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lundi 14 mai 2018

LES FORGES ET FONDERIES DE LA VALLÉE DE BAÏGORRY EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE AUTREFOIS


LES FORGES ET FONDERIES DE LA VALLÉE DE BAÏGORRY.


La vallée de Baïgorry possède des mines de fer sphatique, et une mine de cuivre dont l'exploitation remonte à une haute antiquité.

baigorry avant
MINES DE BAÏGORRY
PAYS BASQUE D'ANTAN


On y a trouvé d'ailleurs quelques médailles sur lesquelles on a lu les noms des 

triumvirs Octave, Antoine et Lépide.



Voici ce que rapporta La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition 

du 26 mai 1932 :

"L’Industrie autrefois au Pays Basque.


Les forges et fonderies de la Vallée de Baïgorry.


"Ne négligeons ni le commerce ni l’industrie dans le bassin de l’Adour!... " Ces paroles ont eu un écho, l'autre jour encore, au sein du Conseil municipal de Bayonne. 


Ce n'est pas nous qui contredirons à ce qu’elles enclosent de sagesse. Les intérêts touristiques de la région et du Pays Basque, se placent certainement au premier plan de nos préoccupations, mais combien de fois la "Gazette", tout en constatant que le développement touristique s'impose aussi bien à Bayonne qu’à la Côte, n’a-t-elle pas plaidé en faveur de celui du commerce et de l'industrie. Combien de fois n'a-t-elle pas appuyé les vœux formulés en vue de la création de nouvelles voies ferrées, de nouvelles routes et en vue de l’établissement de nouvelles entreprises? 



baigorry autrefois
MINES DE BAÏGORRY
PAYS BASQUE D'ANTAN

On s’y intéresse à nouveau aujourd'hui, et l’on a bien raison. La situation économique, précisément par ce qu’elle semble s’opposer, pour un temps, à de pareilles entreprises, ne les appelle-t-elle pas, au contraire, dans la mesure des possibilités, pour sortir du marasme où nous sommes. 



Bayonne et le Pays Basque ont connu au point de vue industriel, des périodes prospères et des entreprises hardies. 



La richesse du sol de notre région, au point de vue minéralogique et métallurgique, s’y prêtait. Il y a peu de temps, nous rappelions d'après une étude très complète, que Bayonne battit monnaie dans le passé et que si elle avait été autorisée à le faire, c’est qu'on y exploitait des mines d’argent. 



Voici que dans un nouvel article publié dans le dernier numéro de "Gure Herria" (mars-avril 1932), M. Cuzacq parle des "Forges et fonderies de la vallée de Baïgorry à la veille de la Révolution." 



saint etienne de baigorry avant
MINES DE BAÏGORRY
PAYS BASQUE D'ANTAN

Nous nous en voudrions d’enlever aux lecteurs le plaisir de lire en son entier l'étude que publie à ce sujet "Gure Herria", à côté de plusieurs autres chroniques très intéressantes. Nous croyons pouvoir, néanmoins, en parler, pour rappeler ces temps héroïques, si l'on peut ainsi dire, de l'industrie minière dans le pays. 



C'est sur la rive de la Nive, non loin de la forge d’Echaux, que s’allongeait, sur une étendue de près d’un kilomètre, la Fonderie de Baïgorry, avec ses dépôts de minerais ou galeries, lavoirs, fonderies, forges, bocards pour l’utilisation des scories. Les établissements traitaient surtout le cuivre, sous la direction de M. de la Chabeaussière. Celui-ci a laissé une intéressante description de cette exploitation, qui fut également l’objet d'études écrites par M. Hellot, chimiste réputé de l’Académie des Sciences et par M. Meurin de Châteauneuf, "ancien concessionnaire des mines de la Basse-Navarre". 



La concession royale fut accordée en 1728 à M. Beugnière de l.a Tour : elle semble marquer à ses yeux la "reprise des travaux des Anciens". 



Au dix-huitième siècle, l’on note encore un arrêt de concession daté de 1756, attribuant pour vingt ans à M. de Latour et dans un rayon de trois lieues, l’exploitation de tous les minerais du pays, l’or excepté. Par contrat passé avec le notaire Mirande à Lisparat, M. de Latour acheta pour 4 000 livres, à Gabriel de Casedevant, la maison noble de Châteauneuf, sise dans la vallée de St-Etienne-de-Baïgorry, qui lui donnait droit d’entrée aux Etats de Basse-Navarre.



Cette concession fut renouvelée le 26 octobre 1776 à M. de Meuron que nous saisissons, dès 1763, en train de "s’intéresser aux mines". 



Et voici maintenant la description que nous en fait M. Cuzacq, dans son étude. 



