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samedi 28 juillet 2018

LA VALLÉE DES ALDUDES EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1905

LA VALLÉE DES ALDUDES EN 1905.


La vallée des Aldudes est située dans la province de Basse-Navarre, à la frontière avec la Navarre et est composée de huit communes : les Aldudes, Anhaux, Ascarat, Banca, Irouléguy, Lasse, Saint-Etienne-de-Baïgorry, et Urepel.



pays basque 1900
LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta le Journal des débats politiques et littéraires, dans son édition du 20 

septembre 1905, sous la plume de Georges Perrot :


"La vallée des Aldudes.


Saint-Jean-de-Luz, septembre. 


Mon cher Directeur, 



Il y a deux ans, peut-être vous en souvient-il, j'entretenais vos lecteurs de ce qui était alors presque une découverte. Je leur signalais, sous le nom de corniche basque, comme une suite variée de paysages admirables, la côte qui s'étend, dans le Guipuzcoa, de Zarauz à Léqueitio, sa route qui longe et domine à peu près partout la mer, avec ses forêts de châtaigniers et d'eucalyptus qui, sur les pentes abruptes, descendent à la rencontre des vagues, avec le sable de ses grèves, blond comme les épis mûrs, avec ses pittoresques villages, Guetaria, Deda, Motrico, Ondarroa, qui, sous l'église massive et haut perchée au-dessus des petits fjords calmes où dorment les barques à voiles, étagent, au flanc des contreforts de la montagne, leurs vieilles maisons, ici toutes en pans de bois, disjointes et branlantes, là bâties en pierres de taille, décorées d'armoiries sculptées en relief, blasons des hardis marins qui, jadis, partaient d'ici pour la grande pêche, celle de la morue et de la baleine, ou bien, en temps de guerre, prenaient des lettres de marque et, dans le golfe de Gascogne, donnaient la chasse aux navires anglais et français. 



guipuzcoa antes
CORNICHE BASQUE DE ZARAUZ A GETARIA EN GUIPUZCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Je ne sais si j'ai vraiment contribué à attirer l'attention sur cette belle contrée, alors presque inconnue et, si j'y suis pour quelque chose, j'en aurais, par moments, presque regret. Aujourd'hui, de Biarritz et de Saint-Sébastien, les automobiles viennent parcourir à grand bruit cette route merveilleuse et y soulever des flots de poussière. Elle mérite pourtant d'être regardée autrement qu'à travers la vitre épaisse et noire des lunettes de chauffeur ; elle vaut d'être étudiée à loisir, détail après détail, comme permet de le faire la marche lente du piéton ou l'allure modérée des chevaux attelés à une bonne voiture. Tout arrive pourtant. Il n'est pas impossible que, parmi ces emportés qui se grisent de vitesse comme d'autres se grisent d'alcool, il se rencontre, de loin en loin, quelques délicats qui consentiront à ralentir l'allure de leur machine pour goûter, à chaque détour du rivage sinueux, les aspects sans cesse changeants de la terre et de la mer, vraie fête donnée aux yeux qui ont appris à s'ouvrir et qui savent voir. 


biarritz autrefois
AUTOMOBILE A BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Si je ne croyais à ces exceptions, j'hésiterais peut-être à indiquer aux baigneurs de Biarritz, de Guéthary et de Saint-Jean-de-Luz une autre promenade qu'ils peuvent faire, celle-ci, en une seule journée et sans franchir la frontière, mais qui, dans un autre genre, ne leur laissera pas des impressions moins vives et des souvenirs moins charmants. C'est de la Vallée des Aldudes que je veux parler. En causant avec maints habitués de ce littoral, je me suis assuré que pas un sur vingt n'avait même entendu prononcer le nom du petit village des Aldudes. Moi-même, après être venu, trois ans de suite, passer les vacances à Saint-Jean-de-Luz, je n'ai dû la découverte de cette aimable vallée qu'au hasard d'une course de montagne. Nous étions allés, de Sare à Elizondo en Navarre, par les vastes forêts de châtaigniers qui s'étendent, sur le versant espagnol, entre Echalar et le chef-lieu du val de Bastan. Une fois là, nous n'avions pas voulu revenir par la route longue et banale du col de Maya, en pays découvert. On nous indiqua un chemin de mulets qui nous ramènerait en France par le col de Berdaritz, jusqu'aux Aldudes, d'où nous gagnerions, en trois heures de marche, la gare de Saint-Etienne-de-Baïgorry. Nous avons pris ce parti, et nous avons été bien payés de la peine que nous ont donnée quelques montées assez rudes. Je ne crains pas de dire que, dans toute la région occidentale des Pyrénées françaises, entre le gave de Mauléon et la mer, je n'ai rien vu qui soit comparable à la vallée des Aldudes. 


