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mercredi 20 septembre 2017

DÉBATS AU SUJET DES CORRIDAS AU PAYS BASQUE À LA FIN DES ANNÉES 1900


DÈS 1893, UN GRAND DÉBAT AU SUJET DES CORRIDAS A LIEU AU SUJET DES CORRIDAS À BAYONNE.


Les anti et les pro corridas s'affrontent, par presse interposée.



Voici ce que la presse nationale rapporte :

  • La Cocarde, le 12 novembre 1893 : 


"Les amateurs de courses de taureaux triomphent. Pendant tout l’été, ils ont eu la joie d’assister dans plusieurs villes du Midi à de véritables corridas espagnoles pendant les quelles les taureaux étaient mis à mort, en dépit des protestations indignées de la Société protectrice des animaux. 



A l’approche des élections, le gouvernement n’avait pas voulu mécontenter les populations passionnées pour ce genre de spectacle, mais il se trouvait dans un grand embarras. Comment violer les règlements formels qui interdisent ce genre de spectacle ? Comment concilier l’intérêt électoral et la légalité ? 



On a fini par trouver un moyen de tourner la difficulté. Les organisateurs des courses à mort ont été simplement déférés aux tribunaux qui les ont condamnés pour infraction à la loi Grammont à des amendes variant de 5 à 15 francs. — C’était pour rien. 



Mais aujourd’hui, la combinaison vient de recevoir un coup mortel. 



Le tribunal de simple police du canton nord-ouest de Bayonne vient en effet de rendre, à ce sujet, un jugement destiné à faire quelque bruit dans le monde tauromachique. 



Il a déclaré, par des considérants fortement motivés, que la loi Grammont, dont les termes visent "les mauvais traitements exercés abusivement et publiquement contre des animaux domestiques", ne pouvaient s’appliquer aux toreros qui tuaient les taureaux. 



L’abus n’existe point, déclare le jugement, car les courses, sur les bénéfices desquelles on prélève un droit pour les pauvres, ont leur utilité. 



La publicité n’existe pas davantage, car le cirque n’est ouvert qu’aux personnes qui paient et le spectacle de la mort ne s’impose pas aux passants. 



Enfin, la domesticité n’existe pas, puisque le taureau, élevé dans de vastes espaces déserts, est un animal sauvage fonçant sur l’homme, quel qu’il soit."



pays basque autrefois
CORRIDA BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN



pays basque autrefois
CORRIDA BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN


  • La Justice, le 9 septembre 1894 poursuit :

"Dimanche corrida de Toros à Bayonne, en France. 



Six taureaux tués. Trois par chaque Espada : Guerrita, Carancha. Une quinzaine de chevaux éventrés, des mares de sang, des entrailles pendantes où s'embarrasse la bête. Joie universelle. Il parait que Guerrita travaille avec une grâce exquise. Le taureau lui-même l'admire. Carancha est plus lourd: il n'en finit pas de larder l'animal aveuglé de sang. Ce n'est pas bien. Grand public, d'ailleurs. "D'élégantes Parisiennes, dit le Nouvelliste de Bordeaux, habituées des mardis de la Comédie, de l'Opéra, des séances académiques, étaient accourues de Biarritz". Les six taureaux n'ont pas du s'ennuyer.



J'ai vu des courses de taureaux à Madrid. Je n'entreprendrai pas de les décrire après Théophile Gautier. Je puis cependant dire un mot de mes impressions personnelles. Le matin, de bonne heure, je me rendis aux arènes avec quelques aficionados pour voir la distribution. C'est là que les connaisseurs ont occasion de porter un premier jugement sur la valeur des bêtes. Dans une cour carrée entourée d'arcades, six taureaux roux et noirs, paisiblement vautrés, ruminaient, immobiles, sans penser. Au milieu, un grand boeuf gris, avec une sonnette. C'est le guide qu'ils suivent de confiance et qui, naturellement, les conduit à la mort. Le berger, le Casimir-Perier de la chose, vêtu d'innombrables lambeaux effiloqués, reliés entre eux par les bizarres spirales de galons raboutis, dormait en un coin au milieu de ses amis ruminants. De forts piquets laissaient tout juste entre eux le passage d'un homme. Voyant ces bêtes si calmes et ce berger dormant, je m'avançai d'un mètre. En sursaut, les six bêtes furent debout, et, battant de la queue, soufflant de fureur, coururent sur l'intrus. Jamais retraite ne fut si prompte. On voulut bien m'excuser sur mon ignorance. Mais j'eus l'impression d'une effroyable détente de haine.



