LA REINE RÉGENTE DOÑA CHRISTINE EN GUIPUSCOA EN 1887.
Marie Christine de Habsbourg-Lorraine, fille de l'archiduc Ferdinand-Charles d'Autriche, est née le 21 juillet 1858 et meurt en 1929 à Madrid.
DONA CRISTINA REGENTE D'ESPAGNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Elle épousa Alphonse XII, et eut deux filles et un fils, le futur Alphonse XIII.
Elle assura d'abord la régence du trône d'Espagne d'abord pour sa fille aînée Marie-Mercedes,
de 1885 à 1886, puis pour son fils de 1886 à 1902.
Voici ce que rapporta sur ce voyage en Guipuscoa, le journal Le Temps, dans son édition du 7
septembre 1887 :
"Lettres d'Espagne.
Saint-Sébastien, 2 septembre 1887.
Doña Christine dans le pays basque.— Attitude des populations libérales et carlistes. — Excursions intéressantes.
La reine régente s’applique sincèrement à gagner les sympathies des populations basques et ne prend guère de repos depuis son arrivée dans le pays. Elle réserve ses matinées pour le bain qu’elle prend chaque jour et par tout temps. Les dimanches, elle se montre sur la plage de grand matin, et va en suite entendre la grand’messe à Sainte-Marie, où les autorités la reçoivent sous un dais, à la porte, avec le clergé et les enfants de chœur.
Doña Christine consacre ses après-midi à des excursions dans les petites villes qui se sont le plus distinguées dans la dernière guerre civile par leur dévouement à la cause libérale. C’est ainsi qu’elle a passé deux heures à Hernani, gros bourg de quinze cents âmes, qui se défendit deux ans contre les carlistes et qui eut à subir un bombardement durant lequel les batteries ennemies lancèrent plus de 5 000 projectiles dans la courageuse petite place. On voit encore dans la maison de ville en ruines les traces d’un obus, et la vieille église porte, elle aussi, des cicatrices, vestiges de la guerre civile. C’est dans l’église d’Hernani que reposent, à gauche du maître-autel, les restes du chevalier basque Jehan de Urbieta, qui fit prisonnier le roi François 1er à la bataille de Pavie. Une inscription gravée dans la pierre, invite les fidèles à saluer le tombeau de ce Basque, à qui Charles-Quint accorda des lettres de noblesse. Les vieilles chroniques locales disent que le sire de Urbieta protégea si efficacement la vie de son prisonnier contre les reîtres allemands qui voulaient le tuer, que François 1er lui promit et lui accorda la liberté de son seigneur, Hugues de Moncade. L’église de Hernani est, comme toutes celles de ce pays, un édifice massif ; les murs épais et sa lourde architecture rappellent une forteresse et elle n’offre rien de remarquable que les ornements de ses autels. Au-dessus de Hernani s’élève le fort de Santa-Barbara, qui domine les approches de la place, avant-garde de Saint-Sébastien.
La reine a fait une excursion à Passages, dont le vaste bassin va être transformé en port de refuge par une compagnie franco-basque qui projette de consacrer près de treize millions à ce travail.
L’idée de créer un port à Passages date du règne de Charles III ; le plus libéral et le plus intelligent des Bourbons passés, auquel l’Espagne doit quelques-uns de ses plus beaux monuments et de ses plus utiles édifices publics. Napoléon 1er avait aussi jeté les yeux sur Passages, dont la situation exceptionnelle l’avait frappé, et il avait compris le parti que l’on pouvait tirer d’un mouillage et d’un port complètement abrité par les montagnes contre les tempêtes du golfe de Biscaye. Dans les douze ans écoulés depuis la fin de la dernière guerre civile, Passages a pris une importance considérable. Un faubourg entier a été construit près de la voie ferrée. Sur le bord du bassin, à proximité du chemin de fer, on a bâti des magasins, des chais, des ateliers, des caves où règne une activité extraordinaire. La Compagnie du Nord-Espagne a dû tripler le nombre des hangars et autres bâtiments de la station, parce que chaque année le mouvement commercial augmente. Passages est devenu un port presque aussi important que Bilbao pour l’exportation des vins de la Navarre, de l’Aragon, de la Rioja et de la vallée de l’Ebre. Je me suis laissé dire que dans les chais de Passages on emploie plusieurs centaines de milliers de litres d’alcool allemand pour préparer les vins du nord de l’Espagne à supporter le transport par mer aux marchés étrangers. Passages gagnera encore en importance quand on aura complété plusieurs chemins de fer miniers et des lignes locales, qui permettront d’apporter les minerais de l’intérieur au nouveau port. Déjà les vapeurs anglais, français et belges sont souvent forcés d’attendre leur tour pour s’aligner le long des quais trop étroits où ils chargent leur cargaison. Le port de Passages est appelé à jouer vis-à-vis de Saint-Sébastien le rôle que Saint-Nazaire occupe par rapport à Nantes, car la baie et le petit port de Saint-Sébastien n’offrent un mouillage qu’à des bâtiments de huit cents tonneaux et de faible tirant d’eau.
