LES FÊTES DE FONTARRABIE EN 1910.
Tous les ans, le 8 septembre, est célébrée à Fontarrabie, la victoire de ses habitants sur les troupes françaises en 1638.
HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai parlé dans un article précédent de cette fête.
Voici ci-après ce que relata la journal La Démocratie (Issy les Moulineaux) , dans son édition du
11 septembre 1910 :
"Les fêtes de Fontarabie.
Une cérémonie religieuse et patriotique dans un décor du Moyen-Age.
Fontarabie, 9 septembre.
Les 8, 9, 10 septembre, Fontarabie, la vieille ville espagnole, située près de la frontière française est en fête chaque année. Mais tandis que, pendant la semaine sainte, ses cérémonies et ses processions, renommées dans le monde entier, ont un caractère uniquement religieux, les fêtes d’aujourd’hui sont aussi des fêtes patriotiques qui commémorent la victoire finale des troupes espagnoles sur les armées de Napoléon 1er.
PROCESSION HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
J’ai pu assister à la première jour née de ces fêtes... Dès l’aube, la ville se réveille, les fanfares résonnent, des tambours roulent et, bientôt, des hommes armés se répandent partout. Chaque quartier de la ville a armé ses troupes qui forment des "compagnies" de 20 à 25 hommes. Chaque compagnie a son chef et sa cantinière. Des mulets traînent deux ou trois vieux canons de bronze qui n'ont qu'une très vague ressemblance avec notre léger canon de 75. Enfin des tambours, des musiciens, des trompettes, des sapeurs complètent "l’armée" que son chef — un jeune charpentier de la ville que le Conseil municipal a choisi pour représenter aujourd'hui le général qui conduisit ses troupes à la victoire il y a quelque cent ans — va passer en revue sur la place d’Armes. Celle-ci est dominée par le vieux Château de Charles Quint qui semble quelque antique et sinistre prison. Les énormes murs jaunes se dressent sans aucun ornement d’architecture ; à peine, ça et là, quelques fenêtres fermées avec des planches mal jointes. Au haut, une immense terrasse d’où l'on domine la mer et les montagnes du pays basque.
ALARDE HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais voici la revue terminée ; on va se mettre en marche pour le pèlerinage traditionnel à Notre-Dame de la Guadelupe dont la chapelle se dresse là-bas sur une colline au sud de la ville. On passera là toute la matinée et ce n’est que vers deux heures que l'on redescendra pour faire dans la ville une entrée triomphale.
HUIT SEPTEMBRE ND GUADALUPE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans la Calle Mayor, aux abords de la vieille église, la foule se presse. Des tentures blanches ou rouges pendent aux fenêtres, de longues banderoles courent par tout le long des balcons sur lesquels s'en tassent de nombreux spectateurs. Mais, soudain, les cloches s’ébranlent ; au loin retentissent des coups de feu. Les troupes se sont mises en marche. Leur long cortège descend vers Fontarabie qui s’étend là-bas entourée de ses remparts antiques, auprès de la Bidassoa, et il semble que nous allons assister à l’entrée des troupes victorieuses dans la vieille cité reconquise comme cela se passa peut-être il y a un siècle. Soudain, sur la foule qui stationne dans la Calle Mayor, un long murmure passe : les voilà, on les aperçoit ; ils ont passé sous la porte principale.
ALARDE HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
En tête du cortège marchent, quatre par quatre, les sapeurs : ils portent d’immenses shakos en peau de mouton et, sur leur visage glabre, ils ont, frisées, des moustaches et de longues barbes noires ; un grand tablier de cuir leur descend jusqu'aux pieds, et ils sont armés de pioches, de pics et de haches.
HACHEROS HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Derrière eux, le général et son état-major à cheval ; puis un groupe de tambours et de fifres qui font un bruit assourdissant. Une grande bannière de la Vierge vient ensuite ; une cantinière en jupe courte, blanche, avec un corsage et un tablier jaune, marche à côté, d’un pas martial, accompagnée de sa petite fille de trois ans, vêtue comme elle.