Quelques instants après, sur un signe du berger, le troupeau s'engouffrait, à la suite du boeuf à sonnettes, dans un couloir menant chaque bête Ma cellule obscure où elle s'enrage à souhait avant le soleil aveuglant de l'arène. Du haut d'un balcon disposé à cet effet, on les voit passer de cellule en cellule comme des ombres furieuses, sous le long aiguillon des bouviers perchés sur la crête des murs. Les dernières portes se referment. On se reverra tout à l'heure.



La description de l'avenue d'Alcala par Théophile Gautier est à peine exagérée. On ne peut pas rendre ce grouillement carnavalesque de toute une ville se ruant aux Arènes en une folle exubérance de plaisir. Les soies de la Quadrilla, l'or des étoffes, les vives clartés du costumes des manolas bariolent à plaisir un torrent d'invraisemblables véhicules roulant, dans de joyeuses clameurs, au spectacle du sang. L'arène a été cent fois décrite. C'est un merveilleux spectacle. La lumière, la joie de voir et d'être secoué des couleurs, cela se sent, mais ne se transmet pas par l'écriture. Mon bonheur, c'était de voir voler les oranges dans les airs comme des arcs-en-ciel de flamme. Marchands et acheteurs sont d'une adresse miraculeuse. On dirait une pluie d'étoiles riantes sous le ciel bleu.



Maintenant, si le philosophe m'arrête et me demande ce que ce peuple de chrétiens fait là, hommes, femmes, vieillards, enfants, riches ou mendiants, je suis bien obligé d'avouer qu'ils ne sont pas venus du tout pour écouter quelque parole sublime, s'édifier de quelque noble spectacle, honorer un penseur, un artiste, un bienfaiteur de l'humanité. Non. Ni écrivain, ni prêcheur, ni broyeur de couleurs, ni pétrisseur de glaise, ni philosophe, ni ascète trois fois saint, n'auraient la grâce d'un tel concours humain.



Regardez. La porte s'ouvre et la bête affolée s'élance. Un temps d'arrêt pour choisir l'ennemi, une seconde d'angoisse. Et puis, en avant. Sous un Picador bardé de fer, un malheureux cheval aveuglé offre son flanc inerte. L'avalanche cornue se précipite. Homme, cheval, taureau, tout roule dans une poussière sanglante. J'ai vu un taureau soulever cheval et cavalier et les promener triomphalement sous un ruissellement de sang. Quand la bête est épuisée de massacre, stupéfiée de l'imprévu. Avec Deibler c'est toujours la même chose. Il ne court aucun risque et quand on le voit sortir de sa prison avec sou homme ligoté, on voit tout de suite qu'Henry ne lui mettra pas le cou dans la lunette. A Bayonne, il y a l'improvisation. Guerrita peut recevoir une corne dans le ventre, sauter en l'air et retomber les reins cassés. Si on n'a pas l'amusement de ce spectacle c'est déjà beaucoup de l'attendre et si le taureau tue son homme, on crie: "Bravo taureau."



