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mardi 24 juin 2025

UNE CORRIDA À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1857 (deuxième partie)

UNE CORRIDA À BAYONNE EN 1857.


Dès le 21 août 1853, a lieu, au Quartier Saint-Esprit de Bayonne, la première corrida "à l'espagnole", jamais organisée en France.



pays basque autrefois corrida labourd tauromachie
CORRIDA BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Presse, le 7 septembre 1857, sous la plume de 

Frédéric Thomas, Avocat à la Cour Impériale :



"Courrier du Palais. XXI.



... Vous connaissez la scène, passons maintenant aux acteurs.



Julian Casas, dit El Salamanquino, compte parmi les 3 ou 4 espadas les plus renommés de la Péninsule. Il est né en 1818, près de Salamanque, d'où lui est venu son sobriquet ; il a même commencé par être un bachelier de Salamanque, car sa famille le destinait à la médecine. Mais le jeune homme, emporté par sa vocation, fréquentait plus les toreros que les docteurs ; il fallut agir de rigueur pour le ramener, et on usa même de la prison comme correction disciplinaire. Julian courba la tête et rongea son frein ; mais sa mère étant morte du choléra en 1835, il se livra sans empêchement à sa passion pour la tauromachie. Il fit ses premières armes sous des toreros célèbres, tels que El Fraile, Cucharès et Montès, dans plusieurs cirques de province ; il fut admis comme secundo spada à Madrid, puis proclamé, en 1848, comme primer spada. C'est depuis lors qu'il est chef de cuadrilla et parcourt la province pour son compte.



TORERO EL SALAMANQUINO



El Salamanquino doit à sa naissance et à ses premières occupations un air plein de distinction et d'aisance. C'est le torero qui convenait le mieux à un public français. Gracieux et bien pris dans sa taille, sa figure a cette physionomie spirituellement naïve et cet air à la fois sympathique et éveillé qu'on aimait chez Vernet dans sa jeunesse.



Dans la cuadrilla qui l'accompagne, nous avons remarqué un picador de bonne mine et de haute stature, Mariono Cortez. C'est un vrai centaure. Cloué sur la selle arabe de son cheval et serrant sa pique d'une main herculéenne, il attend le taureau de pied ferme. Puis, au moment de la rencontre, il exécute une passe qu'on nomme picar sin perder terreno. Se levant sur ses étriers et appliquant sa lance de tout le poids de son corps, il écarte l'animal en le faisant passer sous le poitrail du cheval, qu'il tient immobile. Il est arrivé à Mariano Cortez de fournir toute une course avec le même cheval, sans que les cornes du taureau eussent atteint sa monture. Mariano exécute toutes ces passes avec un aplomb, un sang-froid et une belle humeur qui sont la grâce de cette force. Il montre une placidité souriante qui exclut toute idée d'effort et de péril. Il a cette allure solide et cette figure réjouie qui s'épanouissent dans la vignette du journal le Figaro.




PICADOR MARIANO CORTEZ NARANJERO


Enfin, parmi les banderilleros, il est impossible de ne pas distinguer un tout jeune homme, au jarret d'acier, à la main leste, au regard de feu, qui papillonne autour du taureau, l'agace, le provoque, le franchit, l'évite avec une légèreté étourdissante. C'est Francisco Ortega, dit El Cuco.



BANDERILLERO FRANCISCO ORTEGA EL CUCO



L'alguazil à cheval a reçu la clé du toril des mains du président de la course, la cuadrilla a défilé dans le cirque, puis chaque torero est allé prendre son poste pour le combat.



Une fanfare résonne. C'est un signal. A ce signal, la porte du toril s'ouvre, et le premier taureau, excité par l'aiguillon des vaqueros, fait son entrée dans l'arène. La porte se referme derrière lui, et le voilà regardant étonné ce cercle immense où il croyait trouver sa liberté, et qui n'est que le champ de bataille de sa mort.



