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jeudi 3 juillet 2025

UNE LETTRE DE FRANCIS JAMMES À JEAN YBARNEGARAY AU PAYS BASQUE EN 1934

UNE LETTRE DE FRANCIS JAMMES À JEAN YBARNEGARAY EN 1934.


Francis Jammes est un poète, romancier, dramaturge et critique français qui a passé la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays Basque, principales sources de son inspiration.



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FRANCIS JAMMES



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Figaro, le 8 mars 1934 :


"Lettre à Jean Ybarnégaray.


Mon cher Ybarnégaray,



Bien que j'aie reçu hier, jour de marché à Hasparren, la visite d'un paysan d'Irissary, nommé Johanès Oyharçabal, je ne m'entretiendrai pas avec vous de la mévente du blé, du bétail, ni du filtrage du fumier, ni, en général, de ces Travaux de février que les vieux maîtres représentaient sur les tapisseries, sculptaient même aux porches des cathédrales.



Ce fut néanmoins sur ces occupations et préoccupations que ses discours s'étendirent, dont je ne compris que la moitié, car il s'exprime dans cette langue pittoresque, maniée par vous aussi bien que le français auquel vous donnez, sur la tombe d'un pelotari, le génie sobre de l'anthologie grecque, ou, vous adressant aux foules eucharistiques, le rythme chantant et solennel du latin.



Je dois vous déclarer d'ailleurs que je ne suis pas grand agronome. Je n'ai pas eu besoin d'autres références, pour mes poèmes, que la simple vision que j'ai eue des ravissantes campagnes que j'ai parcourues, en chasseur comme vous, et, pour le côté comique de mon humeur, les affiches placardées sur les mairies, et ces estrades où, pendant quelques heures, les notabilités sont enivrées par les mugissements, beuglements, grognements, bêlements, piaillements, gloussements, que vous avez plus d'une fois retrouvés dans la musique de chambre de plusieurs "parlements". Vous voyez que la rime y est.



Vous avez bien voulu, en quelques discours que vous avez prononcés au Pays Basque, me traiter avec tant d'éloges que je voudrais bien ici vous rendre votre amabilité par ma reconnaissance. Une femme géniale, qui est plutôt de mon pays que du vôtre, je parle du pays de mes lointains aïeux, Eugénie de Guérin, a écrit : "La reconnaissance est de tous les sentiments celui qu'il est le plus doux d'exprimer."



Veuillez donc ici trouver la mienne pour ce que, sans vous salir les mains, du bout de ce gant d'osier que vous nommez chistera, et qui vous fait "placer" les balles, vous avez balayé si bien l'écurie d'Augias que le fermier le plus accompli de la Soule ou du Labourd n'a si parfaitement récuré la sienne.



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JEAN YBARNEGARAY AVEC SON CHISTERA



Sans doute vous savez calculer, me disait un vieux curé qui vous admire ; et vous l'avez fait, par exemple, l'autre jour, quand vous vous êtes exprimé sur le compte de votre malheureux collègue, le maire de Bayonne, l'un des moins coupables peut-être, au dire de la vieille cité qu'a chantée la comtesse de Noailles. Vous saviez qu'au delà de cet homme, qui a été cruellement frappé, d'autres coeurs battaient dans une famille qui recevait chaque coup. Cela fait partie de votre noblesse chrétienne, et je vous en félicite. Ce n'est pas tout.



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JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE 1934

Sans doute, et malgré ces "calculs", avez-vous rapporté de la grande guerre, et davantage confirmée, une qualité de votre tempérament : l'audace.



Vous êtes, en effet, de tous ceux qui nous représentent, l'un des très rares qui osent dénoncer l'ennemi principal qui se glisse jusque dans nos bourgades l'hypocrite Franc-Maçonnerie. On dirait que son nom même effraie, et que nos meilleurs députés n'osent l'articuler de peur qu'il ne les étrangle.



Or, tout le mal est là.



Tant qu'une seule unité de cette armée diabolique et camouflée empoisonnera la nation, celle-ci courra le plus grand danger, sera constamment en proie à son action corrosive et dissolvante.



Que les Catholiques sociaux, les plus enracinés à la république, se le disent : tant qu'un de ces ferments subsistera dans l'organisme, tant que, dans la loge du vénérable, le microbe de la ladrerie, de la trichinose ou du charbon, occupera le moindre interstice, il n'y aura pas d'accord possible avec la détresse qui trône dans la maison commune.



Je peux vous donner des nouvelles d'Uhart-Cize, le village qui s'honore de vous avoir vu naître. Les travaux de février, dont j'eusse voulu vous entretenir davantage, commencent. On taille la vigne. On détruit, avec soin, les oeufs des chenilles. Pour cette dernière opération, voici, à la lette, ce que l'on me conseille : Placez à l'extrémité des plants qui ont été envahis une douzaine de vieux ronds-de-cuir provenant, de préférence, d'un ministère ou d'une préfecture. Toutes les chenilles précoces viendront s'appliquer, pendant la nuit, sur les oreillers au parasitisme.



Nul doute, mon cher Ybarnégaray, que cette recette ne soit par vous appliquée le plus spirituellement du monde.



Non seulement tout le Pays basque est, avec vous, mais encore le vieux lièvre du Béarn que personnellement vous avez bien accueilli. Buffon assure qu'aux alentours de Saint-Jean-Pied-de-Port il y a des terriers non seulement pour les lapins que posent les Crédits municipaux, mais encore sans doute pour Francis Jammes."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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