Enfin il y a un autre attrait. Dans le combat entre le bourreau et le supplicié, il y a une raison de ce qui se passe ou tout au moins quelque chose qui en tient lieu. L'homme a tué ou voulu tuer, douze jurés l'ont dit du moins. On le tue en gémissant. On a l'air d'y être forcé. "Il faut bien se défendre", etc. La loi donnant une apparence de justification, cela gâte le spectacle du supplice en soi. On a la prétention de faire une chose raisonnable : il n'y a presque plus de plaisir. Tandis que prendre des animaux qui ne sont en rien mêlés aux querelles humaines, les faire s'entretuer sans raison, et achever celles qui survivent, sous les yeux d'une foule excitée par la vue des chairs palpitantes et du sang qui gicle, voila bien le plaisir du meurtre pour le meurtre, de banderilles, bavante, chancelante, on la tue. Voilà le plaisir. 



Les Espagnols ont une excuse. Ils n'ont pas la guillotine. Le garrote qui consiste à écraser le cou du supplicié à grands tours de vis, a le grave défaut du capuchon. On ne voit ni grimace, ni sang. A quoi bon s'assembler pour voir, si la torture de l'homme attaché au poteau se traduit seulement par d'imperceptibles mouvements que l'imagination est obligée d'interpréter pour jouir vraiment de la torture? Voyez les Turcs, avec leur pal. Voilà des gens qui s'entendent aux spectacles. Cela n'en finit pas. On voit couler le sang, on entend les hurlements, et l'effroyable convulsion du visage donne bien la sensation du supplice. Notre guillotine n'est pas mal, mais c'est un éclair. Et puis, cela se passe à l'aurore. Les habituées des mardis de la Comédie ne peuvent se lever si tôt. Et puis cette foule des exécutions est bien grossière. Elle crie, elle chante, elle mange de la charcuterie. A Laval, elle a applaudi ; à Batna aussi, où l'on vient de guillotiner cinq hommes après un supplice de quinze heures. Les applaudissements deviennent de mode aux exécutions. A la Comédie, on a des gens pour cela.



Aux arènes de Bayonne on est beaucoup mieux installé qu'à la place de la Roquette. Et puis, cela dure plus longtemps. En outre il y a la torture pour la torture, et du sang pour le sang. Le Peuple-Roi jadis y trouva ses délices, et, plus raffiné que nous mêla les hommes et les tigres dans d'effroyables rencontres, ce qu'on n'ose plus faire aujourd'hui par le malheur des temps. Puis on eut les bûchers de l'Inquisition avec des moines chantants. La mode en est passée de même. Galliffet n'a pas fusillé de prisonniers depuis plus de vingt ans. Monotone, la vie. Quels plaisirs nous resteront, bientôt ?



C'est de quoi le gouvernement s'est occupé, et voilà pourquoi il nous émoustille de spectacles sanglants. C'était l'autre jour à Oran, où le préfet applaudissait à la mort du taureau. Puis à Bayonne, où les abonnées des mardis de la Comédie Française ont pu tout à leur aise renifler de leurs vieilles narines peintes l'odeur rajeunissante du sang. D'autres villes encore attendent anxieusement leur tour. Le plus beau de l'affaire est que c'est défendu. Cela redouble le plaisir.



On a dit que le peuple romain s'était dégoûté de tout. C'est une erreur. Il lui reste toujours le goût du sang. Que de Romains dans notre Gaule."


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CORRIDA BAYONNE - BAIONA
PAYS BASQUE D'ANTAN




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CORRIDA
PAYS BASQUE D'ANTAN

  • L'Intransigeant, le  8 octobre 1894 poursuit :

"Le tribunal civil s’est occupé dans son audience d’aujourd’hui des poursuites intentées à l’administrateur des arènes bayonnaises, poursuivi, comme civilement responsable d’une infraction à la loi Grammont, à la suite de la mise à mort de cinq taureaux et de dix chevaux.

L’inculpé a été acquitté sans dépens, le ministère public ayant conclu à l’acquittement; sous prétexte que les arènes ne peuvent pas être considérées comme lieu public (sic), et que la loi Grammont n’est pas applicable aux courses espagnoles, postérieures à la promulgation de la loi !...

C’est le quatrième acquittement prononcé par les juges de cet extraordinaire tribunal."



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