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dimanche 24 novembre 2019

L'OPÉRA-COMIQUE "GUERNICA" DE PEDRO GAILHARD EN 1895


L'OPÉRA-COMIQUE GUERNICA EN 1895.


Le 7 juin 1895, à l'Opéra-Comique de Paris, a lieu la première représentation de Guernica, drame lyrique en 3 actes, à partir du livret de Pedro Gailhard et de Pierre-Barthélemy Gheusi.

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OPERA-COMIQUE GUERNICA 1895


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Monde Illustré, dans son édition du 15 juin 1895 :



"Opéra-Comique : Guernica, drame lyrique en trois actes, par MM. P. Gailhard, et P.-B. Gheusi ; musique de M. Paul Vidal.





Dans la petite ville de Guernica (provinces basques espagnoles), il y a un vieux chêne sous lequel se tiennent, depuis des siècles, les assemblées provinciales. Cet arbre symbolise toutes les libertés de la contrée, et l'hymne local, à la fois chant de guerre et de liberté, porte son nom : Guernicaco arbola, c'est-à-dire, en langue du pays, arbre de Guernica.




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GUERNICACO ARBOLA - L'ARBRE DE GUERNICA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Chaque fois que le pays s'est soulevé pour don Carlos, et a fait la guerre civile, le Guernicaco arbola a retenti dans les montagnes, immédiatement transformées en forteresses. Le pays est essentiellement carliste, et ses fueros constituent tout son programme politique. Les fueros sont les privilèges ou franchises dont jouissent, depuis les temps les plus reculés les habitants des provinces d'Alava, Guipuscoa, Biscaya et Navarra.




Voici les paroles du Guernicaco arbola. Elles intéresseront ceux qui aiment les dialectes étranges, et les sentiments patriotiques : 


Guernicaco arbola 

Da bedincatuba, 

Euskaldunen artian 

Gustis naitatuba !




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CHANSON GUERNICACO ARBOLA

La chanson dont la musique est fort entraînante, a cinq strophes : "O arbre béni de Guernica, des Basques bien-aimé, donne et répands tes fruits dans le monde entier. Dieu te planta, il y a mille ans, et tant que les Basques vivront, tu ne tomberas pas. A ton ombre, les quatre provinces unies veilleront pour la paix commune !"




Voici deux ans déjà que le Figaro publiait les lignes précitées, extraites d'un fort intéressant article de M. Eusebio Blasco. C'était au lendemain du brusque départ de la reine régente d'Espagne, obligée de quitter Saint-Sébastien où elle comptait passer trois mois.




Le gouvernement espagnol avait voulu s'attaquer aux fueros ; tout aussitôt, le Guernica arbola retentit de toutes parts, et la turbulence des carlistes provoqua la fuite de la souveraine.




Est-ce à cet incident, d'ailleurs bien oublié aujourd'hui, que nous devons l'ouvrage dont on a tant entretenu le public depuis de si longs mois ? Il importe peu. Nous constatons seulement qu'il n'a pas produit sur le public somnolent de cette fin de saison déjà si chaude, l'effet galvanisant sur lequel les auteurs avaient compté.




Le poème a le grand tort de contenir de flagrantes analogies, et l'on y voit se succéder des scènes qui évoquent tour à tour le souvenir de l'Attaque du moulin, de la Vivandière ou de la Navarraise.



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EPISODE LYRIQUE LA NAVARRAISE 


La nouveauté du cadre donné à l'action pouvait offrir quelque attrait ; mais l'action elle-même est bien vaguement intéressante, et le cas n'est ni original ni palpitant d'un mariage rompu, lorsque le fiancé et le frère de la fiancée sont réduits à s'entre-tuer, en combattant pour deux partis différents.





En une occurrence de ce genre, Chimène eut plus de chance que Nella, car rien ne peut empêcher la noble Castillane d'être unie à son Rodrigue, au lieu que la pauvre Basquaise, plus scrupuleuse, se croit obligée d'aller finir ses jours dans un cloître, pour y parler "à son époux du ciel", de "son amant de la terre" ; une idée à tout le moins singulière, et qui témoigne d'une bizarre compréhension des mœurs paradisiaques.




Sur le scenario de l'invention de M. Gailhard, M. Gheusi a écrit des vers parfois étranges, où le Camaïeu et la Majolique prêtent au ciel et à la plaine de bien singulières colorations.




M. Vidal s'est arrangé de ce poème tel qu'on le lui a donné, et se souvenant de la façon dont la Maladetta a fait son chemin à l'Opéra, il a pensé que Guernica avait chance de réussir aussi bien, du moment que M. Gailhard consentait à s'en mêler.




On parle beaucoup de ce jeune musicien et l'on attend toujours qu'il tienne ses promesses.




L'Eros qu'il donna aux Bouffes, en s'essayant à la musique légère, n'y réussit point. Qui pourrait prédire de bien longs jours à Guernica ?




