LA ROUTE ENTRE LA NAVARRE ET LE LABOURD EN 1931.
Les deux provinces Basques, séparées par la frontière franco-espagnole ont depuis longtemps cherché à se rapprocher.
RUE PORT NEUF BAYONNE 1931 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai parlé dans deux articles précédents, le 10/01/18 et le 01/03/18 des projets de
rapprochement par rail.
Il y eut également des projets de rapprochement par la route.
Voici ce que rapporta La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition
du 7 septembre 1931:
"Nos routes.
Celle de Pampelune à Bayonne.
Depuis que "l'Association des Journalistes professionnels" de Bayonne fit une excursion, il y a quelque deux années, à Pampelune. on a beaucoup parlé des communications entre ces deux villes pour les établir plus rapides par le rail ou par l'automobile.
A ce sujet nous recevons de M. Garat, maire de Bayonne, l'intéressante communication que nous publions ci-dessous :
JOSEPH GARAT DEPUTE PAYS BASQUE D'ANTAN |
"Avant que d'être construite, la route de Pampelune à Bayonne qui reliera directement la capitale de la Navarre à la capitale du Labourd aura fait couler beaucoup d'encre. Je me suis abstenu, quoique assez vivement mis en cause à ce sujet, de répondre jusqu'à aujourd'hui. Je voulais laisser passer le torrent de bêtises et d’inexactitudes que l’on trouve actuellement sous la plume des gens qui ne voient les affaires publiques de ce pays qu'à travers leurs intérêts particuliers et leurs mesquines ambitions.
Le moment est venu de faire la mise au point et je le ferai à ma manière, c'est-à-dire avec précision et sans crainte d’appeler les choses et les hommes par leur nom véritable.
Et tout d'abord une première question de principe.
Pourquoi une route de Pampelune à Bayonne ?
Il y a bien actuellement des moyens le communication entre Pampelune et Bayonne, mais ils sont indirects et ce que nous envisageons, c'est une route reliant par la voie la plus rapide ces deux capitales de provinces française et espagnole.
La route projetée constituerait une économie de 30 kilomètres sur le chemin existant actuellement, mais ce n’est pas seulement cet avantage-là qui est à considérer, il existe d'autres raisons majeures pour souhaiter une amélioration à l'état de choses présent.
Du côté de l'Espagne, comme du côté de la France, cette partie de la frontière se heurte à une muraille. Par exemple, dans le Pays Basque français les villages des Aldudes et d'Urepel sont sans issue vers l'Espagne, il en est de même du côté espagnol. Une route de Pampelune à Bayonne aurait le grand avantage de mettre ces régions voisines et amies en rapport pour l'échange de leurs produits. Un circuit intéressant pourrait s'instaurer permettant aux touristes de partir de La Côte Basque française ou du Guipuzcoa espagnol, de traverser une partie de la Navarre et de rentrer en France ou en Espagne. Le progrès en général, et le tourisme en particulier, est fait d'action et de mouvement.
PRISE D'EAU LES ALDUDES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les autorités espagnoles et françaises s'intéressent à la question. Elle peut aboutir si on veut qu'elle aboutisse et surtout si on ne se perd pas dans de misérables querelles de clocher ou plus exactement de hameau !
Ici, je voudrais encore poser une question pour répondre à ceux qui me reprochent de m’occuper de ce qui ne me regarde pas. Il y a là une bonne plaisanterie, habituelle à quelques personnes à courte vue qui, incapables d’action, se plaignent de l'activité des autres. Colbert avait un mot très juste à l'égard de cette catégorie de paralytiques : "Ils ne se contentent point, disait il, de ne pas marcher; ils voudraient aussi empêcher les autres de marcher."
ROUTE DE PAMPELUNE A ARNEGUY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le député de Bayonne et de Biarritz, c’est à-dire de la partie la plus active, là plus agissante et la plus prospère du Pays Basque, a non seulement le droit, mais le devoir, de s’occuper de ce qui touche au développement de la circonscription qu'il représente. Il en est surtout ainsi lorsqu’il est en même temps Maire de Bayonne et que la route de Pampelune doit aboutir à Bayonne. Il est vraiment pénible d'avoir à répondre aux arguments aussi saugrenus que ceux que l’on rencontre parfois...
Très sollicité du côté espagnol, comme du côté français, de m'occuper de la question, j'ai cru devoir répondre à l'invitation de mon honorable collègue et ami, M. Ernauten, maire d’Urepel, qui m'avait convié à me rendre à sa mairie et aussi sur place au Col Urtiaga où passe la frontière et où doit déboucher la voie future. Je n'ai pas été chargé des invitations puisque j’étais moi-même invité, mais j’ai été heureux d'y rencontrer un certain nombre de personnalités des deux versants des Pyrénées.
UREPEL PAYS DE QUINT PAYS BASQUE D'ANTAN |
II y avait là l’Alcalde de Pampelune, le Député Foral de cette ville, M. Etcheverry-Aïnchart, conseiller général et maire de Baïgorry, les ingénieurs en chef de Navarre et des Basses-Pyrénées, M. le consul d’Espagne à Bayonne, M. le président de la Chambre de Commerce espagnole de Bayonne et plusieurs notabilités espagnoles nous firent le grand honneur de se joindre à nous, témoignant ainsi du grand intérêt que présente pour eux le projet de cette nouvelle voie de pénétration franco-espagnole.
D'autres réunions avaient eu lieu. Les représentants des Aldudes y avaient été conviés; ceux d’Urepel furent laissés de côté comme d’ailleurs ceux de Bayonne. Pourquoi cet ostracisme ?
