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jeudi 20 septembre 2018

SAINT-SÉBASTIEN (DONOSTIA) EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1916


SAINT-SÉBASTIEN EN 1916.


En 1916, le Guipuscoa et Saint-Sébastien, sa capitale, sont aux portes du conflit mondial qui se déroule de l'autre côté de la frontière.


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PORT DE SAINT SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta le journal Le Gaulois, dans son édition du 20 août 1916 :


"Lettre de  Saint-Sébastien.


Premier contact.

Le premier coup d'oeil jeté sur Saint-Sébastien, à l'arrivée, par un beau matin d'été, est une chose difficile à oublier. Tout est charme, tout est contraste. Double contraste d'abord entre un pays qui est en guerre, et depuis deux ans, et un autre qui ne l'est point, ensuite entre un pays d'Espagne et un pays de France. Car, on a beau dire que Saint-Sébastien n'est pas l'Espagne, il en est tout de même le seuil et très caractéristique. Je sais bien qu'on n'y voit point de danses comme à Séville, ni de donneurs de sérénades, ni enfin la grande couleur locale (sur laquelle d'ailleurs il conviendrait de beaucoup en rabattre, l'Espagne étant devenue partout très moderne, très européenne), mais enfin mille détails pittoresques, amusants, vivants attirent l'attention du promeneur et lui font sentir qu'il a passé la frontière, même s'il n'engage la conversation avec personne. Il y a les maisons ornées de miradores ou de balcons abrités sous les souples stores blancs que la moindre brise agite et qui font toujours croire que la rue est pavoisée. Il y a les costumes des soldats, un peu opéra-comique, mais si pimpants : les gardes du Roi, qui semblent sortir du palais de Versailles, en 1788 ; les gendarmes, avec leur drôle de grand chapeau ; les soldats du génie, en pyjama, blanc rayé de bleu et serré à la cheville ; les admirables gardes basques (espèce de troupes locales), pantalon et béret rouge, longue tunique bleue à pèlerine et avec volants en forme, beaux gaillards délurés qui gardent un air martial sous ce costume un peu féminin. 




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BRISE-LAMES SAINT SEBASTIEN -DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN



On croise des charrettes traînées par des bœufs, des bœufs accouplés par un joug des plus paternels une peau de mouton, sur laquelle parfois on a attaché une frange et qui les protège des mouches. Rien n'est plus inattendu que de voir passer sur les boulevards élégants, remplis d'autos de luxe, de toilettes claires, de promeneurs chics, ces lourds attelages paysans. Personne n'y fait la moindre attention.


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ATTELAGE BASQUE ST SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN

Enfin, partout, se mêlant aux passants internationaux, on croise des Basques, et il n'y a pas moyen, si distrait qu'on soit, de ne pas être frappé du caractère étrangement net et particulier de ce type d'hommes. Sous le béret minuscule, la tête est fière, accentuée, l'œil vif, les traits d'une perfection rare le corps est souple, bien proportionné, d'une force, d'une détente irrésistibles. Et les pensées aussi correspondent à ce physique elles sont d'une indépendance farouche.




Avouerai-je que le contraste que je croyais aussi devoir observer entre la France, pays en guerre, et ce pays, en pleine paix, est moins vif et moins net que je m'y attendais ?


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PLACE DE LA ZURIOLLA ST SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ce n'est qu'à la longue qu'on s'on aperçoit. Certes, on voit bien que tout, ici, est tranquille, mais il n'y a point du tout ce vertige de plaisir, cette envie de s'amuser a tout prix qui caractérisait autrefois les villes d'eaux de ce genre. Je ne sais quoi de grave et de retenu se mêle à toutes les manifestations de la frivolité. On joue, on danse, on se promène, on soupe, on va au théâtre, mais personne n'est tout à fait délivré de la grande préoccupation. Elle s'impose partout, à quelque parti qu'on appartienne, et d'autant plus peut-être qu'on en parle très peu. Ceci est fort curieux. Il y a une sorte de convention mondaine qui, sans doute, pour éviter de fâcheuses ou violentes discussions, écarte ce sujet des causeries mais on voit bien qu'il obsède, si discrètement qu'il le fasse. Il éteint tout éclat, il donne ici à tout une couleur moins vive. Bref, au lieu de rencontrer, à Saint-Sébastien, des gens ivres du désir de s'amuser dans une Europe qui ne le permet plus (il y en a, mais ils sont très peu et ne donnent pas le ton), j'ai surtout vu des gens qui venaient se reposer, et comme il n'y a rien de malhonnête à prendre le thé sur la terrasse du casino, ou à danser si l'on est Péruvien ou Grec, ils le font, mais gentiment, sans bruit. Ils y mettent le ton juste. 


