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samedi 30 novembre 2019

LA BATAILLE DE VITORIA-GASTEIZ EN ALAVA AU PAYS BASQUE EN 1813 (deuxième et dernière partie)


LA BATAILLE DE VITORIA (GASTEIZ) EN 1813.


La bataille de Vitoria fut livrée le 21 juin 1813, entre les troupes françaises qui escortaient le roi d'Espagne, Joseph Bonaparte dans sa fuite et un conglomérat de troupes britanniques, espagnoles et portugaises sous le commandement du maréchal Arthur Wellesley, vicomte de Wellington.



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BATAILLE DE VITORIA-GASTEIZ 21 JUIN 1813
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta le journal Le Temps, dans son édition du 28 septembre 1902, sous la 

signature de Gaston Deschamps :




"... Ce Corrège, dont la présence au milieu de cette bagarre était si imprévue, est maintenant à Londres, dans la collection du duc de Wellington, et fait l’admiration des touristes curieux de peinture. On trouva aussi, dans la voiture du roi d’Espagne, un bâton de maréchal, qui appartenait à Jourdan. 






Le maréchal Jourdan, alité la veille de là bataille, avait eu juste la force de monter à cheval pour se tirer de cette aventure... Une épaisse poussière qui couvrait la campagne et empêchait de rien distinguer, augmentait encore le désordre. Enfin, vers sept heures du soir, la route était dégagée... Reille, solide jusqu’au bout, menait l’arrière-garde... L’armée franchit les Pyrénées au col de Roncevaux





Telle fut cette journée de Vitoria, qui mit fin à la royauté de Joseph en Espagne. Les généraux français qui tenaient garnison dans les provinces espagnoles, n’ayant plus aucune raison de combattre pour un roi sans royaume, prirent le parti de s’en aller, non sans infliger aux Anglais des pertes sérieuses. Le général Foy, barricadé dans Tolosa, arrêta l’élan de Graham, et se dirigea tranquillement vers la Bidassoa. Le général Glausel descendit l’Ebre jusqu’à Saragosse, et rentra en France, par le col de Canfranc, malgré les guérilleros qui se cachaient aux détours des sentiers pour canarder nos bons "grognards". Le général Rey, enfermé dans Saint-Sébastien, résista jusqu’au 8 septembre. Ce jour-là, les soldats de Wellington vinrent à bout de cette résistance héroïque ; mais ils avaient perdu quatre mille hommes en soixante-treize jours de siège, et ils furent obligés d’accorder à la garnison française les honneurs de la guerre. Leur dépit se vengea étrangement sur les malheureux Espagnols. La population de Saint-Sébastien fut livrée à toutes les horreurs d’une place prise d’assaut. Le pillage et l'incendie détruisirent la ville, dont il ne resta debout que 17 maisons. On aurait peine à admettre la réalité de ces faits, s’ils n’étaient attestés par un témoin. Et quel témoin ! Un des officiers de l’état-major de Wellington, le colonel Charles Napier en personne, historiographe officiel et loyal des opérations de l’armée anglaise en Espagne. Voici textuellement ce que dit le colonel Napier, avec cette franchise dont les gentlemen anglais sont coutumiers : 


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BATAILLE DE VITORIA-GASTEIZ 21 JUIN 1813
PAYS BASQUE D'ANTAN

A Ciudad-Rodrigo, ce furent l’ivresse et le pillage qui entraînèrent les troupes. A Badajoz, on vit la luxure et le meurtre unis à la rapine et à l’ivresse. Mais à Saint-Sébastien, la plus affreuse et la plus révoltante cruauté vinrent se joindre à la nomenclature de tous les crimes. 





La garnison française de Pampelune, commandée par le général Cassan, resta quatre mois dans la capitale de la Navarre et s’en alla quand elle voulut. 


La gloire de la France n’a donc pas beaucoup souffert de toutes ces malchances. Mais il s’ensuivit dans l’histoire de l’Espagne un grave changement. Ferdinand VII, ce sinistre souverain que le grand romancier Ferez Galdos appelle le "Pendeur de gens", Ferdinand VII rentra au palais de Madrid. L’Inquisition, que nous avions supprimée, fut rétablie solennellement. L’Espagne entra dans une ère de violences, de supplices et de guerres civiles, dont elle est encore meurtrie. Chateaubriand a dit, en parlant de ce Ferdinand VII : "Il y a des monarques de faux aloi qui sont sur le trône par surprise."




On n’a pas encore écrit l’histoire détaillée de cette "surprise". 




Les Français régulièrement appelés en Espagne par un traité explicite et par des actes officiels qu’oublient volontairement les faiseurs de pamphlets gallophobes, les Français peuvent regarder sans remords cet épisode de leur vie nationale. 


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BATAILLE DE VITORIA-GASTEIZ 21 JUIN 1813
PAYS BASQUE D'ANTAN


En somme, nous avons laissé en Espagne, comme en bien d’autres pays, la trace bienfaisante de notre séjour. Le libéralisme est entré en Espagne sous les plis du drapeau tricolore. Et, dans plus d’une occasion, nous avons indiqué à l’Espagne libérale — notre alliée — la voie des réformes qui étaient nécessaires à son relèvement. 




A Valence, pour citer un exemple particulièrement significatif, le maréchal Suchet, que les historiens trop éblouis par le tourbillon étincelant de l’épopée impériale oublient parfois trop volontiers, eut la gloire insigne d’être — comme le général Hoche et dans une autre Vendée — un soldat pacificateur. Sitôt qu’il fut installé au palais du gouvernement à Valence, il s’occupa d’appliquer à la lettre le programme que la Junte espagnole, en invoquant le secours de notre armée, avait indiqué au zèle de nos administrateurs civils : 


Donner à l’Espagne une constitution libérale qui lui rend ses antiques cortès, assure la propriété et la liberté individuelles, établit un gouvernement solide, et fixe la prospérité nationale. 