UREPEL PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il semble que l'on avait déjà décidé que la route passerait par les Aldudes sans s'arrêter à l’examen d’une voie passant par Urepel. J'en veux pour preuve une note parue dans un journal de la région à la date du 5 juillet et qui est ainsi libellée :
La nouvelle route Bayonne-Pampelune.
"Sur les instances de M. Ybarnégaray, député, l'accord s’est fait récemment entre les gouvernements français et espagnol, pour l’ouverture d’une nouvelle route internationale reliant Bayonne à la capitale de la Navarre par Saint-Etienne de-Baïgorry, les Aldudes et Eugui.
Cette route, de montée et de descente plus douces que celles existantes, remarquable au point de vue touristique, favorisera grandement les relations entre les deux cités... en attendant le chemin de fer Bayonne-Pampelune tant souhaité, passant à peu près par le même itinéraire."
Un conflit a alors surgi. La Municipalité d’Urepel a demandé que le tracé passant sur son territoire soit étudié de très près. Elle n’avait pas été conviée aux éludes faites jusqu’alors. J’ai toujours pensé que dans un problème aussi grave on ne devait, de parti pris, laisser de côté aucun élément d'étude et que chaque riverain avait le droit de faire connaître son point de vue. L’exclusive est toujours néfaste.
Au cours de la conférence très intéressante qui eut lieu à la réunion d'Urepel, j'ai textuellement dit, ce que M. Etcheverry-Aïnchart a bien voulu faire connaître par la voie de la presse :
"Laissez opérer les techniciens ; le pire de tout serait de vous entêter contre leur avis ; s'ils décident de faire le chemin par les Aldudes, qu’il soit fait par les Aldudes, s’ils choisissent le tracé d’Urepel, qu’il se fasse par Urepel ; l’essentiel est que le chemin soit bien construit : économiquement et techniquement."
EGLISE UREPEL PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette formule qui s’inspire du simple bon sens et de la plus grande impartialité, devrait être le guide de chacun en l’occurrence.Que les intéressés essayent de faire valoir leurs prétentions, c’est fort bien. Qu’à priori on élimine tel ou tel tracé sans l’étudier, c’est fort mal. Les techniciens comme les hommes politiques doivent se mettre d’accord sur un projet rationnel répondant à la géographie et aux nécessités économiques. Il n’y a aucune raison pour éloigner le passage par Urepel. La route semblerait avoir moins d’altitude. Elle risquerait par conséquent de ne pas être encombrée par les neiges pendant la saison d’hiver et on éviterait l’arrêt de la circulation, comme la chose se produit fréquemment au Tourmalet et au Somport. Un arrêt de circulation répété chaque année est chose préjudiciable. Il parait intéressant de supprimer cet inconvénient. On a objecté que la route par Urepel aurait une déclivité de 8% alors que celle des Aldudes et Esnazi n'aurait que 6 %. On peut répondre à cette objection que les routes de montagne ont des déclivités plus grandes, et que même dans la voirie urbaine, par exemple à Bayonne, sur deux points, à la rue Maubec et à la rue Argenterie, la déclivité est de 10% ; au Tourmalet, elle est de 13 et 14 %.
ESNAZU PAYS BASQUE D'ANTAN |
Une autre considération milite en faveur du passage par Urepel. C’est qu’une route a jadis existé, les vestiges en demeurent encore visibles par un pavage difficile à parcourir en pleine montagne. Il se produit là ce que l’on trouve à Banca et au Laxia pour les mines de fer et parfois de cuivre exploitées jadis. Les fils pourraient bien passer par où ont passé leurs pères !
Ceci dit, je m’en tiens à ce que j’ai proclamé déjà en langage net et précis et à ce que je tiens à redire encore. Je n’admets ni exclusion, ni parti pris dans une question de ce genre. Il faut faire confiance aux techniciens qui ont à donner leur avis; quant au ministère des Travaux Publics et au Conseil général qui auront à se prononcer, ce serait leur faire injure que de supposer que de misérables interventions personnelles peuvent jouer un rôle. En France, même quand on veut l’en empêcher, la raison finit toujours par avoir raison.
Il s’agit en la circonstance de savoir quelle est la meilleure route, la plus courte, la moins élevée, la plus facile, la plus économique, celle qui peut présenter pour le commerce, pour l’industrie, pour le tourisme et les relations internationales l’assiette la plus sûre et la plus commode.
Voilà comment il semble que la question doive être examinée en dehors de tout parti pris du côté espagnol et du côté français, ingénieurs ou administrateurs, maires et député, nous l’avons proclamé à l’envi.
UREPEL PAYS BASQUE D'ANTAN |
J’ai été particulièrement heureux d'entendre approuver ce langage par M. le maire d’Urepel à la tête des fonctions municipales depuis plus de trente ans. Avec une ardeur juvénile, campé sur son mulet, il conduisait la caravane qui partie d’Urepel arriva au col Urtiaga par des sentiers montueux et abrupts où nous rencontrâmes les ingénieurs et les personnalités d’Espagne qui étaient venus se joindre à nous. Cette rencontre était particulièrement symbolique, in alto, à cet endroit si haut situé où il semblait que les esprits et les cœurs dominaient les querelles mesquines et les intérêts intransigeants; elle évoquait singulièrement ces beaux vers de Lamartine :
De frontières au ciel voyons-nous quelques traces ?
Sa voûte a-t-elle un mur, une borne, un milieu ?
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