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jeudi 26 juillet 2018

LES "EMBELLISSEMENTS" DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN MARS 1926

BAYONNE EN 1926.


Bayonne en 1926 compte 31 436 habitants et est administrée par son Maire Joseph Garat.

bayonne autrefois
GARE DU MIDI BAYONNE - BAIONA 1926
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta Le Journal des débats politiques et littéraires, dans son édition du 24 

mars 1926, sous la plume d'Hubert Morand :

"Les "Embellissements" de Bayonne.


Depuis le 1er mars, — et jusqu'à la fin du mois —, on peut voir à la mairie de Bayonne un plan d'extension et d'embellissement de la ville dressé par M. Martinet, directeur de la Foncière d'Hendaye et architecte, plan dont la municipalité propose l'adoption à ses concitoyens. Ce projet a été expliqué et commenté par M. Martinet dans une lettre officielle dont nous avons le texte sous les yeux. 



pays basque autrefois
ARCHITECTE HENRI MARTINET
PAYS BASQUE D'ANTAN

M. Martinet part de ce principe que Bayonne, "située à la porte de l'Espagne, doit devenir, chaque jour, de plus en plus, le centre des grandes affaires, non seule ment pour la région française, mais encore dans les relations économiques avec l'Espagne, et que, pour fixer de plus en plus à Bayonne, et pour y garder toute l'année les propriétaires, les rentiers, les retraités, les sportsmen qu'attire la douceur de son climat, il serait utile de donner à la ville "une nouvelle note d'art et d'élégance". C'est pour quoi il a conçu "dans l'aménagement des glacis des fortifications, des terrains à lotir, sur lesquels pourront être édifiés des villas et des immeubles de rapport modernes, confortables et dignes en tout point des hôtes que nous voulons attirer et retenir". 



Les fortifications de Bayonne !... Ce n'est pas la première fois qu'il est question de les détruire. La collection du Journal des Débats contient, aux années 1906, 1907, 1908 et 1910, plusieurs articles de M. André Hallays, relatifs à cette question. Le 6 avril 1906, au moment où le Conseil municipal venait de décider d'arracher les ormes des Allées Marines, notre éminent collaborateur écrivait : "... Quant aux remparts, qu'on les déclasse s'ils sont devenus inutiles, c'est fort bien. Mais qu'une ville ne comprenne pas qu'elle devrait, au moment de s'agrandir, conserver| cet espace libre entre les vieux et les nouveaux quartiers, qu'elle ne s'empresse pas de convertir en une promenade publique ce circuit de gazons et d'ombrages, qu'elle ne conserve pas les vieilles portes et quelques bastions pittoresques dispersés au milieu du jardin pour en décorer les perspectives et pour rappeler aux générations futures le passé de la cité, voilà qui montre bien l'inepte imprévoyance des hommes d'aujourd'hui." 




labourd autrefois
REMPARTS ET CROIX SAINT LEON BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ces lignes, vieilles de vingt ans, n'ont rien perdu de leur force, et il n'est pas inutile de les remettre sous les yeux de la municipalité bayonnaise de 1926. Bayonne possède, en outre du Château Vieux, qui remonte au onzième siècle, un ensemble de fortifications qui furent construites en 1599, sous la direction de l'ingénieur Erard. Ces ouvrages, excellents modèles de l'architecture militaire du temps d'Henri IV, ont été renforcés, en 1680, par Vauban. Le grand ingénieur a fait notamment, les bastions qui protègent la porte d'Espagne, et établir le grand ouvrage à corne qui la couvre à l'ouest. L'enceinte fortifiée de Bayonne est demeurée à peu près telle que l'a élevée Vauban, les travaux exécutés pendant le Premier ou le Second Empire ayant laissé intactes les constructions des seizième et dix-septième siècles que l'on admire aujourd'hui dans leur magnifique développement et avec leur encadrement d'ormes centenaires. Voyons maintenant ce que M. Martinet veut mettre à leur place. 



