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lundi 10 septembre 2018

DES FRONTONS MODERNES AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1932


DES FRONTONS MODERNES EN 1932.


La plupart des villes et villages du Pays Basque ont ou ont eu un fronton.

pays basque autrefois
FRONTON ARCACHON

Cependant, avec le développement de la pelote Basque, des frontons ont également 

été construits en dehors du Pays Basque.



Voici ce que rapporta le journal Match, dans son édition du 30 août 1932, sous la plume de 

Jean Labourd :


"Au royaume de la pelote Basque.


Frontons modernes...



J'aurais voulu que-les "anciens",  que les "irréductibles" dont je parlais dans ma dernière chronique, se fussent trouvés transportés dans le char de quelque fée, en plein parc arcachonnais des Abatilles, le dimanche 3 juillet ! 



Ils y auraient constaté qu'il n'est point, pour la pelote basque, de cieux inhospitaliers et que le pouvoir de la petite balle ronde est tel que ses plus récentes colonies trouvent — instantanément — le ton et l'atmosphère des coins les plus reculés de sa métropole. 




biarritz autrefois
AFFICHE PELOTE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il a suffi, pour transformer ces rives du bassin en un canton du pays basque, de la foi — ardente, irrésistible, il est vrai ! — d'un fils de l'Eskual Herria et de la venue, au jour de l'inauguration, du prestigieux champion dont l'astre n'a pas connu d'éclipse depuis plus de trente ans : de Chiquito de Cambo. Ajoutez-y la présence de ces vingt Bayonnais aux voix splendides interprétant, au pied du fronton, les plus belles mélodies de chez nous, de ces "muks" dirigés par Jean Etchepare, ancien joueur et arbitre de rugby, et qui comptent dans leurs rangs les Billac, Arnaudin, Acarréguy, Bonnet, Lissar, etc., tous fervents de la pelote et de l'ovale, hier ou aujourd'hui ; la caravane des dirigeants et amis de la pelote, venus par la route ou le train fêter cette naissance ; le soleil, enfin, portant ces centaines de spectateurs girondins à la température basque indispensable... et vous comprendrez pourquoi je suis revenu sur cette journée d'Arcachon. J'en veux faire le point de départ de quelques réflexions sur les frontons modernes : ce sera ma dernière digression avant de revenir à ce coeur du royaume de la pelote basque, dont j'ai à peine entamé l'histoire... et la géographie !



pelote basque autrefois
CHIQUITO DE CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le fronton d'Arcachon — le plus "moderne", chronologiquement, puisqu'il vient d'être inauguré — a des dimensions imposantes, mais parfaitement réglementaires : je rappelle ici sa hauteur, 10 mètres, et sa largeur, 16 m. A ses pieds s'étend une "cancha" de sol battu et parfaitement lisse, dont les dix premiers mètres, environ, sont cimentés, et dont la longueur totale est de 70 mètres. Il est des frontons plus élevés : 12 mètres et plus, d'une largeur proportionnée ; il en est, surtout, dont la "cancha" s'allonge sur 80, 100 et 110 mètres de long. Parmi les plus beaux frontons modernes — de plein air, évidemment — je citerai celui du Parc des Sports d'Aguiléra à Biarritz, et celui du "Sporting" d'Hossegor. Ce dernier, édifié — comme tout le "Sporting" lui-même — par les architectes Godbarge et Gomez frères, est un modèle d'harmonie et de confort.




pays basque autrefois
FRONTON HOSSEGOR


Et c'est ici qu'il y a matière à controverse et qu'interviennent volontiers ceux des "anciens" qui ont qualité pour défendre et maintenir le noble jeu basque dans toute sa pureté... et sa difficulté. Ils s'accordent à blâmer à la fois la hauteur excessive des frontons modernes et la trop grande part faite au ciment sur le sol de la place. Ici, un peu d'histoire n'est pas inutile. Les vieilles places —- telles qu'on les rencontre encore dans maint village du pays basque — comportent un mur fait de pierres de taille et n'excédant pas quatre ou cinq mètres de haut sur cinq ou six de large. Quelques dalles s'étendent au pied de ce fronton rustique. Le reste du sol est en terre battue où le "rouleau" est, le plus souvent, remplacé par les sandales des joueurs. On devine toutes les difficultés du jeu — uniquement à mains nues — pratiqué sur ces sortes de places, et combien l'exiguïté du mur et les aspérités du sol exigent de souplesse, d'adresse, d'à-propos, pour placer exactement la balle ou deviner la direction de ses bonds, d'ailleurs peu considérables.




