UNE FÊTE RUSSE À BIARRITZ EN 1925.
Dans les années folles, de nombreuses fêtes ont lieu à Biarritz, attirant les personnalités du monde entier.
Voici ce que rapporta la presse locale, à propos d'une fête russe, dans plusieurs éditions :
- La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 21 septembre 1925 :
"La Fête Traditionnelle Russe.
Le défilé des robes.
Au fond de l'immense terrasse qu'encombre la foule des dîneurs, le vaste escalier aux marches d'or sur lesquelles un tapis d'argent est jeté, semble monter vers la nuit. Un rideau d'argent le ferme, mystérieux et splendide, frémissant au souffle doux de la mer qui, derrière lui se cache. Ses plis s'entr'ouvrent pour laisser passer ces Russes en blouse d'argent qui, sur les marches, fermeront la garde d'honneur. Le rideau a disparu : la carte d'invitation de Lucien Lelong est l'aimable décor sur lequel apparaît une femme drapée dans une cape de velours violet doublée de velours vert Nil. Eclairée par les projecteurs, elle descend l'escalier d'argent et, passant entre les dîneurs, elle arrive au plateau de verre. D'un geste charmant, elle a fait glisser la cape de velours et sa robe de velours vert Nil soulignée de mauve et toute tissée de brillants, étincelle sous les rayons lumineux. De sa marche lente et balancée elle parcourt le plateau, souriante et jolie et disparaît bientôt derrière le rideau d'argent, d'où vont surgir ensuite quatre ravissants mannequins qui, eux aussi vont descendre sur le plateau d'om chacun les admire : un manteau de panne rose et bleu Nattier qui recouvre une robe de velours rose diamantée ; une robe de crêpe georgette bleu bordée de diamants fumés ; une robe pailletée de ton cuivre; un manteau lamé ourlé de renard sur une robe vert Nil. C'est toute la grâce, toute l'élégance de Paris, synthétisées en cette nuit merveilleuse de notre Côte Basque.
La vision a disparu. Le rideau s'entr'ouvre à nouveau et découvre un immense panier de fleurs d'où surgit le plus adorable des rêves printaniers : une blonde délicieuse dans une robe de tulle blanc exquisement jeune et vaporeuse.
Et ce sont encore de nouveaux mannequins, de nouvelles robes plus belles, plus somptueuses les unes que les autres et qu'on voudrait pouvoir mieux décrire : une robe jaune toute perlée, une autre en lamé mauve, argent et vert ; une autre en panne blanche au corselet de nacre que recouvre un manteau corail rebrodé de corail doublé de marron d'un contraste, délicieux ; une autre encore, rouge feu, comme un soleil couchant, auprès de laquelle une verte, givrée d'argent, est comme un matin d'avril...
... Mais tout à coup, le rideau d'argent tiré, apparaît un énorme flacon de parfum, gigantesque copie du flacon célèbre auquel Lucien Lelong a donné son nom. Pilcer s'avance, tel un magicien liliputien auprès du colossal et énigmatique flacon. Mystérieusement, il va ouvrir la paroi de cristal : le parfum va-t-il se répandre en nappes odorantes ? Non. Deux battants se sont ouverts et comme dans une armoire doublée d'or, quatre robes semblent dormir accrochées à quelque invisible porte-manteau. Mais les robes se sont animées et les voilà, quittant un instant leur prison dorée, pour venir se faire admirer. Ce sont des merveilles de goût et d'art : l'une vert Nil tissée de diamants à la jupe constellée de sequins d'argent ; la seconde vieux rose brodée d'un gris très doux et ourlée de chinchilla ; la troisième en mousseline de soie grise perlée bleu ; enfin un manteau lamé vert et argent sur une robe de velours rose de deux tons.
Ce n'est qu'un murmure d'admiration. Jamais peut-être on n'a vu plus ravissants modèles et l'on se demande s'il est possible de créer de plus belles choses.
Une nouvelle surprise : un carton mystérieux, tout enrubanné de soie grenat : c'est la boîte de livraison. Le couvercle enlevé, Pilcer va soulever le fragile papier de soie qui recouvre quelque précieuse frivolité... et, soudain, apparaissent Peggy Vere et Nikitina, toutes d'eux adorablement vêtues de deux robes semblables en mousseline de soie perlée, incrustée de brillants. Beauté anglaise et beauté slave, toutes deux exquises, elles dansent, elles passent, elles sont jolies, on les admire...
Le rideau, une fois encore, s'est replié. Un immense paravent japonais, aux tons de vieille laque, une trouvaille de Costa (c'est d'ailleurs son atelier Tanagra qui a exécuté toute la décoration qui accompagne le défilé des mannequins de Lucien Lelong) ; donc, ce paravent japonais aux tons de vieille laque laisse apercevoir par le dispositif spécial de l'éclairage, l'ombre d'une silhouette de femme se dessinant sur chaque feuille. Puis, comme un poussin sortant de sa coquille, chaque silhouette s'animant, crève la feuille de paravent et sous le feu des puissants projecteurs apparaît radieuse dans une splendide toilette. On applaudit. C'est vraiment très, très bien, très original, admirablement réussi.
Et les toilettes font pousser aux femmes ces exclamations admiratives. Je note au hasard : une robe de lamé rose et argent, une autre en mousseline de soie rouge agrémentée de pampilles de perles, une autre encore vert Nil avec des pampilles de soie brodées ton sur ton et puis encore cette autre, en crêpe georgette brodé d'argent et garni de chinchilla, toutes d'un galbe, d'une élégance inouïe.
Mais ce n'est pas fini et, comme dans un feu d'artifice, en réserve pour le bouquet final des splendeurs insoupçonnées. Le rideau d'argent scintillant s'est encore une fois tiré tet c'est une apparition à faire rêver les fées elles-mêmes. Il y a là cette robe couleur d'aurore dont Peau d'Ane eut aimé à se parer et cette robe couleur d'une nuit d'été toute pailletée d'étoiles faite pour Tatiana. Et ce manteau d'hermine où Cendrillon voudra se hâter d'enfouir ses épaules frémissantes ! Ici c'est un crêpe georgette mauve et argent brodé de velours violet semblable au manteau garni de fourrure, là une robe vieux bleu entièrement perlée, plus loin une autre en crêpe georgette jaune brodée de fleurs. Au centre, hiératique, une robe toute de tissu d'argent avec une immense cape d'argent ourlée de cygne.
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ROBES DE LUCIEN LELONG 1925 |
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