Voici ce que rapporta au sujet du château de Saint-Pée le Bulletin du Musée basque N°10 de 1929 :
"... A la suite de cette démarche, le roi ordonna au Parlement de Bordeaux de mettre un terme à cet état de choses et le conseiller de Lancre reçut plein pouvoirs pour "purger le pays de la race abominable des sorciers". Saint-Pée lui servit d'assesseur et dût, en qualité de bailli, donner au conseiller au Parlement toutes facilités pour l'accomplissement de sa mission. Il mit à sa disposition le château de Saint-Pée qui devint, pour plusieurs jours, le siège de ces sinistres assises. D'après ce que de Lancre raconte dans ses mémoires, cette antique demeure elle-même était hantée et, pendant une nuit, il aurait eu à soutenir une lutte terrible avec le diable qui cherchait à l'étrangler.
Mais Jean de Caupenne eut le plus souvent un rôle moins ingrat, car il remplit plusieurs missions de la plus haute importance.
En 1612, des incidents nombreux s'étant produits entre les habitants des deux rives de la Bidassoa, le roi le chargea de bien déterminer l'importance des méfaits commis par les Espagnols au préjudice des pêcheurs français. Il fournit sur cette question un rapport qui servit de base, quelques années plus tard, aux négociations de Mazarin et de Luis de Haro, pour l'établissement d'une convention qui a réglé, jusqu'à nos jours, les rapports entre les pêcheurs des deux nations.
On lui doit aussi une enquête sur la construction d'un port à Socoa. Ses conclusions sur la réalisation de ce projet ayant été adoptées, on passa à son exécution ; mais alors se produisirent une foule de difficultés entre Saint-Jean-de-Luz, Ciboure et Tristan d'Urtubie et il dût se montrer habile politique pour les aplanir.
Sous Jean de Caupenne qui succéda à son père dans la charge de bailli, les Espagnols occupèrent, en 1636, toute la région de Saint-Jean-de-Luz. L'amiral de Castille, profitant de ce que les troupes régulières étaient dans les Flandres, passa la frontière et arriva à hauteur de Ciboure. Saint-Pée mobilisa la milice qu'il commandait comme bailli, mais cette troupe avait peu de résistance et elle ne put pas empêcher les Espagnols plus nombreux et mieux aguerris qu'elle de s'établir en Labourd et de s'y maintenir.
Le duc de La Valette, envoyé par le roi avec quelques régiments, se livra à une guerre d'escarmouches qui dura fort longtemps sans produire de résultats appréciables. Pendant ce temps, il établit son quartier général au château de Saint-Pée.
L'année suivante, Jean de Caupenne prit part au siège de Fontarabie dont l'échec lamentable pour les Français, a fait l'objet de nombreuses relations.
Léonard, fils du précédent qui succéda à son père comme bailli, ne resta pas longtemps en fonctions ; nommé en 1653, il fut remplacé par d'Urtubie, quelques mois plus tard, dans les circonstances suivantes.
Depuis longtemps existait entre les deux familles un profond antagonisme dû à plusieurs causes, plus particulièrement des questions maritimes. Les Saint-Pée étaient vice-amiraux de Guienne ; les Urtubie jouissaient du droit d'épaves sur le littoral ; de là de fréquents conflits.
Salvat d'Urtubie avait eu l'occasion de se faire apprécier un sujet de questions de frontière avec l'Espagne. Un peu plus tard, ayant appris qu'un espion vivant à Saint-Jean-de-Luz, s'occupait de livrer Bayonne aux Espagnols, il l'avait fait arrêter et conduire à Bayonne où il l'avait fait exécuter. Pour ces motifs Urtubie était bien vu à la cour et lorsqu'il exprima le désir de remplacer M. de Saint-Pée, satisfaction lui fut donnée et on le nomma bailli par lettres patentes du 16 Novembre 1653.
Léonard de Saint-Pée protesta et, n'obtenant pas gain de cause, il porta l'affaire devant le Parlement qui lui donna raison.
A son tour, Urtubie en référa au Conseil du roi ; l'affaire traîna quelque temps en longueur et se termina le 15 Décembre 1654. Une décision du roi cassa l'arrêt du Parlement et maintint Salvat dans la charge de bailli avec commandement de la milice.
C'était un rude coup pour le seigneur de Saint-Pée qui en garda une profonde rancune. La rivalité entre les deux familles, loin de s'apaiser, ne fit qu'augmenter et fut pour beaucoup dans les troubles regrettables qui eurent les plus graves conséquences pour le pays de Labourd et dont il a été question dans l'article relatif au château d'Arcangues.
Malgré la déception éprouvée en cette circonstance, Léonard ne fut pas privé de la faveur royale et la famille conserva la haute situation qu'elle avait toujours occupée dans le pays.
En 1664, le roi érigea le domaine de Saint-Pée en marquisat et le nouveau marquis reçut, tant pour ses héritiers que pour lui, la charge de gouverneur et lieutenant du roi à Bayonne, dans les pays des Lannes, Soule et Labourd. Son petit-fils Anne-Henri-Louis, né en 1742, alla à l'armée, fit la guerre de sept ans et devint successivement, colonel du Languedoc-infanterie, du régiment de Bourbon, maréchal de camp et chevalier de Saint-Louis. Lorsqu'arriva la Révolution, il était lieutenant-gouverneur de Bayonne.