C’est aux environs même de Saint-Antienne, des deux côtés de la rivière, dans un endroit décrit avec minutie par Diétrich sur une belle carte détaillée, que se trouvaient les filons où s’alimentait la Fonderie. A l’Ouest, en venant du village, on trouvait les mines de Phillipsbourg; puis, en remontant la Nive, celles de Sainte-Elisabeth, Saint-Louis, Aoust, Saint-Antoine; l’on arrivait alors aux filons essentiels de Sainte-Marie, Berg-op-Zoom, des Trois-Rois et de Sainte-Marthe; de là, l’on gagnait finalement la mine de Saint-Michel. Saluons au passage ces noms curieux de gîtes métallifères dont certains portent des noms de victoires.


saint etienne de baigorry autrefois
MINES DE BAÏGORRY
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Le gîte de Phillipsbourg comprenait un amas de veines puissantes de pyrites, affleurant au jour; on y creusa diverses galeries et traverses qui furent vite abandonnées; il y avait lieu d'ailleurs de les reprendre. 



A 280 mètres, sur la rive droite de la Nive, Sainte-Elisabeth avait donné argent et cuivre; on épuisait l'eau avec une machine hydraulique; mais il n’y avait plus d’espoir et l’essentiel était de ne pas laisser perdre la machine. A 80 mètres, en remontant, sur la rive gauche de la Nive, Saint-Louis donnait 2 livres et demie de cuivre par quintal de minerai, et 4 à 5 onces d'argent par quintal de cuivre. Les filons avaient jusqu’à 1 m. 20 d’épaisseur. L’eau de la Nive gênait fort; une machine hydraulique devait tenir à sec les galeries; la profondeur maxima atteinte était de 35 mètres. M. de Diétrich était d'ailleurs assez réservé sur l’avenir de ces travaux. De même, la mine voisine d'Aoust méritait seulement quelques nouvelles recherches, sur la rive droite de la Nive, avec ses galeries anciennes, creusées surtout dans la montagne Astoescoa, au pied de laquelle se trouvaient "toutes les constructions nécessaires". 



Avec Sainte-Marie commençaient les filons essentiels : on les avait suivis ici sur 600 mètres au long de la rive gauche de la Niye. Des traces de très anciennes exploitations étaient visibles. On n’était pas cependant descendu à plus de sept mètres au-dessous de la rivière. Mais Berg-op-Zoom pénétrait très avant dans la montagne schisteuse. Sur la rive droite et la rive gauche de la Nive, Sainte-Marthe et les Trois-Rois donnaient naissance à d’autres gîtes de minerais tels que Saint-Antoine; au total, leurs galeries se développaient sur 800 mètres; vers Sainte-Marthe, il y avait lieu de reprendre les travaux anciens. 



Enfin, au sud-est de la mine des Trois-Rois, Saint-Michel donnait des filons magnifiques, mais tous en surface, "coureurs de gazon" et vite épuisés. C'était en minerai de cuivre que l’ensemble était particulièrement riche. 




Annexées à la carte des filons, deux superbes planches en couleurs nous donnent une vision directe des travaux avec d’importants détails qui s’y rapportent : ici, les eaux gênent ou parfois l'air manque; un grand puits atteint à Saint-Michel 500 pieds ou 80 toises, soit environ 150 mètres. Sainte-Marthe superpose ses galeries; au second plan de certaines d'entre elles, la profondeur est de 30 toises, soit près de 60 mètres, au-dessous du lit de la Nive. Voici, pour l'épuisement des eaux, une grande machine hydraulique, dont la roue a 3 m. 50 de diamètre, pourtant, elle n’épuise les eaux qu’à la profondeur de 60 mètres. Voici encore "le fameux massif de minerai"où un puits de 50 toises ( 100 mètres), refit la fortune délabrée de M. de La Tour (c’était souvent le sort réservé aux maîtres de forges) et donna de grands avantages à M. de Meuron jusqu’en 1763". Apprenons aussi que le travail de deux mineurs avançait de 6 toises par mois, soit 12 mètres, à travers les schistes. 

baigorry avant
MINES DE BAÏGORRY
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Prenons cependant, sans plus tarder, une première impression de l’industrie de Baïgorry au dix-huitième siècle : à défaut de Diétrich en 1784, c’est en effet Palassou qui nous conserve, utilisant lui-même les mémoires de Hellot, de précieux renseignements sur les mines de Baïgorry vers 1756. Le minerai, gris clair ou jaune, était fondu dans un fourneau à manche; on obtenait ainsi la matte, dont 200 quintaux étaient grillés grâce au bois de hêtre dans un fourneau à lunettes; l’opération était répétée quatorze fois en deux mois. Le tout était porté à nouveau à la fonderie : on avait alors du cuivre noir, qui était enfin raffiné dans un fourneau ouvert ordinaire. Faute de plomb dans le voisinage pour la "liquation" l’argent était laissé dans les lingots de cuivre : ceux-ci étaient, "faute de rivière navigable", portés à dos de mulet vers Pau et Toulouse; le quart du bénéfice disparaissait du coup. 