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COLLEGE DU SACRE COEUR ST SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le contraste serait plus visible chez le peuple qui, lui, n'est pas touché, où les familles restent intactes. Mais, là aussi, il y a une observation à faire, à quoi la seule logique aurait pu m'amener. Le peuple français supporte ses épreuves avec une telle fierté et une telle force de sourire, et le peuple espagnol, même en pleine joie, reste si grave et si sérieux, que ces deux attitudes, encore qu'elles ne signifient point la même chose, s'équivalent en quelque sorte, en apparence, et qu'on pourrait croire (c'est le plus souvent très vrai d'ailleurs) que les Espagnols compatissent à nos peines et à nos soucis. 



Pour tout dire, en un mot, j'ai bien vu que ce pays de fête était en joie et en paix, mais pas un instant je n'ai souffert de la moindre exagération, de la moindre faute de tenue ; pas un instant je n'ai observé sur aucun visage cet air trop heureux, trop insouciant, trop "à l'abri" qui eût insulté, même inconsciemment, à mes souvenirs et à mes préoccupations.



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HÔTEL DE LONDRES ET PLAGE ST SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN


Du reste, il est juste que j'ajoute ceci : plus que les étrangers qui gardent la double indifférence du neutre et de l'homme riche, le peuple s'intéresse à la guerre. Il lit les journaux, il va au cinéma.



Il est au courant jour par jour de ce qui se passe sur tous les fronts. Il prend parti. Cela seul suffirait pour lui retirer tout air d'indifférence. Et même chez ceux qui ne prennent point parti, il y a cette pitié, si naturelle et si belle, pour tant de maux et tant d'horreurs déchaînés sur la pauvre humanité.


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GRAND CASINO ST SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN


A propos de l'attitude choisie dans l'opinion publique, il m'a paru intéressant de savoir jusqu'à quel point la propagande pangermaniste avait pu modifier les sentiments naturels de la population basque. Une enquête personnelle eût été interminable et douteuse. Je me suis adressé a M. Adrian Navas Diego, publiciste éminent et directeur du plus important journal de la région, la Voz de Guipuzcoa. C'est un homme merveilleusement au courant des choses d'Espagne en général et des choses basques en particulier. Son opinion était particulièrement précieuse.



- Il est très difficile de savoir, me dit-il dès l'abord,, ce que pensent les trente mille étrangers qui constituent la population flottante de Saint-Sébastien. Et d'ailleurs, de quel intérêt pourrait bien être cette consultation, à supposer qu'elle fût possible ? Ils vont, ils viennent, ils repassent, ils ne participent point aux conseils où s'élaborent les destinées du pays. Ce qui importe, c'est le sentiment des habitants fixes.



PAIS VASCO ANTES
CHALETS HAUT DE MIRACRUZ ST SEBASTIEN - DONOSTIA 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN



 "Le peuple, le vrai peuple espagnol, on a pu lui mentir, tout à fait dans les premiers temps, exploiter chez lui de vieux malentendus. Cela n'a pas duré. Il n'a pas tardé à s'apercevoir que la France n'était pas une nation débile, il voit chaque jour le triomphe des alliés se préciser et s'accentuer, il se pénètre chaque jour de cette vérité que, par le courage, par la volonté, par le nombre, par l'argent, vous êtes des forts, les plus forts, et cela n'est pas pour lui déplaire."









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