AUTOUR DE BAYONNE EN 1855.
Vers le milieu du 19ème siècle, la traversée des Landes pour rejoindre le Pays Basque est une véritable expédition.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou le Moniteur universel, dans son édition
du 20 mai 1855 :
"Autour de Bayonne.
Les Landes. — la Route d‘Espagne. Biarritz. — Les Basques.
L’indiscrète curiosité, cette ardeur vers l'inconnu qui dévore tous les esprits, jette le touriste sur le chemin des Landes de Gascogne. Il quitte, vers le milieu de son parcours, la voie de fer qui unit Bordeaux à la Teste, et le voilà résolument lancé, le sac au dos, le bâton à la main, à travers ces vastes solitudes. Son pas est joyeux ; son regard parcourt avec bonheur ces horizons dont rien n’interrompt les grandes lignes ; il se croit le premier qui ait foulé cette terre où ne pavait nulle trace humaine ; il se complaît à s’y voir seul, à n'entendre que lui dans le silence solennel de ce Sahara. Cette promenade est une découverte, ces steppes désolées lui semblent une conquête faite au profit de la science, de l'industrie, de la civilisation.
Il va pas à pas, étudiant avec bonheur chaque brin d’herbe, chaque fétu de bruyère ; ramassant le moindre caillou ; recueillant, comme une trouvaille, le plus petit insecte ; regrettant de n’être ni botaniste, ni géologue, ni naturaliste, de ne pouvoir rassembler des éléments pour une histoire, sans doute absente, des plantes, des minéraux et des bêtes de ce pays.
Il passe ainsi, dans les joies de l’inventeur, perdant son temps comme le lièvre de la fable, la moitié d’une belle journée ; et, quand le soir approche, il est encore loin de sa première étape.
Il s’aperçoit alors que la route est longue, que la marche est pénible sur ces chemins à peine frayés, au milieu de ces bruyères éternelles qui végètent dans le sable, sur ce terrain mouvant qu'une armée foulerait sans y laisser sa trace.
LANDES D'ANTAN |
Et la seconde journée ressemble à la première ; la fatigue va succéder à la curiosité désormais sans aliment, l'ennui escorte cette marche monotone ; la parole est un don inutile sur cette terre maudite, où parait, de lieue en lieue, un être à demi sauvage, vêtu de peaux de bêtes, qui regarde d'un air abruti et répond, dans une langue inconnue, à des questions qu'il ne comprend pas.
Aux landes, aux steppes succède la forêt de sapins ; à la voix mélancolique de la brise qui siffle dans les bruyères, le mugissement sinistre et sans fin, le murmure de colère du vent dans les cimes. A travers ces grandes tiges dénudées, innombrables colonnes alignées qui supportent un vélum d'un vert sombre, le jour se perd et disparaît au loin. Une seule trace apprend au voyageur qu'il est venu la des êtres humains, c’est une longue saignée faite aux troncs des arbres et par laquelle pleure la résine ; un seul bruit interrompt ce concert de mugissements, c’est le bruit étrange, vibrant, métallique que rend le sapin sous la hachette du résinier. Cet homme est là, animal parasite, qui vit, six mois de l’an, bûché sur sa perche à échelons, accroché à ces arbres ; être moins intelligent encore que le pivert, qui, lorsqu'il creuse son nid dans l’écorce du chêne, s’en va voir, à chaque coup, de l’autre côté, si l'arbre n’a pas été transpercé.
BERGER ET BERGERE LANDES D'ANTAN |
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