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samedi 9 novembre 2019

AUTOUR DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1855 (première partie)


AUTOUR DE BAYONNE EN 1855.


Vers le milieu du 19ème siècle, la traversée des Landes pour rejoindre le Pays Basque est une véritable expédition.




landes autrefois
BERGER
LANDES D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou le Moniteur universel, dans son édition 

du 20 mai 1855 :



"Autour de Bayonne. 




Les Landes. — la Route d‘Espagne. Biarritz. — Les Basques.




L’indiscrète curiosité, cette ardeur vers l'inconnu qui dévore tous les esprits, jette le touriste sur le chemin des Landes de Gascogne. Il quitte, vers le milieu de son parcours, la voie de fer qui unit Bordeaux à la Teste, et le voilà résolument lancé, le sac au dos, le bâton à la main, à travers ces vastes solitudes. Son pas est joyeux ; son regard parcourt avec bonheur ces horizons dont rien n’interrompt les grandes lignes ; il se croit le premier qui ait foulé cette terre où ne pavait nulle trace humaine ; il se complaît à s’y voir seul, à n'entendre que lui dans le silence solennel de ce Sahara. Cette promenade est une découverte, ces steppes désolées lui semblent une conquête faite au profit de la science, de l'industrie, de la civilisation. 





Il va pas à pas, étudiant avec bonheur chaque brin d’herbe, chaque fétu de bruyère ; ramassant le moindre caillou ; recueillant, comme une trouvaille, le plus petit insecte ; regrettant de n’être ni botaniste, ni géologue, ni naturaliste, de ne pouvoir rassembler des éléments pour une histoire, sans doute absente, des plantes, des minéraux et des bêtes de ce pays. 




Il passe ainsi, dans les joies de l’inventeur, perdant son temps comme le lièvre de la fable, la moitié d’une belle journée ; et, quand le soir approche, il est encore loin de sa première étape. 




Il s’aperçoit alors que la route est longue, que la marche est pénible sur ces chemins à peine frayés, au milieu de ces bruyères éternelles qui végètent dans le sable, sur ce terrain mouvant qu'une armée foulerait sans y laisser sa trace. 


landes autrefois
LANDES D'ANTAN


Et la seconde journée ressemble à la première ; la fatigue va succéder à la curiosité désormais sans aliment, l'ennui escorte cette marche monotone ; la parole est un don inutile sur cette terre maudite, où parait, de lieue en lieue, un être à demi sauvage, vêtu de peaux de bêtes, qui regarde d'un air abruti et répond, dans une langue inconnue, à des questions qu'il ne comprend pas. 




Aux landes, aux steppes succède la forêt de sapins ; à la voix mélancolique de la brise qui siffle dans les bruyères, le mugissement sinistre et sans fin, le murmure de colère du vent dans les cimes. A travers ces grandes tiges dénudées, innombrables colonnes alignées qui supportent un vélum d'un vert sombre, le jour se perd et disparaît au loin. Une seule trace apprend au voyageur qu'il est venu la des êtres humains, c’est une longue saignée faite aux troncs des arbres et par laquelle pleure la résine ; un seul bruit interrompt ce concert de mugissements, c’est le bruit étrange, vibrant, métallique que rend le sapin sous la hachette du résinier. Cet homme est là, animal parasite, qui vit, six mois de l’an, bûché sur sa perche à échelons, accroché à ces arbres ; être moins intelligent encore que le pivert, qui, lorsqu'il creuse son nid dans l’écorce du chêne, s’en va voir, à chaque coup, de l’autre côté, si l'arbre n’a pas été transpercé. 



landes autrefois
BERGER ET BERGERE
LANDES D'ANTAN



Rude épreuve ! Curiosité fatale ! Voyage maudit ! Au troisième jour, harassé de corps, fatigué d’esprit, aveuglé par les sables qui tourbillonnent au moindre vent, devenu muet par la nécessité du silence, notre touriste achève ces pénibles étapes, qui ont eu pour gîtes des hameaux misérables, les villes des Landes : la Harie, Sabres, la Bouheyre. Il marche avec l’ivresse de l’ennui, il marche comme le maudit qui fuit un inévitable anathème ; il ne veut plus ni écouter ni entendre, ni voir ni regarder. Il va, l’œil machinalement fixé sur la place que va fouler chacun de ses pas. 




En vain le sol se modifie, en vain le pays change, en vain la prairie succède aux bruyères, les maisons aux cabanes, la verdure et les haies vives aux écorces rousses des sapins, le malheureux croit à un piège et ne veut plus se laisser prendre. Il va, il court tête basse jusqu'à ce qu'enfin le pavé d’une voie publique, les murailles de pierre d’une métairie, le bruit de quelque industrie humaine lui annonce que le charme a cessé. 




Il sent alors, au détour du chemin, à travers ses paupières baissées, le rayonnement d’une vive lumière, il sent les chaudes atteintes du soleil ; il redresse la tète et regarde ! Un spectacle magique chasse bien loin jusqu’au souvenir de ses mauvais rêves ; il s'écrie, comme l’exilé, qui, gravissant l’un après l’autre les coteaux de la route, arrive au sommet du dernier, et découvre en bas, dans le vallon, son village bien-aimé : Patriam 




Là bas, au loin, sur la droite, s’étend un vaste horizon de dunes plantées de sapins clairsemés ; au-dessus de leurs dentelures, la mer, la mer du golfe, et le soleil qui s’y couche en projetant sur les flots une longue traînée de lumière. Au pied de ces dunes, un fleuve, que des jetées enserrent et conduisent vers la mer, et sur ce fleuve des navires, des mats, des voiles, des pavillons de toutes les couleurs. Plus près, et de ce côté, dominant le fleuve, une citadelle puissante, dont les ouvrages avancés s'étendent jusqu'à nos pieds. 




Au centre, et devant nous, une route qui descend en pente rapide ; dans le bas, une petite ville, pauvre et chétive : c’est une cité juive ; on la nomme Saint-Esprit. Au delà, le fleuve que traverse un beau pont de pierre ; au delà encore, une grande ville, Bayonne, avec sa vieille cathédrale, ses vieux remparts, ses toits pressés, et l'entrée monumentale, la porte de France, avec réduit, fossés et pont-levis, qui se présente au débouché du pont."



labourd autrefois
BAYONNE VERS 1850
TABLEAU DE LOUIS GARNERAY


A suivre...



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