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samedi 2 novembre 2019

LA PRISON DE PAMPELUNE - IRUÑEA EN NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1935


UNE PRISON EN NAVARRE EN 1935.


Le fort de San Cristobal, non loin de Pampelune, en Navarre, est un fort de sinistre mémoire.


pais vasco navarra antes
FORT SAN CRISTOBAL PAMPELUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta le journal Les Cahiers des droits de l'homme, dans son édition du 20 juin 

1935, sous la plume de J.-G. Gorkin :



"Dans les prisons espagnoles.




A mon retour de Paris, un de mes premiers soucis a été de rendre visite aux amis de la Prison modèle de Madrid. J’ai pu m’entretenir avec Largo Caballero, le jeune député socialiste Hernandez Zancajo, et d’autres encore. Ils ne sont pas trop mal et tous font preuve d’un très grand optimisme. A l’heure du départ, au moment de leur serrer la main, l’un d’eux me dit : 

— Allez voir les camarades de la prison de Pampelune. Il paraît que c’est l’une des pires prisons de l’Espagne. 




Je décidai d’y aller.




Pampelune, capitale de la Navarre, est une ville dominée par le clergé. Les couvents y abondent. Dans les rues, on y croise de nombreux curés. La réaction cléricale contre la République naquit et se développa, pendant les deux premières années, dans la région de la Navarre. Les partis démocratiques et les organisations ouvrières s’y sont développés à grand'peine. 




A quelques kilomètres de Pampelune, sur une immense montagne qui domine la ville et la vallée, se trouve la forteresse militaire de San Cristobal. Après les événements révolutionnaires d’octobre dernier, cette forteresse a été transformée en prison, bien qu’elle ne réunisse aucune des conditions pour cet usage. Il y a, à l’heure actuelle, 450 prisonniers, venant de la Catalogne, des Asturies, de la Biscaye, d’un peu partout. Tous ont été condamnés à des peines graves, variant entre 14 et 30 ans de prison. Parmi eux, il y a 50 condamnés à mort dont la peine a été commuée en réclusion perpétuelle. 




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FLEUVE ARGA ET MONT SAN CRISTOBAL PAMPELUNE NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Un de mes meilleurs amis, condamné à perpétuité, se trouve là aussi : Luis Portela, ancien administrateur du quotidien Adelante, journal dans le quel je remplissais les fonctions de rédacteur en chef. Portela fut arrêté le 7 octobre dans les environs de Barcelone. Il n’avait pas d’arme sur lui : il aurait pu protester de son innocence et exiger sa libération. La garde civile le plaça sur le devant de la voiture qui la conduisait à un village voisin, où les révolutionnaires s’étaient emparés de la mairie. 


-- Quand tes camarades te verront là, ils n’oseront pas tirer sur nous — lui dit le capitaine de la garde civile. 



Les révolutionnaires se rendirent peu après et la garde civile en arrêta dix-huit, les armes à la main. Ils étaient tous très jeunes, presque des enfants ; Portela eut pitié d’eux et dit alors au capitaine de la garde civile : 

— J’étais avec eux, vous pouvez me faire condamner en leur compagnie. 




Et tous furent condamnés à la réclusion perpétuelle et envoyés à la forteresse de San Cristobal, où ils se trouvent encore.



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FORT SAN CRISTOBAL PAMPELUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



A mon arrivée à Pampelune, accompagné par un journaliste catalan et deux professeurs français — l’un d’eux est membre de la Ligue des Droits de l’Homme — je me mis en rapport avec des amis résidant dans cette ville. Ils me facilitèrent les renseignements que voici : 


Jusqu’au début de février dernier, il y avait à San Cristobal un directeur et des gardiens qui avaient quelques égards envers les prisonniers. Ce directeur fut remplacé par un homme du parti de Gil Robles, M. Teodoro de Quiros ; les gardiens furent châtiés. Le régime appliqué par M. de Qui ros est des plus terribles et des plus cruels : 


