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dimanche 29 décembre 2019

AU PAYS BASQUE EN 1857 (troisième et dernière partie)


AU PAYS BASQUE EN 1857.


En 1857, l'arrondissement de Bayonne est agrandi de Boucau et de Saint-Esprit, communes détachées des Landes pour être rattachées aux Basses-Pyrénées.


pays basque autrefois
BIARRITZ 1847
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta le journal La Presse, dans son édition du 28 septembre 1857, sous la 

plume de Frédéric Thomas, Avocat :




"...Les chemins de fer ont ruiné cette ancienne familiarité qui florissait sous le régime des diligences




Alors, tout devenait sérieux comme le voyage lui-même. Quelle grande affaire qu'une saison à passer, et à passer toute entière, dans le même endroit. Alors, on choisissait ses bains, et on choisissait aussi sa compagnie. On fondait des colonies de trois mois et des associations thermales dont l'intimité devenait l'âme, le plaisir, la gaieté. 





Mais aujourd'hui qu'on va si vite et qu'on va partout, on s'aventure au hasard : c'est pour cela qu'on ne séjourne nulle part. La population thermale se renouvelle à chaque instant. Le voyage, qui vous affranchit du long bail et des servitudes de la diligence, vous fait étranger et presque ennemi avec tous vos compagnons. Plus de côtes à monter à pied, plus de causeries avec les conducteurs, plus de dîners dans les auberges, plus surtout de croisement de jambes. Ah ! c'est de là que date la décadence de cette douce familiarité d'autrefois. La vapeur qui escamote le voyage, le convoi qui transporte des multitudes au lieu de voiturer des compagnies, isolent le voyageur et le portent inconnu au milieu d'autres inconnus ; on ne se voit pas, on s'observe. Personne ne sait d'où est tombé son voisin. De là cette froideur anglaise qui glace et paralyse tout. Adieu les anciens privilèges de cette existence de familiarité et de plaisirs ! Aux bains, plus qu'ailleurs encore, on vit chacun chez soi et chacun pour soi. 




Le baigneur sérieux, qui est l'exception de cette population nomade, le baigneur consciencieux et qui va aux eaux pour le bon motif, voit passer autour de lui des nuées de voyageurs qu'il n'a ni le temps ni le désir de connaître. 



pays basque autrefois
BIARRITZ 1855
PAYS BASQUE D'ANTAN



On varie ses ennuis en ne croyant varier que ses résidences ; car on ne prend plus les eaux, on les cueille et on les butine. 




L'aubergiste est la seule étoile fixe parmi ces autres errants. Lui seul reste immobile, et tout le monde s'agite autour de l'axe de son tournebroche. Quant à lui, il ne s'occupe que d'une seule chose : plumer les oiseaux de passage, qui regrettent Paris, et qui, promenés de volière en volière, ballottés d'exploitation en exploitation, s'en retournent ensuite, traînant l'aile et tirant le pied.




Seront-ils plus sages à l'avenir ? Non. L'hiver, ils se remplument et oublient la leçon, jusqu'à ce que, l'été venu, ils s'envolent de nouveau pour reprendre leurs anciennes caravanes.




Allons, il est temps de quitter Biarritz et temps aussi de quitter Bayonne. Mais nous ne voulons pas partir de la ville des régates et des taureaux sans lui faire part d'une bonne nouvelle qui réjouira sa bienveillante hospitalité. 




pays basque autrefois
BIARRITZ 1843
PAYS BASQUE D'ANTAN


A notre passage à Bordeaux, nous avons lu sur tous les murs une affiche dont voici le texte : 


"Miracle réalisé.— M. l'Eclair, artiste de Paris, inventeur d'un système avec lequel on peut se promener sur l'eau sans se mouiller les pieds parcourra et traversera, un immense bassin. 


Cette expérience n'a jamais été faite depuis que le monde existe ! 


M l'Eclair soumettra aussi, au public un appareil de sauvetage avec lequel on peut demeurer en pleine mer un mois sans être mouillé, et donnant la facilité de se diriger à volonté. 



Qu'il est heureux que cet inventeur se nomme, l'Eclair et qu'il soit un célèbre artiste de Paris. Comment s'y serait-il pris, sans cela, pour demeurer un mois en pleine mer sans être mouillé ? Car nous aimons à croire que M. l'Eclair n'affirme ce miracle qu'après l'avoir réalisé pour son propre compte. 