PORT DE PASAJES GUIPUSCOA 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
La dernière expédition de la reine a été pour les rives de la Bidassoa. Accompagnée de ses ministres, MM. Sagasta et Alonso Martinez, et de sa fille aînée, la princesse des Asturies, dona Christine a traversé en voiture les jolies vallées boisées qui s’étendent de Passages au col de Garnuchisqueta, d’où l’on découvre la vallée de la Bidassoa et, au loin, la rive française, avec les maisons blanches, les vergers, les champs soigneusement cultivés d’Hendaye. La souveraine a été fort bien accueillie à Irun, et les autorités, comme dans toutes les localités sur son passage, se sont multipliées pour donner de l’éclat à la réception. La population a montré moins d’enthousiasme ; il faut savoir qu’Irun compte pas mal de républicains. Cette ville, comme Hernani, résista avec succès à don Carlos et eut à supporter un siège et un bombardement en 1874. On a effacé sur ses édifices et ses maisons les traces des obus carlistes, et la petite forteresse a prospéré depuis douze ans. La douane d’Irun est une des plus importantes d’Espagne, car c’est le point de sortie de la majeure partie des exportations et des importations par terre. On peut juger de sa prospérité par l’extension qu’ont pris ses faubourgs, ses fabriques, ses rues, éclairées avec la lumière électrique, les villas coquettes qui bordent la route de la gare et les maisons de campagne des alentours, où jadis on osait à peine s’aventurer la nuit de peur de rencontrer les rôdeurs carlistes. Dona Christine s’est rendue d’Irun à Fontarabie par la Bidassoa ; la foule se pressait sur les deux rives pour la voir passer. Laissant à sa droite la maison de jeux prohibés de Fontarabie, doña Christine est entrée dans la veille ville par la porte des anciennes fortifications et a pris la grande rue, bordée de vieilles maisons du quinzième siècle, aux balcons en fer, aux toits en saillie, aux larges portes surmontées d’écussons en pierre, où l’on retrouve encore le sanglier et l’arbre de Guernica des blasons euskariens. Fontarabie rappelle la vieille Espagne, comme Irun symbolise l’Espagne moderne ; les habitants se sont montrés assez froids dans leur accueil. Fontarabie est une ville très fière des sièges qu’elle eut à subir contre les armées de François 1er, de Louis XIV et de la Révolution. Le vieux château de Jeanne la Folle et les lourdes fortifications de Fontarabie portent encore, dans leurs pans de murs à demi démolis, dans leurs brèches béantes dont le lierre et les ronces ont tapissé les bords, les traces des luttes séculaires.
Aujourd’hui ce n’est plus qu’une ville de pêcheurs, et, chaque matin, une flottille de plus de 150 barques, montées par de hardis marins, se lance à la pêche de la sardine au delà du cap Séguier. Dona Christine n’a pas eu le loisir de se rendre à l’ermitage de Notre-Dame-de-Guadalupe, un des pèlerinages chers aux marins et aux paysans carlistes, pittoresquement situé sur les dernières croupes du mont Jaizquibel, au-dessus de l’entrée de la Bidassoa. On dit même, dans le pays, que c’est au-dessus de la vierge de la Guadalupe que le génie militaire projette d’élever un fort avancé, destiné à compléter le système des défenses de la frontière, dont le principal ouvrage, le fort de San Marcos, domine toutes les routes menant vers Saint-Sébastien et dans l’intérieur du Guipuzcoa.
Avant de quitter Fontarabie, la reine et sa suite ont pris leur collation à l’espagnole, le chocolat et les bizcochos d’usage, au couvent des Capucins, sur la route d’Irun à Fontarabie. Les pères capucins firent à la reine et à tous ses ministres les honneurs de leur maison et ils racontèrent à dona Christine qu’ils venaient d’envoyer douze moines aux îles Palaos et à l’archipel des Carolines.
Les capucins veulent entreprendre la conversion des indigènes de ces colonies lointaines, sans se dissimuler qu’ils trouveront de redoutables concurrents dans les missions protestantes américaines de Boston, qui ont créé depuis vingt-cinq ans des établissements importants dans les principales îles de l'archipel des Carolines. Les ordres religieux ont été dans l’extrême Orient, et surtout dans les îles Philippines, un des plus importants instruments de la colonisation espagnole. Il y a, paraît-il, bien des îles où les missions furent établies et devinrent prospères longtemps avant que les autorités espagnoles eussent même songé à y créer des postes ou des comptoirs. Les capucins, les augustins et les jésuites sont les trois corporations les plus puissantes dans les possessions espagnoles de l’extrême Orient.
SAINT IGNACE DE LOYOLA TOLOSA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire