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mercredi 2 mai 2018

LA VILLA IDUSKIAN À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AVRIL 1924 (première partie)


UN "BUNGALOW MODÈLE" EN PAYS BASQUE EN 1924.


Dans les années 1920, les architectes tentent d'introduire au Pays Basque de nouveaux modèles de maison.





pays basque autrefois
MOLERESSENIA SAINT JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que raconta La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du 

3 avril 1924, sous la plume d'Henri Godbarge :


"Iduskian" à Saint-Jean-de-Luz.


Sous le titre qu'on vient de lire, notre excellent collaborateur H. Godbarge — qui est "orfèvre" en la matière — vient de publier dans l'Illustration un très intéressant article sur un "Bungalow", qui est en effet un modèle. Nous voulons parler d'"Iduzkian" qui s'élève à Saint-Jean-de-Luz. Nous l'empruntons à notre grand confrère illustré, qui accompagne cet article de remarquables reproductions de photographies et de délicieuses compositions colorées de M. Pierre Labrouche, l'excellent peintre des paysages basques : 


Nos campagnes, nos plages ont connu la vogue de la villa dite italienne, du cottage anglais, du manoir breton, de la maison normande aux grands toits de tuile plates. Voici que commencent à apparaître, par endroits, quelques modestes et rustiques habitations qui surprennent par leur nouveauté. Elles sont assises sur de solides soubassements et de volumineuses toitures les coiffent. D’où viennent-elles ? Elles semblent déjà acclimatées et pourtant on leur reconnaît un certain air d'exotisme. Un examen attentif découvre, en effet, leur parenté avec ces constructions étrangères dénommées "Bungalows". En Angleterre, en Amérique, le Bungalow est le type de l'habitation de campagne. Là où le terrain est vaste et ne coûte rien, la maison peut prendre ses aises et elle s’étale. Aussi est-elle généralement formée d’un simple rez-de-chaussée quelquefois à ras de terre, souvent élevé sur un piédestal maçonné. Son toit s’avançant en visière l’abrite du soleil et de la pluie. 



Le Bungalow n'est pas originaire de l'Amérique, comme on est porté à le croire. Il est copié sur certains baraquements rustiques, primitifs, en usage aux Indes, dans la province de Bengale d’où son nom. Ce sont des abris placés de loin en loin au bord des routes du gouvernement anglais. Larges et bas, ils sont formés d'un rez-de-chaussée ouvert sur des porches spacieux, des terrasses, ces galeries facilitant la circulation et protégées par de grands toits, très inclinés, contre la lumière et la chaleur d’un ciel de pays chaud. De quoi sont-ils faits ? De matériaux pris sur place. La base est formée de cailloux extraits des carrières voisines. La forêt la plus proche fournit les bois, grosses poutres à peine équarries qui constituent l'ossature générale et entre lesquelles il n’y a qu’un simple remplissage de briques, de terre battue ou de mortier pilonné. La toiture ? De grosses planches qui se recouvrent parfois d'un chaume épais. 



saint jean de luz autrefois
BUNGALOW
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les Américains se sont inspirés de ce type d'habitation particulièrement dans les contrées les plus chaudes. Ils usent de plusieurs formules, suivant leurs besoins et leurs capitaux. Le plan le plus généralement adopté, le plus simple, se compose d'un Living-Room (pièce commune) et de chambres qui se succèdent, donnant sur les galeries. L'autre modèle, qui présente un grand progrès dans le confort, est formé d’un ensemble de quatre corps de bâtiments, soudés les uns aux autres, autour d'un atrium ou patio. Cette cour intérieure, entourée de portiques, très fraîche, et rafraîchie encore par une fontaine, décorée de motifs de plantes et de fleurs, permet les longues flâneries, les siestes reposantes. A l’intérieur, le sens pratique des Américains se révèlent dans les  moindres détails, dans la recherche de menuiseries solides et bien comprises, dans le souci de ménager des placards, des armoires, de disposer partout des sièges confortables. Le décor est composé d'une sorte de pêle-mêle pittoresque, ménageant de nombreux décrochements qui amusent le regard et réservent autant de coins d'intimité. Dans ce plan, nulle idée de sacrifier à la réception mondaine, à la parade. C'est une demeure de repos, où tout est compris pour le délassement, le bien-être, l'oubli de la vie des affaires. Par contre, y trouve-t-on cette préoccupation d'art, tout ce soin de l'harmonie dans les détails qui hante les races vieillies, affinées par des siècles de civilisation ? Certes non. Il faut toutefois convenir que quelques essais récents dénotent chez les constructeurs d'outre-mer une éducation artistique qui modifie un peu leur conception du home, un effort pour s'assimiler nos goûts raffinés.




saint jean de luz avant
BUNGALOW
PAYS BASQUE D'ANTAN

Récemment, des architectes français, très avertis sur le mouvement architectural des dernières années, épris de recherches originales, partisans d'une rénovation de formules qui ont fait leur temps, se sont appliqués à concilier ces deux tendances : le sens des choses pratiques, les vues larges pour organiser la vie intime, le confort, qualités qui appartiennent en propre aux races anglo-saxonnes, et cette recherche de l'élégance poussée parfois jusqu'à la préciosité qui caractérise les artistes français. Ils aspirent, selon le vers d'Horace, à recueillir l'unanime approbation et remporter tous les suffrages, en mêlant l'utile à l'agréable... qui miscuit utile dulci.