On peut demeurer un mois en pleine mer sans être mouillé. Calculez donc les immenses avantages de cette découverte ! On doit dormir, apparemment, car M. l'Eclair ne peut pas prétendre qu'on passe un mois en pleine mer, c'est à dire trente jours et trente nuits, sans dormir. 



pays basque autrefois
CÔTE DES BASQUES 1843
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ainsi donc on y dort ; et quel lit plus frais et plus moelleux que celui-là ! quelle plus admirable berceuse que la mer ! que de magiques impressions d'alcôve maritime on peut écrire après un tel séjour ! 




Sans compter qu'on n'a pas à craindre ce que le Vaudeville appelle les insectes des bois... de lit. Et puis que d'agréments ! on ne risque pas de tomber dans la ruelle, et on peut prendre autant de camarades de lit qu'on en souhaite. 




Que vont devenir les aubergistes du littoral ? 




Supposez un encombrement comme à Bayonne pour les courses de taureaux, et tout le monde n'en sera pas moins assuré d'avoir un gite pour la nuit. 




Donnons un exemple. On vous demande dix francs pour habiter une chambre qu'en temps ordinaire vous paieriez vingt francs pour ne pas habiter. Que faites-vous alors ? 



Vous prenez l'appareil de sauvetage de M. l'Eclair, et vous dites au maître d'hôtel trop exigeant : 

— Monsieur, soyez raisonnable ; sinon, je vais chez l'un de vos concurrents.

— Allez-y, vous répond-il d'un air narquois ; vous paierez plus cher et vous n'aurez pas de place. 

— Je ne paierai rien, ripostez-vous, et j'aurai plus de place qu'il n'en faudrait pour loger la France entière, les maîtres d'hôtel compris ; car le concurrent dont je vous menace, c'est un confrère qui vient de s'établir logeur, et il se nomme l'Océan. Or, l'Océan tient toujours des flots disponibles pour loger, au moins un mois, les voyageurs qui sont comme moi dans le simple appareil de M. l'Eclair. Malheureux aubergiste ! si vous aviez seulement un appareil comme le mien, je partagerais ma chambre à coucher avec vous, et nous prendrions une vague à deux lits. 




La première fois, l'aubergiste reste incrédule ; il vous tient pour fou et vous éconduit avec ce calembour : 

— Allez, monsieur, je vous plains de me préférer l'Océan ; je vous préviens que vous le trouverez salé. 

— Salé ! répliquez-vous en haussant les épaules ; il ne demande seulement pas de pourboire. 




Et là-dessus vous allez tranquillement vous coucher en pleine mer. Le lendemain, vous revenez beaucoup plus frais que la veille. 




L'aubergiste est stupéfait. Vous lui racontez à quel degré de latitude vous avez ronflé ; vous lui donnez des nouvelles de l'aurore, que vous avez vu lever sans vous lever vous-même. Bref, vous lui faites venir l'eau à la bouche. 




Pour le coup, l'aubergiste n'y tient plus. Il vous donne la plus belle chambre de son hôtel, à condition que vous lui céderez pour un jour votre vague de nuit, et que vous ne donnerez à personne ni l'adresse de M. l'Eclair ni l'adresse de l'Océan. 




Après cette gasconnade scientifique, glissons une gasconnade municipale. Si la première était du genre ébouriffant, la seconde appartient au genre naïf, comme vous allez voir. 




Lorsque le duc d'Orléans passa à Toulouse, il y reçut l'accueil le plus sympathique, et les autorités de la ville s'empressèrent de lui faire visiter toutes les curiosités de la cité Palladienne. 




Or, dans la cour de l'hospice de la Grove, il y a un orme immense, à l'ombre duquel se reposèrent des générations de malades, et qui fut, dit-on, planté par le plus gascon de nos rois, par Henri IV. 




Un des conseillers municipaux qui accompagnaient le prince se creusait la cervelle pour découvrir quelque chose de gracieux et d'instructif à dire. Jusqu'alors, il n'avait rien trouvé. Mais l'orme de l'hospice vint tout à coup lui offrir un thème excellent. Il saisit l'occasion avec avidité ; et, s'étant approché du duc d Orléans :


— Monseigneur, lui dit-il avec emphase, voilà un arbre qui est bien viux ; il a été plante là par Henri IV, votre aïul et il y est du dépuis


Frédéric Thomas. 

Avocat à la Cour impériale."





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