D'abord, il s'agit de créer, du côté de l'Adour, entre la rue Militaire, les allées de Paulmy et le Jardin public, une grande place publique entourée de constructions de style basque, "non pas le style basque rustique, avec pans de bois, comme celui des fermes ou des villas, mais du style basque "urbain", qui est peut-être encore à synthétiser, mais qu'il serait du plus haut intérêt de représenter à Bayonne, afin de bien marquer, pour les siècles futurs, le caractère de l'architecture locale de ce pays, à notre époque."


pays basque autrefois
ALLEES PAULMY BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous ne comprenons pas très bien ce qu'est un style "qui est peut-être encore à synthétiser". Cette expression signifie-t-elle que ce style n'existe pas et qu'il faut donc le créer, ou le composer, disons plus savamment : le synthétiser ?... S'il en est ainsi, le projet de la place nouvelle nous paraît très redoutable, et l'invention d'un style basque urbain, - et d'une place conçue dans ce style pour être mise en parallèle, comme le propose M. Martinet, avec la place de la Concorde, la place Vendôme, la place des Vosges, la place Stanislas à Nancy, les Quinconces de Bordeaux, le Peyrou de Montpellier, la place du Capitole à Toulouse ou la place Bellecour à Lyon - ne nous consolerait pas, et ne dédommagerait pas les siècles futurs de la démolition des remparts de Bayonne. 



Mais, dit ensuite M. Martinet, "les remparts seront non seulement conservés dans leur état actuel, mais encore mis en valeur, et c'est à peine si, dans l'axe de la cathédrale, une percée de quinze mètres sera ménagée pour réunir, sur un point où cela paraît indispensable, la ville ancienne à la ville nouvelle". 



bayonne autrefois
REMPARTS BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Une percée de quinze mètres, tout d'abord, ne paraît pas être un procédé idéal de conservation pour des remparts. En outre, cette percée aura un déplorable résultat devant la cathédrale. Car, si la nef et le chœur de cette église sont très beaux, on n'en peut dire autant de la façade, et la percée dont on nous menace n'ajoutera rien à la beauté de la ville, tout au contraire.



Revenons aux remparts. Pour les conserver et les mettre en valeur, M. Martinet propose de remblayer légèrement les fossés, afin qu'ils soient d'un accès plus facile, et d'installer, dans une partie de ce terrain, les collections de plantes et d'arbres de la Société d'horticulture de Bayonne. Pour les enfants et les promeneurs, "des édicules formant abri, ou simplement utilitaires (!), seront élevés sur ces divers points". Voilà qui donnera une physionomie nouvelle et singulière aux ouvrages défensifs d'Erard et de Vauban ! Mais ce n'est pas tout : "Pour créer ce parc, écrit M. Martinet, comme pour préparer les terrains de lotissement, le nivellement des ouvrages avancés, qui n'offrent d'ailleurs pas un très grand intérêt, s'impose, de même qu'il faudra, je le dis à l'avance, pour prévenir les critiques, sacrifier quelques arbres au passage de deux ou trois avenues ou par suite de nivellements...

 

labourd autrefois
REMPARTS LACHEPAILLET BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN


N'allons pas plus loin dans l'exposé de ce plan. Si c'est ainsi que M. Martinet conserve et met en valeur les fortifications de Bayonne, que ferait-il donc s'il était chargé de les détruire ?



La place nous manque aujourd'hui pour étudier le reste de son projet. Nous dirons seulement qu'il nous paraît excellent de créer à Bayonne, ville éminemment sportive, un parc des sports, à la condition de ne pas abîmer la physionomie si originale et si pittoresque de la ville ; et que l'on fera très bien d'y construire un grand hôtel, à la même condition. Quant au casino, dont il s'agit de doter la capitale du pays basque, cet établissement est-il bien nécessaire dans une ville située à deux lieues de Biarritz ? Et la fermeture des jeux en Espagne, qui donne des loisirs aux croupiers de Saint-Sébastien, est-elle une raison suffisante pour que les Bayonnais veuillent altérer aussi gravement le caractère de leur ville ? C'est une question à laquelle ils feront bien de réfléchir deux fois. 


pays basque 1900
GLACIS BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les travaux projetés, par la municipalité de Bayonne seront évidemment très coûteux, et il ne saurait être question de les exécuter avec l'aide d'une société de crédit. En effet, la loi du 22 juillet 1921, réglant la cession par l'Etat à la Ville des terrains militaires des glacis - une trentaine d'hectares que l'on veut lotir et vendre en grande partie - spécifie, à l'article 25 : "La Ville s'engage à réaliser directement la revente des terrains, sans l'entremise de société financière". La ville de Bayonne devra donc s'imposer lourdement pour réaliser ces projets d'extension et d' "embellissement". Que sa municipalité nous permette de lui rappeler ces mots que nous relevons dans un "En flânant", du Journal des Débats, écrit au sujet de la démolition des remparts, en 1910 : "Dépenser pour embellir, passe encore, mais s'endetter pour enlaidir, quelle aberration !"






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