Ses ennemis sont ainsi disposés : un groupe de chulos et banderilleros se tiennent aux aguets, leurs capas sur le bras, près de la barrière, à l'endroit opposé au toril, pour s'envoler dans le couloir de refuge si, dans l'impétuosité du premier choc, le taureau fondait sur eux à l'improviste ; mais à côté du toril et à gauche, deux picadores attendent, immobiles, la lance au poing, sur leurs chevaux, dont les yeux sont bandés au moyen d'un foulard.



C'est le premier acte, la première partie de cette trilogie ou de ce drame qu'on pourrait intituler : la mort du taureau.



Les picadores commencent le combat.



Le taureau est jugé par les toreros et les aficionados sur sa manière d'entrer dans le cirque.



Il y en a qui regardent étonnés autour d'eux et semblent dire : que me veut-on ? Ceux-là parcourent l'arène, cherchant une issue plutôt que des ennemis, et ne songeant à attaquer personne.



D'autres, au contraire, se présentent tout d'une pièce, la tête haute et l'air furieux. Ils s'arrêtent au seuil de l'arène, et, apercevant les picadores, se précipitent sur le premier qu'ils rencontrent.



Des applaudissements et des hourras saluent une telle entrée, car on pronostique sur ce début une grande énergie et une vigoureuse résistance.



Le premier taureau qui parut dans le cirque appartenait à l'espèce des pacifiques ; il laissa les picadores à sa gauche, prit par la droite pour faire le tour du cirque, et, se voyant cerné de toutes parts, revint vers le toril. Les chulos, pour l'exciter, coururent à lui, et, faisant miroiter leurs capes, l'attirèrent au milieu du cirque ; puis, après quelques passes, ils le conduisirent dans la jurisdiccion d'un picador. Pour le coup, voilà un terme de palais, et qui garde sa signification première. Appliqué aux toreros ou aux taureaux, le mot jurisdiccion s'entend de tout l'espace qui se trouve à portée des cornes de l'animal, ou que son adversaire peut atteindre avec la pique, la cape, la muleta ou l'épée.



Ce taureau reçut deux ou trois coups de pique sans trop s'émouvoir, ce qui le fit insulter du nom de cobarde (poltron).



Une nouvelle fanfare retentit. Nous touchions au second acte du combat. Le rôle des picadores était fini ; celui des banderilleros allait commencer.



El Cuco prit deux banderillas : ce sont des espèces de quenouilles, faites de papier de couleur frisé par des découpures. Chaque quenouille peut avoir un mètre de longueur, et le bâton qu'elle recouvre se termine par un dard en forme de flèche ou d'hameçon ; c'est par ce côté qu'on les plante dans la peau du taureau, dont il est ensuite impossible de les détacher sans faire une entaille dans l'épiderme en les arrachant. El Cuco alla se poster à visage découvert bien en face de l'animal, à une dizaine de pas de distance. Il montrait au taureau les banderillas, en les tendant de toute la longueur de ses deux bras, dans l'attitude d'un homme qui voudrait à la fois diriger deux pistolets vers le même but.



Le taureau, qui avait eu jusque-là à combattre un homme à cheval et armé d'une pique, se voyant provoqué par un bambin à pied, n'hésita pas à accepter ce ridicule défi. Il s'élança vers son ennemi, mais au moment de la rencontre, et pendant que l'animal furieux baissait la tête pour donner le coup de cornes, le banderillero tendit les bras en avant, fit une gambade de côté, et dans ce mouvement il appliqua les deux quenouilles entre la nuque et les épaules du taureau, et cela avec tant de symétrie qu'il n'aurait pas mieux fait si le taureau eût été de carton.



On applaudit à outrance ; et on appliqua trois paires de banderillas au taureau. Après quoi, un troisième coup de trompette donna le signal du troisième et dernier acte du combat.



C'est ici que paraît le Espada. C'est un duel à mort entre l'animal et l'homme ; et l'homme se présente dans l'arène, seul, ayant à la main droite une épée dont il n'a le droit de se servir que de certaine manière et à certaines conditions, et à la main gauche une muleta, sorte d'étoffe rouge qu'il agite pour éblouir et occuper le taureau pendant que le matador cherche à porter l'estocade."



A suivre...


(Source : La fête interdite, de Manuel Hernández.)







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