Un des meilleurs exemples de ces essais français est fourni par le bungalow "Iduskian", de M. et Mme Pierre Lafitte, à Saint-Jean-de-Luz.



Dans un vaste parc, aux accidents de terrain naturels, habilement mis en valeur par des allées fleuries, aux courbes gracieuses, ombragé par de grands pins sombres et dominateurs, des lignes architecturales révèlent, de-ci, de-là, la main de l'homme. La nature, assujettie, mais sans mutilation, est parée de toutes les grâces d'une civilisation savante de l'enrichissement de tout un passé de traditions. Tantôt les allées serpentent accidentées, souples, à travers le vert gazon, à l'image de jolis jardins anglais ; tantôt elles s'aplanissent et deviennent rectilignes sur des plates-formes étendues, selon les meilleurs modèles français légués par le dix-huitième siècle. A priori, nulle conception niveleuse, donc, nul bouleversement de terrain, mais, surtout et partout, une intelligente, une habile adaptation à la nature. De loin en loin, aux endroits choisis, des plantations, des fleurs qui forment de successives compositions florales. Puis, des greens de golf aux tapis de billard. Plus loin, des rocailles, des escaliers rustiques, des piliers, semblables à des premiers-plans d'eau-forte. Dans un coin de ce paradou estival, dans un enclos, sorte d'oasis de plantes et de fleurs, une roseraie présente, à travers les déchirures du feuillage, ses lignes architecturales avec sa gamme mesurée de motifs : pergola blanche et verte, miroirs d'eau aux briques roses, escalier de roc dur, dalles schisteuses, buis en boules, cyprès taillés... Puis, comme couronnement de ce vaste ensemble, dans le point central de la composition, émerge au-dessus d'une ample collerette de plantes et de massifs fleuris, le Bungalow, aux lignes étendues, larges, aux coiffes pittoresques, où les toits plats de tuiles romaines alternent avec les lucarnes.




Il est si bien enchâssé dans ces frondaisons, si bien appuyé sur ce fond de vieux arbres, qu'il paraît être un des principaux motifs de cette sorte de symphonie, à la fois architecturale et agreste. Des plans inclinés de gazon, des escaliers mousseux y conduisent. Les murs blancs sont protégés des trop chauds rayons caniculaires par des treilles et des pergolas enrubannées de vignes vierges et de glycines, ou bien tapissés de lierres, ce qui donne l’impression d’une union intime, indissoluble, indestructible entre l’œuvre si bien adaptée au cadre et la nature éternellement féconde, éternellement belle. 




Il a été bâti, ce Bungalow, selon l’un des types adoptés en Californie. Mais avec quelles transformations pour s'adopter au goût d’un artiste ! Même conception, simple et pratique, même bâtiment bas, tassé, robuste. A l’intérieur, le patio rectangulaire habituel mais formant une cour dallée de charmantes proportions, autour de laquelle rayonnent les chambres et les pièces de réception ; au milieu de cet atrium moderne si paisible et si frais, un miroir d'eau, aux disques de nénuphars enchâssé dans un motif gazonné. Aux piliers de la galerie s’enroulent les rosiers grimpants, les lianes des pampres qui enlèvent de la sécheresse aux lignes de bois équarris et reposent l’œil sur des taches de couleur. Les fleurs sont la grande parure de cette architecture. Ici c'est l'ombre, douce, égale, la fraîcheur prête à entrer dans les chambres dès qu'on ouvre les portes. On imagine la promenade à pas lents, dans le silence, comme dans une galerie de cloître, mais un cloître où tout sourit à la vue, invite à la joie de vivre. Extérieurement, au contraire, la maison s’offre au soleil, au grand soleil de ces contrées lumineuses. Des pergolas protègent les perrons, tamisent les chauds rayons sans les arrêter, permettant les déjeuners à mi-ombre, les siestes, les longues causeries dans la brise qui vient de la montagne et agit doucement les fleurs et les parfums. A l’automne, on se chauffe sur les dalles. Partout des coins accueillants, là préparés pour la solitude ou pour l'accueil des amis, là cachés, là ouverts sur le grand horizon, avec des trouées dans la verdure pour apercevoir l'océan ou la montagne. Demeure d'été, demeure de repos, retraite de méditation faite pour  le calme de l’esprit et la détente des nerfs, elle a subi toutes les modifications d’aménagement pratique et de décoration réclamées par la vie studieuse, mondaine et sportive du propriétaire, grand travailleur et amateur d’art. 



Il n’est pas d’élément nécessaire à la construction qui n’ait été marqué du souci attentif et scrupuleux de la forme. Les ingéniosités de détails ont, à la fois, leur utilité et un but décoratif. Elles concourent à l’effet d'ensemble, fait de diversité et d’unité. Il en était ainsi, autrefois, dans les œuvres de la Renaissance créées par des artistes qui, sans théories, sans plans préconçus, procédaient par adjonctions successives, par motifs s'ajoutant à d'autres motifs, tous modelés, épurés, avec un égal amour. Terminée, l’œuvre, cette œuvre de fantaisie et de recherches libres, avait une physionomie de haute élégance et parfois de souveraine préciosité. 



Le Bungalow de M. Pierre Lafitte, malgré l'inspiration exotique, présente tous les caractères d’une œuvre bien française. Il s’y trouve là, à la fois, le confortable, la mesure, l’aisance, l’élégance. Plan pratique et simple. Façades gaies et harmonieuses. La formule est curieuse, elle a plu. Elle vivra."



A suivre...










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