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Le minerai de cuivre donnait, par quintal, 30 livres de cuivre et 2 à 5 marcs d’argent; à Montpellier, une analyse quelque peu différente due à Chaptal donnait par quintal 20 livres de cuivre, 42 d'antimoine, 36 de soufre, 1 livre 2 onces d’argent. 

En 1756, on fondait 430 quintaux de minerai par quinzaine, donnant 392 quintaux de matte, et ceux-ci 90 de cuivre noir. On avait par an 215 200 livres-poids de cuivre pur valant 22 sols la livre. 



saint etienne de baigorry autrefois
MINES DE BAÏGORRY
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On avait dépensé 40 000 bûches et 15 000 charges de charbon à 32 sols la charge. 389 personnes, commis, mineurs, boiseurs, fondeurs, forgerons, raffineurs, charpentiers étaient employés à la forge et coûtaient 112 465 livres par an. 



Ce chiffre de 389 personnes comprend évidemment les tireurs de "mine", c'est-à-dire de minerai : entendons les paysans de la Vallée, qui, de façon intermittente, aux moments de loisir, extrayaient une partie du minerai pour avoir un supplément de ressources. Mais il devait y avoir aussi un nombre relativement considérable de mineurs stables et permanents. L’on voit, en tout cas, quelle était l'importance, considérable pour l’époque, de la Fonderie de Baïgorry. Palassou d’ailleurs note comment les travaux des Anciens, surtout développés en galeries horizontales, ne dépassaient pas 10 mètres de profondeur, alors qu’il avait connaissance de galeries  allant jusqu’à 70 mètres au-dessous du lit de la rivière; deux superbes planches de son ouvrage nous montrent à Astoecaria et à Saint-Louis le quadrillage de ces galeries superposées, les machines hydrauliques, et même la chapelle avec la vue i d’une partie des établissements. Aussi, la conclusion de Palassou n'est-elle point dépourvue d'enthousiasme : "il n’y a point de contrées dans les Pyrénées où la nature ait répandu des métaux plus précieux et plus abondants que dans les montagnes de Baïgorry." 



BAIGORRY AUTREFOIS
MINES DE BAÏGORRY
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La Vallée fournissait le bois nécessaire à l’exploitation. On coupait ce bois à Hayra, qui constituait pour les forges une ressource inestimable. 



A ces renseignements publiés par la revue du Pays Basque, nous pouvons ajouter quelques renseignements inédits. 



Les La Tour et les Meuron qui figurent dans l'article de M. Cuzacq, étaient des protestants de Neufchâtel : le grand-père, M. de la Tour, a été mêlé à toutes les intrigues de la grande politique du dix-huitième siècle, à la vie du duc de Bourbon et de Stanislas Leczinski, roi de Pologne, duc de Lorraine, beau-père de Louis XV. C’est M. de Latour qui ouvrit les mines de Baïgorry, ayant lu que les Romains avaient exploité cette zone. La famille était originaire de Saint-Gall, en Suisse. Il amena avec lui des mineurs saxons. Son gendre, M. de Meuron, se désintéressa des mines; mais il appela près de lui son petit-fils, M. de Meuron de Châteauneuf,  qui lui succéda vers 1760 et passa les affaires de Baïgorry à une Compagnie lorsqu’elles cessèrent d’être florissantes. Tout fut arrêté avec la Révolution de 1789. M. de Meuron s’était occupé aussi des affaires de mines (de charbon, semble-t-il), à Mende (Lozère), qui ne donnèrent aucun résultat. Il advint même à Baïgorry qu’un pasteur protestant fut mandé de Neufchâtel pour célébrer un mariage : son voyage dura trois mois. Les registres de l’état-civil que détient M. Eteheverry-Aïnchart, maire et conseiller général, témoignent encore du passage de ces étrangers dans nos contrées. 



Il est curieux de noter que ces renseignements complémentaires ont été fournis à M. Cuzacq par M. de Meuron, dernier héritier du nom, qui lui fit visite au cours d’un voyage à Biarritz. Ce M. de Meuron est d puté de Neufchâtel, au Conseil des Etats de la République Suisse; aux côtés de M, Favager, il est le pionnier de l’influence française dans le monde de la politique helvétique. 



Notre Pays a, en vérité, des charmes dont l’impression dure à travers les générations."



(Source : http://www.geoforum.fr/)


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