Comme il devait s'y attendre, Saint-Pée fut arrêté comme suspect et emprisonné ; mais Pinet et Cavaignac, les représentants du peuple chargés d'organiser la défense contre les Espagnols, ayant besoin de quelqu'un connaissant parfaitement le pays, s'adressèrent à lui. Pendant plusieurs mois, le marquis parcourut la frontière avec les généraux de la République et fut pour eux un auxiliaire précieux.
Cela n'empêcha pas que, lorsqu'on n'eut plus besoin de ses services, on le mit en prison au château de Lourdes. S'il échappa au sort de beaucoup d'autres, c'est, paraît-il, parce que des mais s'entremirent entre sa famille et les représentants du peuple qui n'auraient pas été incorruptibles. Le 9 Thermidor le trouva encore de ce monde, mais ce n'est que plus tard, le 23 Frimaire An III, qu'on le libéra en lui fixant comme résidence Duhort, dans les Landes, où il finit ses jours, le 14 Février 1798, d'une maladie contractée au cours de sa captivité.
DUHORT LANDES D'ANTAN
Sa femme, Sophie de Poudenx, avait été incarcérée jusqu'au 24 Fructidor An II. Elle survécut longtemps à son mari et mourut en 1832, à l'âge de 82 ans. Leurs deux filles épousèrent, l'une M. de Claye, l'autre M. de Pontacq et vendirent leurs biens pour se fixer dans les Landes. La famille a donc entièrement disparu du Pays Basque.
On doit cependant faire mention de quelques-uns de ses autres membres dont les noms reviennent souvent dans l'histoire de la région. Le dernier lieutenant du roi à Bayonne avait eu quatre frères et trois soeurs. Un des frères, connu sous le nom de "chevalier de Saint-Pée" entra dans l'armée et arriva au grade de colonel du Génie. Il servit sous Napoléon et passa plusieurs années en Espagne où il avait été envoyé pour construire des routes. A son retour, il eut à fournir un projet pour la construction du pont de Bordeaux. Nommé gouverneur de Dax, il mourut dans cette ville en 1838.
CHEVALIER DE SAINT-PEE
Une de ses soeurs avait été filleule de la ville de Bayonne dont elle portait le nom et qui, en proposant son parrainage, avait voulu donner une preuve d'attachement au lieutenant du roi. Il y eut à cette occasion de grandes fêtes dont la relation a été conservée. Le Musée Basque possède le portrait offert au Corps de Ville par Bayonne de Caupenne d'Amou lorsqu'elle épousa, en 1773, Charles-Antoine de Piis.
BARONNE DE CAUPENNE D'AMOU MUSEE BASQUE BAYONNE
Enfin, une nièce du marquis, nommée Corisande, épousa le baron de Garro.
Il convient d'ajouter que si la branche des Saint-Pée est éteinte, celle des Caupenne d'Amou-Apremont-Echauz est encore représentée de nos jours (1930) par le marquis de Caupenne, ses deux fils, plusieurs petits-enfants et arrières petits-enfants.
Tous les biens qui avaient fait partie de la seigneurie de Saint-Pée, ont été acquis, en 1813, par M. Larre d'Arcangues. Ils se composaient du château et des terres l'entourant, de la moitié des revenus de quatre moulins et de diverses autres propriétés dont le domaine d'Urdains à Bassussarry. Certains ont été revendus, mais ceux de Saint-Pée sont restés dans la famille. M. Dop, arrière petit-fils de M. Larre en est le propriétaire actuel.
Le château avait été reconstruit après sa démolition en 1449. Il se composait d'un grand corps de logis rectangulaire des deux côtés duquel se trouvait des constructions plus basses. Une tour ayant contenu un escalier tournant conduisait aux étages.
CHÂTEAU DE SAINT-PEE-SUR-NIVELLE PAYS BASQUE D'ANTAN
L'accès dans l'édifice se faisait par une porte encore en excellent état encadrée de belles pierres de taille à la mode navarraise sur laquelle était sculptée la devise "Bertitz eta on" qui signifie : "Courageux et bon".
Des améliorations ont été certainement apportées dans la suite à ces dispositions car, malgré l'état actuel des bâtiments, on peut encore distinguer une cheminée de style Renaissance, plusieurs fenêtres à meneaux, quelques moulures ne remontant pas au delà du 16ème siècle, deux portes avec un bel encadrement et enfin une voûte bien conservée.
Ces vestiges d'une architecture soignée et de pur style prouvent que, pendant les dernières années de son existence, le château de Saint-Pée fut une belle et luxueuse demeure.
Pendant les guerres de la Révolution avec l'Espagne, un corps de troupes Espagnoles pénétra en France par le col d'Ibardin pour rejoindre un autre détachement descendant du col d'Echalar et s'emparer du camp de Sare. En passant à Saint-Pée, les Espagnols pillèrent et saccagèrent le château, puis y mirent le feu. Il ne fut pas reconstruit.
CHÂTEAU DE SAINT-PEE DESSIN DU BMB N10 1929
Du long et brillant passé de la demeure d'une des familles les plus considérables du pays il ne reste plus que quelques ruines se profilant sur les verts pâturages de la vallée de la Nivelle et que les habitants désignent sous le nom de "château des sorcières", en souvenir sans doute des scènes dont il a été le témoin lors du séjour qu'y fit le Conseiller de Lancre."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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