Les prisonniers reçoivent une nourriture infecte. Ils ne disposent d’aucun siège pour s’asseoir, ni de tables, et sont obligés de manger debout, en circulant dans la cour. L’hiver dernier, par un froid intense, la plupart des prisonniers durent coucher par terre, car il n’y avait pas de paillasses pour tous. L’entrée des livres et des journaux est interdite. Les prisonniers ne peuvent écrire que deux lettres par mois. La moindre infraction au régime imposé par le directeur comporte l’envoi dans les cachots, qui sont terriblement humides et si bas que les prisonniers sont obligés de se mettre à genoux sur le sol mouillé. La connaissance de ces vexations indigna à tel point la population ouvrière qu’on attenta, un soir, contre la voiture de M. Quiros. Le sort des prisonniers n’a pas été adouci pour cela. Et il est arrivé ce qui devait arriver : la veille de notre visite, il y eut une révolte dans la forteresse. Les prisonniers refusèrent de manger et protestèrent contre le régime qui leur était imposé. Il y avait dans le fort une compagnie d’infanterie. Invités par M. Quiros à réduire les prisonniers, les soldats s’y refusèrent. Le directeur fit appel alors aux gardes d’assaut de Pampelune, qui frappèrent sauvagement les prisonniers, dont quelques-uns furent blessés. 





Accompagné du journaliste catalan et des deux professeurs français, nous avons grimpé jusqu’au fort de San Cristobal. Sur le chemin, nous rencontrâmes une quarantaine de personnes : des femmes, des vieillards, des enfants... Ce sont les mères ou les épouses, les pères et les enfants des prisonniers. Ils sont venus de bien loin pour les voir. Le directeur leur a refusé cette joie. Il s’est même refusé à leur donner des renseignements précis. Et ces pauvres gens sont là, à crier leur désespoir. Que s’est-il passé au juste. Leurs familiers sont-ils blessés ? Nous tâchons de les calmer et leur promettons de tout faire pour voir les prisonniers. 





A notre arrivée devant l’entrée du fort, des soldats se précipitent vers nous, nous visant avec leurs fusils. Nous faisons passer nos cartes au directeur. Sous la surveillance des soldats et de trois officiers qui se trouvent là, nous examinons l’endroit où nous sommes. Du sommet de San Cristobal, haut de plus de 500 mètres, on découvre l’un des plus beaux panoramas qui soit. Là-bas, au milieu d’une plaine verdoyante, la ville de Pampelune et des villages autour ; au loin, caressant le ciel, les cimes neigeuses des Pyrénées. Mais les pauvres prisonniers ne peuvent rien voir de tout cela, car le fort est souterrain et comme englouti dans les entrailles de la montagne... 





Le directeur en personne vient à notre rencontre. Sous son sourire courtois, on le devine gêné par la présence de deux journalistes espagnols, et surtout, de deux professeurs étrangers. D’un ton aimable, il nous signifie l’impossibilité de voit les prisonniers. Le règlement... Les ordres reçus... 


— Monsieur le directeur, lui dis-je, si vous ne nous facilitez pas notre tâche d’information, nous serons obligés de dire à l’étranger tout ce qui nous a été raconté au sujet de cette prison. Le régime, les rigueurs... 




Il fait un geste de regret, prononce encore quelques paroles d’excuse... Du même geste jésuitique, il se refuse à admettre quelques paquets de tabac que nous avions apportés pour les prisonniers. 




Il ne nous reste plus qu’à partir, peinés de laisser derrière nous dans ce sinistre tombeau qu’est le fort de San Cristobal 450 hommes, dont le seul crime a été de vouloir défendre leur liberté et celle de leurs frères. 




Nous envoyons un télégramme de protestation à Lerroux. Peut-être que de semblables télégrammes, envoyés de l’étranger, adouciraient le sort des malheureux prisonniers de San Cristobal..."







Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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