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vendredi 18 mai 2018

LA PÊCHE DANS LE GOLFE DE GASCOGNE EN JUIN 1923


LA PÊCHE DANS LE GOLFE DE GASCOGNE EN 1923.


En 1922, est introduit à Saint-Jean-de-Luz le filet tournant ou bolinche.

saint jean de luz autrefois
PORT ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta Le Figaro, dans son édition du 10 juin 1923, sous la plume de Joseph 

Lacoste :


"La pêche a toujours été pratiquée par les habitants du littoral du golfe de Gascogne. Ils y ont tout d'abord cherché leur alimentation et y ont trouvé par la suite une source de bénéfices. Le commerce du poisson s'est étendu de la plage au bourg, du bourg à la ville voisine et son aire de rayonnement se prolongeant constamment, les procédés de pêche ont dû, peu à peu se modifier.



Longtemps, ce fut au long des côtes que les pêcheurs capturèrent le poisson. Encore aujourd'hui, pendant la belle saison, à Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Guéthary, Biarritz, Capbreton, Mimizan, Biscarosse, Arcachon, des marins propriétaires d'embarcation pêchent au palet, à la senne, à la fouenne et vendent leurs prises aux habitants indigènes et aux citadins venus en villégiature estivale. Mais suivant la saison et selon les passages ou les migrations du poisson, ils apportent, des quantités parfois importantes de sardines aux usines de conserves établies dans les localités du bassin d'Arcachon, ainsi qu'à Capbreton et à Saint-Jean-de-Luz. La pêche à la sardine donne des résultats très différents suivant que l'on rencontre des "bancs" plus ou moins abondants. Dans un même port, les mêmes pécheurs qui auront pris tel jour 100 000 poissons n'en auront le lendemain que 25 000, ou peut-être beaucoup moins. Remarquons ce signe caractéristique de la modernisation de la pêche : de nombreuses équipes "vont à la sardine" avec des pinasses à moteur. On nomme pinasse une embarcation effilée et relevée aux extrémités, qui semble avoir des liens de parenté avec le "prao" malais. 



pays basque autrefois
PINASSE ARCACHON

La sardine, jadis cantonnée sur la côte de Bretagne, est peu à peu descendue dans le golfe de Gascogne; c'est la raison pour laquelle on trouve aujourd'hui des organisations modèles de pêche et de fabrication de conserves à Gujan Mestras (Arcachon) et Saint-Jean-de-Luz. Dans les usines, de nombreuses Bretonnes travaillent à la préparation du poisson. Il est curieux de voir dans la jolie ville de Saint-Jean-de-Luz les coiffes des Armoricaines se mêler aux "foulards" des Basquaises et d'entendre parler en même temps ces deux langues, qui se sont maintenues intactes à côté du français, le basque et le celtique. 


pays basque autrefois
CONSERVERIE GUJAN MESTRAS

Des embarcations à vapeur de petit tonnage se livrent également à la pêche de la sardine, qui se double à certains moments de celle de l'anchois. Les pêcheurs ont cependant d'autres objectifs que la fourniture aux usines de conserves. En été, ils retirent des bénéfices intéressants de la capture du thon, de la langouste, du homard, de l'araignée de mer. C'est principalement dans le sud du golfe que se pratiquent ces pêches. Le thon y est à certains moments fort abondant; l'on en prend parfois qui atteignent le poids de quarante à cinquante kilos. En dehors de sa valeur commerciale, la capture de la langouste est une des attractions qu'offrent à leur clientèle de touristes les stations balnéaires comprises entre Capbreton et la Bidassoa


pays basque autrefois
PÊCHEUR DE LANGOUSTES
PAYS BASQUE D'ANTAN

Avec le développement du commerce du poisson, vint l'amélioration des procédés de capture. En 1866, M. H. S. Jonhston fonda la première pêcherie industrielle opérant à l'aide de chalutiers. Cet établissement, véritable précurseur, situé à Arcachon, existe encore, quoique ayant subi des transformations. C'est aujourd'hui la Société anonyme des Pêcheries de l'Océan, dirigée par M. Ch. Olivari, que le Figaro est heureux de remercier ici de l'accueil aimable, qu'il a bien voulu réserver à son rédacteur.



On désigne sous le nom de chalutiers des vapeurs de 20 à 100 tonneaux et plus pêchant au "chalut", filet à gueule triangulaire maintenu ouvert par des panneaux, et raclant le fond de la mer.



pêche basque autrefois
CHALUTIER
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il faut bien reconnaître que ce mode de pêche a le grave inconvénient d'écarter le poisson des lieux sur lesquels il est pratiqué. En effet, bouleversant les fonds, broyant les algues qui constituent parfois de véritables forêts sous-marines, il fait disparaître les abris naturels où se trouvent le frai et les alevins. Les poissons ne retrouvant plus leurs habitats s'en vont plus loin chercher la tranquillité et le repos. C'est ce qui explique que les chalutiers, qui primitivement demeuraient à proximité des côtes, ont dû peu à peu étendre leur champ d'action. Mais le voyage jusqu'aux lieux de pêche plus éloignés, le retour fréquent entraînaient des frais de charbon et de salaires qui devenaient très onéreux, par suite du temps perdu en allées et venues improductives. Pour les éviter, on a augmenté le tonnage des chalutiers pêcheurs, ce qui, tout en leur permettant de s'éloigner davantage des côtes et d'aller soit au Maroc, soit très au large dans l'Atlantique, soit dans la mer du Nord, leur a donné également, la possibilité de prolonger leur absence. D'autre part, ou a armé des bateaux de moindre importance, qui vont à tour de rôle et à intervalles réguliers chercher le poisson déjà pris, le rapportent aux pêcheries, lesquelles peuvent ainsi faire des expéditions quotidiennes, pendant que les chalutiers continuent leur travail. Certaines entreprises ont toutefois conservé les errements d'antan et pêchent près des côtes. Leurs bateaux demeurent seulement trois ou quatre jours dehors, alors que les grands chalutiers ne rentrent qu'une fois par mois environ. Des aménagements frigorifiques, ou l'embarquement de grandes quantités de glace assurent à bord la conservation absolue du poisson. 



saint jean de luz autrefois
PORT ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

La question du fond jouant un grand rôle dans la pêche au chalut, les bateaux sont relativement limités dans le choix des lieux d'opération. On estime à 70, 75 kilomètres, la largeur de leur champ d'action le long des côtes. 