Puis c’est le tour de la musique qui, alternant avec les tambours, joue une marche guerrière.
TAMBOUR MAJOR HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Enfin viennent les troupes proprement dites. Elles marchent par compagnies, sur deux rangs de front. En tète de chacune est une cantinière portant un corsage de couleur variée : bleu, or, vert, marron. La plupart s’éventent gracieusement ; d'autres sont armées comme les hommes d’un vieux fusil à baguette. Ceux-ci portent tous un béret rouge, un pantalon blanc avec deux bandes rouges et bleues et des espadrilles de soie blanche. Certains ont une veste noire avec un mouchoir autour du cou. D’autres sont en chemise rouge comme des garibaldiens.
Chaque fois qu’une compagnie passe devant la mairie située dans la Calle Mayor, elle s’arrête et, au commandement du chef, tous les fusils partent à la fois en une salve retentissante, tandis que la foule éclate en de bruyants applaudissements.
HACHEROS GUADALUPE HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il y a ainsi une vingtaine de groupes, ce qui représente un effectif de plus de 500 hommes, tous de Fontarabie.
Enfin viennent quelques trompettes de cavalerie, puis les canons, et enfin -— nous ne devons pas oublier que nous assistons à une fête religieuse — précédé par l'alcade, le clergé avec ses plus beaux ornements, chantant des litanies que couvrent le bruit des cloches, les salves des troupes et les cris de la foule.
ALARDE GUADALUPE HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les prêtres rentrent à l'église, tandis que le cortège disparaît un instant sur la place d’Armes. Mais voici que, fendant la foule énorme qui monte à son tour à l’assaut de la ville, "les bonnets à poil" suivis de la musique et des soldats redescendent la Calle Mayor. Ils marchent maintenant tous sur deux rangs et occupent bientôt la rue d’un bout à l'autre.
PROCESSION ND GUADALUPE HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Précédés d’un grand drapeau blanc avec l’image de la Vierge de la Guadelupe, le clergé, qui a enlevé les lourds manteaux d’or pour revêtir le gracieux manteau noir de cérémonie, se rend à la mairie en passant au milieu des deux files de soldats qui présentent les armes.
PROCESSION ND GUADALUPE HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Soudain, sur le balcon, le drapeau apparaît et s’agite au-dessus de la foule. Le général agite sou chapeau, salue de l'épée, en criant. A ce signal, toute la foule trépigne d’enthousiasme. Puis un silence de quelques secondes : à nouveau les cloches s’ébranlent en un carillon fantastique, une trompe résonne : aussitôt, une salve générale éclate en tonnerre dans la vue étroite et, là-bas, dans l’épaisse fumée qui monte, le grand étendard de la Vierge se balance, majestueux.
C'est fini. La foule s’écoule et maintenant envahit les arènes où aura lieu une course de taureaux, épilogue indispensable de toute réjouissance espagnole.
Nous profitons de l’accalmie qui se produit alors pour entrer dans l’église. La nef principale, entourée de deux bas-côtés, est haute et de style gothique. D'immenses boiseries dorées montent le long des piliers de pierre. Sur les autels, garnis de précieux ornements, des saints se dressent, habillés dans de riches draperies.
INTERIEUR EGLISE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Quelque temps encore, nous errons dans la ville. Nous regardons les vieilles maisons avec leurs nombreux balcons et leurs toits sans gouttières qui s’avancent jusqu’au milieu de la rue.
CALLE MAYOR FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le spectacle auquel nous venons d’assister nous a vivement impressionné. Il nous semble que nous venons d'être trans portés dans une antique Espagne ; et nous sommes cependant à quelques centaines de mètres de notre France du XXe siècle.
CASA CONSISTORIAL FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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