saint etienne de baigorry autrefois
GARE DE ST ETIENNE DE BAIGORRY - BAIGORRI
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ce que l'on appelle ainsi, c'est la haute vallée du Baïgorry, un affluent de la rive gauche de la Nive, où il se jette près d'Ossès. Un embranchement de la ligne de Bayonne à Saint-Jean-Pied-de-Port mène le voyageur jusqu'à Saint-Etienne-de-Baïgorry, gros bourg où l'on trouve des voitures à louer. Très ouvert jusque-là, le val du Baïgorry se rétrécit au-dessus du bourg, et la pente devient très raide. Saint-Etienne est à deux cents mètres environ au dessus du niveau de la mer et le village des Aldudes à cinq cent trente-deux mètres. La distance entre ces deux points est de quinze kilomètres. 




basse navarre autrefois
LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Je ne suis pas suspect d'indifférence à l'égard des montagnes que domine, de la Nive à la Nivelle et à la Bidassoa, la masse imposante de la Rhune. J'en ai gravi tous les sommets, sommets très modérés et dont aucun n'atteint mille mètres. J'ai suivi tous les replis des vallées qui les séparent. J'en aime les lignes d'un ferme dessin, les flancs habillés d'un épais manteau de vertes fougères qui roussissent à l'automne, les ravins où se serrent les uns contre les autres des chênes vigoureux et trapus. J'en aime les maisons aux toits débordants, aux larges balcons en forte saillie, aux volets et aux poutres brunes qui se détachent franchement, sur la blancheur du plâtre, au-dessus des grands figuiers qui s'appuient à celui des murs de l'habitation que chauffent les rayons du Midi. Je dois pourtant à la vérité d'avouer que ces montagnes ont deux défauts. Elles sont un peu sèches ; l'eau y est rare. Elles sont presque complètement déboisées. Les pentes basses de la Rhune étaient, assure-t-on, il y a une cinquantaine d'années toutes couvertes de châtaigniers au-dessus d'Ascain et de Sare. Une maladie dont le remède est encore à trouver a sévi sur ces arbres, vers le milieu du siècle dernier ; ils ont succombé les uns après les autres. On en voit encore, par place, les squelettes blanchis. D'arbres, il n'y en a guère ici que dans les creux, et ce sont tous des chênes. Peu même de prés. Le sol n'est pas assez humide pour nourrir l'herbe. C'est la lande d'ajoncs et de fougères qui tient ici la place que les pâturages occupent dans des montagnes mieux arrosées. 


labourd autrefois
MASSIF DE LA RHUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Tout autre est la physionomie de la vallée des Aldudes. Ce qu'elle me rappelle, ce sont les fraîches vallées des Alpes, de la Savoie et du Dauphiné, que j'ai aussi parcourues en tous sens, jadis, le sac à l'épaule. Je ne sais comment, ici, les châtaigniers ont été épargnés par le fléau. Avec leurs gros troncs, avec leur puissante membrure que l'on entrevoit sous la riche étoffe de leurs frondaisons luisantes, ils montent à l'assaut des pentes jusque tout près des crêtes. Ailleurs, ce sont des bouquets de chênes et, tout près du torrent, une frange d'aulnes et, par endroit, des groupes de peupliers d'ltalie. A cette verdure des arbres se mêle celle des prairies, dans toutes les clairières de la forêt. Quand, hier, pour la seconde fois, je visitais cette vallée, on faisait les regains. De partout montait ou descendait jusqu'à nous l'enivrante senteur du foin coupé, que remuait le râteau des faneuses. Les prés ont le vert presque cru des prés alpestres. C'est que l'eau est ici partout. A travers la forêt, à travers la prairie, elle coule, avec son bruit joyeux, en petits ruisseaux qui viennent, par menues cascatelles, bondir sur le talus de la route et se déverser dans les caniveaux qui le bordent. 