Cependant, voici que l'on nous parle déjà d'un Gauthier d'Aquitaine que l'Opéra montera en 1896.




C'est sans doute avec cette œuvre que M. Vidal dégagera enfin sa personnalité et acquittera ses dettes envers la chance qui l'a si fort favorisé jusqu'ici.




En attendant, ce n'est pas la correction et l'habileté dont il a fait preuve en écrivant Guernica qui remplaceront l'originalité et la flamme qui y font défaut.




Ni les aubades de fifres et de mandolines, ni les rondes et les chœurs de jeunes filles, ni la chanson du muletier du premier acte ne sonnent à nos oreilles comme des choses jamais entendues.




Les psalmodies religieuses du second tableau sont monotones à force d'être prolongées, et du reste, le discours politique de l'orateur populaire qui les change subitement en hymne patriotique, nuit fort à l'effet musical.




Le duo du dernier acte, entre les fiancés, ajoute un duo d'amour à tant d'autres qui ne sont ni mieux ni plus mal, et les imprécations finales de Nella, aboutissant à une fervente prière, n'offrent à l'auditeur le mieux prévenu, qu'un intérêt de peu de conséquence.




Chacun s'accorde à déclarer que M. Vidal est un des jeunes compositeurs les mieux pourvus de technique ; mais s'il connaît toutes les ressources de son art, on doit regretter qu'il n'en tire pas un meilleur parti.




Le voilà, sans profit artistique, représenté à l'Opéra-Comique. Souhaitons-lui plus de chance à l'Opéra, bien que son inspiration ne nous paraisse pas avoir l'ampleur indispensable pour aborder cette vaste scène, où déjà, dans son ballet, il a montré certaines faiblesses.




Entre directeurs de grands théâtres subventionnés, on se doit égards et politesses. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que M. Carvalho se soit mis en frais pour monter la pièce de son bon collègue M. Gailhard.




Quel dommage qu'à son tour, le directeur de l'Opéra-Comique, n'ait ni le goût, ni le loisir d'écrire un livret d'opéra !




Il serait sur d'être accueilli d'emblée, et de voir son œuvre luxueusement montée. L'intérieur basque du premier acte, avec son patio baigné de lumière, ses murs parés de guirlandes et son pavé jonché de fleurs, offre un aspect pittoresque et charmant.




La place du Robbe sacré avec le couvent de Santa Clara, à Guernica, puis le plateau lumineux des monts d'Elorio, sont les plus jolis décors que nous ayons vus depuis longtemps à l'Opéra-Comique.




Les y verrons-nous longtemps ?




Voilà la question. La saison touche à sa fin, et dans deux mois, lorsque les portes du théâtre rouvriront, pensera-t-on encore à Guernica ?




Si M. Gailhard n'y met bon ordre, il se peut alors que le public parisien dont les mémoires sont si courtes, ait oublié jusqu'à ce nom.




Mais sans aucun doute, le directeur de l'Opéra ne voudra pas moins faire pour son opéra-comique que pour son ballet qui s'achemine allègrement, par ses soins, vers la centième. Et c'est pourquoi nous avons chance de voir le Guernicaco arbola reverdir encore à l'automne.




C'est Mlle Lafargue, de l'Opéra, qui joue le rôle de la jeune fiancée Nella, à défaut de Mlle Calvé, qui s'est dérobée.


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MARIE LAFARGUE

Mlle Calvé est une artiste pratique, qui estime que l'art doit rapporter quelque chose. Elle travaille pour l'instant à ce résultat.

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MLE CALVE

Mlle Lafargue est intelligente et zélée ; mais nous la préférions dans la langueur tendre et mélancolique de Desdemona, qui lui convenait mieux que les fougues et les colères de Nella, où l'énergie lui fait souvent défaut.




Mlle Elven a du bon vouloir; mais elle porte trop avantageusement le travesti. Elle y devra renoncer pour l'avenir. Jamais garçonnet de l'âge du jeune Perico, ne fut aussi capitonné que cette aimable jeune femme.



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SUZANNE ELVEN


M. Jérome (le capitaine espagnol Mariano), a une voix charmante, et une façon admirable de changer les rochers en vestiaire où il dépose, sons façon, tout ce qui peut le gêner lorsqu'il entre en scène. 



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M HENRI JEROME

M. Bouvet (Juan, le frère de Nella) est un orateur politique de tout premier ordre, à ce point qu'il dégèle les choristes et les oblige à lever les bras, en paraissant comprendre ce qu'il leur débite. Mais pourquoi faire si peu chanter cet excellent artiste qui, d'ailleurs, déclame avec un art consommé ?



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M MAX BOUVET


M. Mondaud prête ses bonnes qualités de tenue au vieux fermier Marco.



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ACTEUR OPERA FRANCOIS MONDAUD 

Avec son excellent chef, l'orchestre de M. Danbé a mérité les éloges habituels, et nous ne les lui ménagerons point."



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CHEF D'ORCHESTRE JULES DANBE



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