AMNISTIE ET DÉSERTION EN 1915.
Pendant la première guerre mondiale, la question de l'amnistie pour les déserteurs s'est posée fréquemment.
342 TERRITORIAL DANSEURS BASQUES |
Voici ce que rapporta La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 28 juin 1915 :
"Pas d'amnistie pour les déserteurs.
Il y a des sujets particulièrement délicats à traiter ; mais une heure vient où le silence prolongé serait plus qu’une erreur. Le moment est arrivé de dire certaines vérités.
DECORATION SOLDATS PAU 14 AOÛT 1915 |
La guerre a provoqué d’admirables enthousiasmes. Elle nous surprit en pleine discussion politique, au lendemain d’événements qui avaient à l'excès ému l’opinion publique. Notre démocratie donnait le spectacle d’une mer agitée et houleuse. Le tocsin annonciateur de la mobilisation générale sonna l’apaisement unanime dans les cités et les villages. Ce fut un admirable sursaut d’énergie patriotique.
Nos jeunes hommes partirent vers les frontières menacées l’enthousiasme au cœur et la chanson sur les lèvres. On vit mieux encore : des fins fonds de l’Amérique latine, des Andes comme des pampas, les Basques émigrés répondirent à l’appel des consuls français. Par milliers, ils traversèrent l’Atlantique ; beaucoup étaient fils de Français ; Chiliens ou Argentins par la naissance, ils n’avaient jamais vu la France ; d’autres ne parlaient que la langue euskarienne, ignorant le français.
BIARRRITZ BLESSES 1915 |
Le spectacle est assez beau, assez réconfortant pour nous permettre de parler de ceux qui n’ont pas rempli leur devoir. Leur nombre est infime. Dans tous les Etats, on suppute l’inévitable déchet que suppose une mobilisation générale suivie de guerre : nationaux établis au loin qui hésitent à quitter leur patrie d'adoption, riverains de la frontière toute proche, tentatrice dangereuse qui invite à la lâcheté en promettant un abri avec l’impunité.
La proportion de ceux qui ont déserté le devoir est minime ; elle est au-dessous de toutes les prévisions. Elle se réduit à rien, comparée à la masse des désertions en Allemagne. L’ombre au tableau n’est même pas apparente ; cependant, nous avons des déserteurs. Et il existe même, bien près d’une de nos frontières, une agence de désertion. Elle est connue ; la presse en a parlé à différentes reprises pour signaler ses tristes exploits.
BAYONNE HÔPITAL MILITAIRE 1915 |
St-Sébastien est devenu un centre de conspiration allemande. Déjà, avant la guerre, nos ennemis, qui essayaient depuis quelque temps la conquête économique de l’Espagne, malheureusement rendue trop aisée par la guerre de tarifs et les représailles douanières entre les deux sœurs latines, affluaient vers les riches provinces du Nord. La déclaration de guerre y conduisit beaucoup de Teutons de tout acabit. C’est dans la capitale du Guipuzcoa que vint se réfugier l’attaché militaire allemand, le major von Winterfeld.
Le gouvernement français est très bien renseigné sur les menées allemandes. Elles ont un double but. Le premier consiste à favoriser la propagande de guerre qui se fait suivant la manière germanique, lourdement et naïvement, sous une forme souvent risible. Deux auxiliaires l’y ai dent : un personnel salarié dont les convictions s’accommodent volontiers d’un métier lucratif, les partisans carlistes remplis de haine pour la France républicaine. Les Allemands, installés de l’autre côté des Pyrénées, ont, dès le début, conquis tout leur champ d’influence ; ils ne progressent plus. Nous leur laissons sans regret cette clientèle particulière de mercenaires et de fanatiques ; ni intellectuellement, ni moralement, elle ne conviendrait au noble génie de la France. Il y a des ennemis qu’il faut avoir, car ils honorent un pays ou un parti. Réservons-leur notre dédain en nous réjouissant de voir avec nous tout ce qui compte et vaut dans l’opinion jusqu’aux républicains.
BAYONNE HÔPITAL MILITAIRE 1915 |
Le second but poursuivi est l’organisation de l’espionnage et de la désertion. Les agents allemands encouragent par tous les moyens ceux qui ont passé la frontière, pour ne parler ici que de ce genre de manœuvres.
Spéculant sur la faiblesse humaine et la tendance aux illusions que l'on rencontre surtout chez les êtres sans énergie, ils leur font espérer que la France sera généreuse pour leurs fautes. "Plus vous serez nombreux, leur dit-on, dans certaines officines louches de la frontière, plus vous aurez la chance d’être graciés. Et puis, la France a toujours pardonné à ses enfants coupables. Le Parlement ne vote-t-il pas une amnistie générale après chaque grand événement ?"
BIARRITZ HÔPITAL MILITAIRE MARS 1915 |
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