne est là, toute proche; devant Hendaye, Fontarabie que j'ai eu la chance de voir baignée de soleil, en un jour de procession quasi-carnavalesque. Ce n'est point niable : tra las montes, on a la piété bruyante et la dévotion vraiment joyeuse!
ASCENSION DE LA RHUNE ASCAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
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