Les centres plus importants possèdent des frontons se rapprochant sensiblement des dimensions extrêmes que j ai données plus haut. D'autre part, la vogue du jeu de pelote à chistera — au grand chistera, surtout — a provoqué une profonde transformation dans l'architecture des places. Celle-ci fut également conditionnée par la fabrication même des pelotes. Je cite, à ce sujet, les quelques lignes suivantes de La Pelote Basque, de l'abbé Edmond Blazy. "Comment les places qui ont gardé le même style jusque vers 1866-70 ont-elles vu leur architecture se transformer d'une façon si variée, si rapide, si surprenante ?... C'est que le mur est un facteur du jeu intimement lié à la pelote, et que quand la pelote a subi des modifications, le mur a dû, parallèlement, suivre son évolution. Or, surtout dans la deuxième partie du XIXe siècle, le caoutchouc qui avait été adopté pour la fabrication des pelotes s'est beaucoup perfectionné. Les pelotes sont devenues de plus en plus vives et rebondissaient davantage, allaient plus loin vers le fond de la place. Plus la distance était grande, et plus il était difficile d'atteindre les cibles réduites que constituaient les murs primitifs. Il a fallu alors les exhausser insensiblement pour le blaid à main, puis pour le petit chistera, et enfin pour le chistera recourbé dont le jeu le plus souvent en élévation nécessite des frontons de dix à douze mètres de haut ; et un observateur qui examinerait le verso d'un fronton pourrait se rendre compte des surélévations successives qui ont abouti aux dimensions actuelles."



pays basque avant
LA PELOTE EDMOND BLAZY
PAYS BASQUE D'ANTAN

L'observation peut être faite par tous, non au verso, mais bien au "recto" d'un fronton comme celui de Bidart — entre Biarritz et Guéthary. Il a été surélevé à deux reprises en moins de trente ans et porte, les unes sur les autres, les trois dates témoignant de cette transformation. 




bidart autrefois
FRONTON BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN


Or, c'est contre cette ascension des frontons — jointe, je l'ai dit, à l'abus du ciment sur le sol de la place — que s'élèvent nombre de protestations. Il est certain qu'une partie à mains nues, par exemple, devient, par ce fait, d'une monotonie désespérante, pour peu que les joueurs soient sûrs et usent — ce qui est si fréquent ! — de la tactique qui consiste à fatiguer l'arrière en lui imposant d'interminables renvois : la centaine en est parfois atteinte et même dépassée, le point dure plusieurs minutes... et les spectateurs bâillent. C'est tellement vrai que, dans la plupart des places modernes, le mur est limité dans sa hauteur par une raie noire au-dessus de laquelle la balle ne doit pas frapper dans les parties à mains nues. C est de cette raie que part, en général, le cintre qui couronne le fronton, comme c'est le cas pour celui d'Aguiléra.




labourd autrefois
FRONTON AGUILERA BIARRITZ
CREDIT TOURADOUR

Lors de l'inauguration du fronton d'Aguiléra, Chiquito de Cambo, faisant quelques balles d'essai à son entrée sur la place, les envoya régulièrement parmi les spectateurs massés au fond de la "cancha", à leur grand effroi, comme il est naturel ! Le champion du monde en parut contrarié. Et puis, il modéra — a-t-il déclaré lui-même — la force de son bras afin de maintenir la balle dans les limites des 70 mètres du fronton des Abatilles. Notons que cette distance est, en effet, insuffisante pour le long chistera ; la place arcachonnaise peut, d'ailleurs, être prolongée de quelques mètres.




Celle d'Aguiléra — construite en 1921 — celle d'Hossegor — inaugurée par Chiquito de Cambo le 29 juillet 1928 — sont, sans nul doute, les plus représentatives du "type" moderne. Mur très haut, partie cimentée étendue — mais sans excès — sol nivelé avec soin, elles présentent, en outre, tout le confort désirable aux spectateurs comme aux joueurs. Les premiers sont assis dans de telles tribunes ou sur de spacieux gradins ; une haute grille les protège contre l'atteinte, dangereuse, on le conçoit, d'une balle renvoyée par le chistera d'un Chiquito ou d'un Eloy. Les seconds peuvent disposer de vestiaires et de douches luxueusement aménagés...



pays basque autrefois
AFFICHE PARTIE PELOTE FRONTON AGUILERA BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous sommes loin, n'est-ce pas, de la place de hameau, aux pierres grises, au sol battu, plus loin encore du "sorhopila", le champ primitif où l'on jouait en plein air, où seule a présence des "eskasak" (raies) limitant la place et du butoir de pierre révélaient un terrain de jeu !...




Mais faut-il regretter ces progrès ? Au point de vue de la finesse, de la difficulté du jeu, c'est incontestable. Mais à celui de sa diffusion, de sa beauté spectaculaire, de tout ce qui, enfin, procure aujourd'hui à la pelote basque une gloire qu'aucun "ancien" n'aurait osé rêver, la réponse ne peut faire de doute.




Et il faut souhaiter que d'autres frontons modernes, frères de ceux d'Hossegor, d'Aguiléra et des Abatilles, surgissent du sol basque et de tous ceux que la pelote -— dans son bienfaisant impérialisme — ne cesse de s'annexer !"



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