L'exemple qu'avait donné M. H. S. Jonhston fut suivi, de nombreuses sociétés de pêche furent fondées. Elles s'orientaient sans cesse vers l'amélioration de leurs procédés, quand en 1914 leurs bateaux furent réquisitionnés en très grande majorité. Déjà, dans le passé, les équipages des chalutiers avaient à maintes reprises fait preuve du plus absolu dévouement, du plus grand courage en portant secours à des navires en danger. Dans la lutte contre les sous-marins, les pêcheurs de Gascogne s'affirmèrent de vrais fils de France. Malheureusement, il en est qui ne sont jamais revenus ! Ils ont leur tombeau en Méditerranée, ou dans l'Atlantique. Leurs états de service, leurs citations à l'ordre de l'armée sont pieusement conservés. On nous les a montrés avec orgueil aux sièges des entreprises de pêche.



Depuis l'armistice on s'est efforcé de reconstituer la flotte et si des sociétés anciennes ont disparu, de nouvelles ont été créées continuant, ainsi et développant même l'activité d'avant-guerre. On compte dans le Sud-Ouest une douzaine d'organisations très importantes qui arment de quarante à quarante-cinq vapeurs. Nous ne parlons pas ici des bâtiments armés pour la pêche à la morue. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, c'est Arcachon qui est le centre principal. Les créations faites à Capbreton n'ont qu'un caractère saisonnier et appartiennent plutôt à Saint-Jean-de-Luz, puisqu'elles ne sont que des filiales d'établissements situés dans le port basque. Nous devrions dire que leur siège est à Ciboure, car c'est en réalité dans cette charmante station, toute voisine de Saint-Jean-de-Luz, que se rencontrent et les pêcheries et les organisations commerciales qu'elles alimentent ou qu'elles nécessitent. On ne compte à Ciboure que deux importantes entreprises, mais il convient de signaler le développement qu'elles poursuivent et qu'elles appuient sur une augmentation de leur flotte, en voie de réalisation. M. Pascal Ellissalt, basque d'origine, et de cœur, a prouvé que, contrairement au proverbe, on pouvait être prophète en son pays. Il a mis sur pied une organisation de premier ordre, qui ne craint point la comparaison avec les établissements similaires. La Société des Entreprises Maritimes a, dès sa fondation, marché hardiment dans la voie du progrès. Grâce à ses chalutiers de grand tonnage, elle pêche très au large et c'est avec le plus grand succès qu'elle a appliqué chez elle les systèmes consacrés par l'expérience des armateurs d'Arcachon. Elle possède d'importants établissements à Capbreton. 



Si nous nous étendons plutôt sur la pêche au chalut, c'est que son rayonnement est beaucoup plus considérable. Nous regrettons de ne pouvoir donner ici la carte géographique des lieux de consommation, vers lesquels est expédié le poisson du Sud-Ouest. L'hinterland immédiat des centres de pêche, les villes de la région sont des clients naturellement désignés. Mais tant à Saint-Jean-de-Luz qu'à Arcachon nous avons vu des expéditions prêtes à partir et dirigées vers l'Ariège, les Pyrénées-Orientales, la région de Toulouse, le centre de France, les Cévennes, les Causses, Paris, la région du Rhône, le littoral méditerranéen, la Suisse, l'Italie. Les villes du Piémont, de la Lombardie, Venise, Rome reçoivent et consomment du poisson de Gascogne. C'est dire le bon état dans lequel est expédié le poisson, le soin qui préside à son emballage. 



L'acheteur peut à son gré demander les types les plus variés : les soles, les merlus, les turbots, les barbues, les mulets, les bars ou loubines de toutes tailles, les rougets, les maquereaux, les rascasses toujours utiles dans la bouillabaisse; dans les espèces géantes, les saint-pierre, les baudroies, les anges de mer ; enfin les limandes, les carrelets, les raies, les vives, etc., etc. Nous ne saurions énumérer tous les échantillons de cette faune marine. Chaque région, peut-on dire, a son goût, ses préférences. Chaque bourse peut trouver la satisfaction que lui permettent ses moyens. 



Répétons, car c'est la plus absolue vérité, que le poisson expédié est sans tare. S'il s'en trouve d'impropre à la consommation, il est livré aux usines d'engrais établies dans les environs des lieux de pêche. C'est un fertilisant très apprécié eu agriculture, en raison de sa teneur en azote.



L'action des pêcheries mérite d'être encouragée et c'est faire oeuvre utile, au point de vue national, que de préconiser la con sommation du poisson. A l'heure où notre cheptel n'a point reconquis sa situation d'avant-guerre — le chiffre des existences est inférieur de moitié à ce qu'il était en 1915 — il faut dire aux populations françaises qu'il y a dans le poisson une nourriture substantielle saine et fortifiante. Mais il y a également une autre considération, les prix de vente qui nous ont été communiqués ne laissent aucun doute sur la valeur du concours que peut apporter à la solution du problème de la vie chère la consommation du poisson."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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