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BATAILLE DE VITORIA-GASTEIZ 21 JUIN 1813
PAYS BASQUE D'ANTAN


Sur la demande du maréchal, un auditeur au Conseil d’Etat, M. Combes-Sieyès, un receveur des finances, M. Bauchet, un inspecteur des finances, M. Lafosse, furent envoyés en mission à Valence. Ces messieurs furent, pour les fonctionnaires locaux, d’excellents professeurs d’administration et de comptabilité. A certains agents du fisc, trop attachés aux us et coutumes des Arabes, ils enseignèrent l’art, si difficile, de ne rien exiger du contribuable au delà des taxes réglementaires, et surtout de porter aux caisses publiques, sans en perdre rien en route, le produit de l’impôt. Les laboureurs de la Huerta purent travailler librement, sans craindre de voir leurs maisons saisies ou leurs gerbes confisquées à la mode orientale. Les quatorze corregidors de la province furent aidés et contrôlés, dans leurs opérations financières, par quelques-uns de nos plus intègres percepteurs, qu’avait choisis M. Mollien en personne. Autour des dômes bleus, blancs et dorés de Valence la Belle, on vit renaître, avec une rapidité inouïe, tous les biens que plusieurs siècles d’anarchie et de désordre semblaient avoir abolis pour toujours. L’ancienne Medinat-al-turâb redevint une capitale et se rouvrit à la civilisation. Que de besogne, en si peu de temps ! Le protectorat si paternel du maréchal Suchet, duc d’Albuféra, dura juste un an et demi, depuis le 9 janvier 1812 jusqu’au 5 janvier 1813. Malheureusement pour l’Espagne, un incroyable malentendu politique interrompit ce renouveau de réussite et de progrès, qui pouvait durer longtemps encore. Le patriotisme respectable et ombrageux des Espagnols fut trompé, exploité par une entreprise dont l'audace et le cynisme resteront l’étonnement de l’histoire. Une incroyable propagande, calculée chez les uns, furieuse chez les autres, leur représenta comme des ennemis ces mêmes Français que l’élite des Espagnols, un Urquijo, un Cevallos, un O’Farril, un Azanza, un Mazarredo, avaient accueillis avec une sympathie déclarée. On prêcha contre nous la guerre sainte, la guerre au couteau. Plusieurs familles françaises, établies dans la Péninsule, sous la foi des traités, furent traquées dans les bois, guettées au détour des sentiers, massacrées par des bandes de "cabecillas". On frémit, en songeant que la navaja de quelque chulo fanatique aurait pu atteindre l’humanité tout entière et la civilisation future, dans la personne d’un enfant prédestiné, qui s’appelait Victor Hugo, qui était le fils d’un général au service de l'Espagne, et qui lui-même devait prodiguer à la cause des Espagnols une part si précieuse de son génie et de son cœur. 




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MARECHAL SUCHET



D’ailleurs, ceux qui ont organisé ce colossal malentendu se souciaient apparemment du sang espagnol autant que du sang français. Les prétendus défenseurs de l’Espagne commencèrent par des tueries qui jettent un reflet macabre sur leurs ténébreux desseins. A la Corogne, le capitaine général de la Galice fut coupé en morceaux par une populace en délire. A Séville, on tua le comte Aguilar. A Cadix, le capitaine général. Solano fut livré à des énergumènes qui le laissèrent morts sur la place. On massacra à Grenade le général Truxillo, à Tortose le général Villoria. Pour Valence enfin, voici le témoignage d’un historien digne de foi : 


Le capitaine général, don Miguel Saavedra, fut égorgé, et sa tête, mise au bout d'une pique, fut promenée dans les rues. De nombreux habitants furent malmenés et même tués à la faveur du désordre qui accompagna ces violences. Plus de quatre cents commerçants français, établis dans la ville, furent enfermés dans la citadelle, puis livrés à des bandes d’égorgeurs que dirigeait un chanoine féroce, le père Balthasar Calvo. 



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BATAILLE DE VITORIA-GASTEIZ 21 JUIN 1813
PAYS BASQUE D'ANTAN


M. Guillon cite quelques extraits d’un catéchisme qu’on faisait apprendre aux enfants dans les écoles : 

D. Est-ce un péché de tuer un Français ? 

R. Non, mon père, c’est faire œuvre méritoire... [No, padre. Se hace una obra meritoria...) 

D. Qui nous autorise à ce grand dessein ? 

R. Ferdinand VII, que nous désirons de tout notre cœur voir revenir parmi nous pour la consommation des siècles. Ainsi soit-il ! (Fernando VII, que deseamos de todo nuestro corazon ver entrar entre nosotros por los siglos de los siglos. Amen.) 


Ceci est le comble. On représentait aux Espagnols, comme l’incarnation de l’idée nationale, un souverain intronisé par une armée anglo-portugaise ! Et quel souverain ! Les écrivains français et espagnols sont d'accord pour juger Ferdinand VII. Je n’insiste pas... 


Décidément, M. Guillon, dont j’ai emporté dans mon voyage le livre véridique et instructif, a bien fait d’évoquer ces souvenirs, qui ne déparent nullement l’histoire de France, et dont l'Espagne libérale — notre amie — a souffert, hélas ! plus que nous. "





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