UNE LETTRE DE FRANCIS JAMMES À JEAN YBARNEGARAY EN 1934.
Francis Jammes est un poète, romancier, dramaturge et critique français qui a passé la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays Basque, principales sources de son inspiration.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Figaro, le 8 mars 1934 :
"Lettre à Jean Ybarnégaray.
Mon cher Ybarnégaray,
Bien que j'aie reçu hier, jour de marché à Hasparren, la visite d'un paysan d'Irissary, nommé Johanès Oyharçabal, je ne m'entretiendrai pas avec vous de la mévente du blé, du bétail, ni du filtrage du fumier, ni, en général, de ces Travaux de février que les vieux maîtres représentaient sur les tapisseries, sculptaient même aux porches des cathédrales.
Ce fut néanmoins sur ces occupations et préoccupations que ses discours s'étendirent, dont je ne compris que la moitié, car il s'exprime dans cette langue pittoresque, maniée par vous aussi bien que le français auquel vous donnez, sur la tombe d'un pelotari, le génie sobre de l'anthologie grecque, ou, vous adressant aux foules eucharistiques, le rythme chantant et solennel du latin.
Je dois vous déclarer d'ailleurs que je ne suis pas grand agronome. Je n'ai pas eu besoin d'autres références, pour mes poèmes, que la simple vision que j'ai eue des ravissantes campagnes que j'ai parcourues, en chasseur comme vous, et, pour le côté comique de mon humeur, les affiches placardées sur les mairies, et ces estrades où, pendant quelques heures, les notabilités sont enivrées par les mugissements, beuglements, grognements, bêlements, piaillements, gloussements, que vous avez plus d'une fois retrouvés dans la musique de chambre de plusieurs "parlements". Vous voyez que la rime y est.
Vous avez bien voulu, en quelques discours que vous avez prononcés au Pays Basque, me traiter avec tant d'éloges que je voudrais bien ici vous rendre votre amabilité par ma reconnaissance. Une femme géniale, qui est plutôt de mon pays que du vôtre, je parle du pays de mes lointains aïeux, Eugénie de Guérin, a écrit : "La reconnaissance est de tous les sentiments celui qu'il est le plus doux d'exprimer."
Veuillez donc ici trouver la mienne pour ce que, sans vous salir les mains, du bout de ce gant d'osier que vous nommez chistera, et qui vous fait "placer" les balles, vous avez balayé si bien l'écurie d'Augias que le fermier le plus accompli de la Soule ou du Labourd n'a si parfaitement récuré la sienne.
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JEAN YBARNEGARAY AVEC SON CHISTERA |
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