pays basque autrefois
LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN



A lire cette description, on pourrait se demander si le paysage n'est pas trop monochrome, trop uniformément vert. Il convient de se rassurer à ce sujet. Ce n'est pas seulement que les teintes du vert sont ici d'une variété infinie, vu la diversité des feuillages dont chacun a sa nuance propre. C'est aussi que la nature, cette coloriste souveraine, a mis là près de tous ces verts, comme pour mieux en faire sentir la douceur, des tons plus vifs et plus chauds. Le sol n'est pas fait ici de sable jaune, comme aux environs de Saint-Jean-de-Luz ; il est franchement rouge, d'un beau rouge de brique ; mais ce qui met dans cet ensemble une note plus vibrante encore, c'est la fleur de la bruyère. Là où la pente est trop raide pour que les arbres puissent y prendre pied ou, faute d'humus, l'herbe même y pousser, la bruyère a su enfoncer ses racines dans les moindres interstices de la roche. Tout le long de la vallée, il y a, au-dessus des bois et tout près des sommets, beaucoup de ces champs d'un rose tendre; mais ce qui, en ce genre, nous surprend le plus, c'est une grande paroi de roche, presque verticale, qui fait face au village même des Aldudes. Elle semble être, de haut en bas, couverte d'un tapis de pourpre. Je n'ai jamais vu rien de pareil, que dans les tableaux de Didier-Puget, dans ses paysages de la Creuse et de la Corrèze. 



pays basque 1900
LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Une route de voitures, bien entretenue, mène de Saint-Etienne aux Aldudes. Tantôt elle longe le torrent et tantôt elle s'élève au-dessus de lui à une assez grande hauteur. L'œil plonge alors dans des gouffres de verdure d'où monte le murmure des eaux rapides. Cette route a des tournants nombreux et très raides ; quelques uns sont presque à angle droit. Je ne saurais trop conseiller aux bicyclistes et aux automobilistes de ne pas la descendre à pleine vitesse. Ils risqueraient d'y laisser leur machine et peut-être leurs os. 



basse navarre autrefois
LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN


La vallée mérite sans doute d'être vue dans les deux sens, celui de la montée et celui de la descente. S'il est pourtant encore des hommes jeunes qui sachent marcher, je les engagerais fort à ne pas revenir des Aldudes par Saint-Etienne. Qu'ils passent en Espagne, soit que, par le col de Berdaritz, ils gagnent Elizondo et la vallée de la Bidassoa, soit que, par le col de Beurdineureceli, ils aillent rejoindre Roncevaux et la grande route que suivaient autrefois les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Je les invite seulement à ne pas choisir pour cette excursion le 8 septembre, jour de la fête de la Vierge. C'est la veille de cette fête que je suis arrivé, il y a quatre ans, vers le soir, avec quelques compagnons d'aventure, à la fonda de Roncevaux. Nous la trouvons remplie de paysans navarrais des villages voisins, hommes et femmes, qui étaient montés en foule à Roncevaux pour y entendre la messe le lendemain à l'aurore. L'auberge ne payait pas de mine. Pourtant le souper nous parut excellent, et les lits étaient propres. Nous avions marché toute la journée, tantôt sous le soleil et tantôt sous la pluie. Nous aspirions à une bonne nuit, et nous nous couchâmes pleins d'espoir; mais nous avions compté sans les pèlerins. Dans une grande pièce qui n'était séparée de nos chambres que par une mince cloison, aux sons d'un violon criard, on dansa le fandango jusqu'à trois heures du matin."




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