L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.
C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 9 janvier
1934 :
"... Les bons et les petits porteurs.
Ce que nous dit M. Lafont.
M. Lafont, directeur de "l’Urbaine Vie" qui était venu, il y a quelques jours à Bayonne, puis avait regagné Paris, est à nouveau dans notre ville. Hier, il nous a fait les déclarations suivantes :
"Je suis venu à nouveau prendre contact avec M. d’Uhalt et lui remettre des pièces fort intéressantes à mon sens. C’est ainsi que j’étais porteur de lettres originales constituant "les lettres d'émission d’usage" qui furent envoyées par pli recommandé par le Crédit Municipal de Bayonne à la Société Parisienne qui avait fait acquérir à "l’Urbaine vie et à l’Urbaine capitalisation", tout comme à d’autres compagnies d’assurances, des bons du Crédit Municipal de Bayonne.
Ces lettres qui répondaient à une exigence également formulée par pli recommandé, par la Société qui centralisait le placement à Paris, confirment expressément les chiffres figurant sur nos bons.
On peut s’étonner que cet échange de correspondance en des termes parfaitement nets et en tous points conformes à la réalité des opérations financières ait pu passer inaperçu aux diverses autorités administratives qui ont dû pourtant, j’imagine, exercer un contrôle d’autant plus étroit sur cet établissement local qu’il s’agissait d’un organisme de crédit public.
En outre ces lettres viennent renforcer la thèse que les porteurs de bons, dont les chiffres peuvent ne pas correspondre à ceux des souches n’ont cessé de soutenir : les titres qu’ils ont en mains, ont la même valeur... théorique que ceux dont les souches n'ont pas été parfaitement libellées, dès lors qu’ils sont revêtus des signatures authentiques, statutairement suffisantes et qu’au surplus des lettres précises — celles auxquelles je viens de faire allusion — émanant du Crédit Municipal, ne peuvent laisser de doute sur le montant exact des bons qu’il délivrait.
Dans divers journaux parisiens de samedi soir j’ai lu certaines allusions plutôt réconfortantes à l’égard des "petits porteurs". Leurs bons, dès lors qu’ils seraient inférieurs à 500 000 francs, seraient, parait-il, en tous points réguliers (souches et titres étant conformes) et l’on voulait en déduire que ces porteurs-là seraient certainement désintéressés sur le seul actif réalisable de la Caisse du Crédit Municipal.
Cette opinion me parait totalement erronée et d’accord avec nombre de juristes éminents avec qui j’ai eu l’occasion de m’entretenir ces jours derniers, j’estime, je le répète, que les souches n’ont rien à voir en l’occurrence.
Lorsque le Crédit Municipal de Bayonne a été régulièrement autorisé à émettre une certaine quantité de millions de bons de Caisse, tous les bons émis à compter de ce moment-là et jusqu'à épuisement de la marge d’émission ne peuvent soulever de critiques ; ils sont parfaitement réguliers pour ceux qui les détiennent, et les droits de chacun, s’ils devaient un jour s’exercer sur un actif du Crédit Municipal ne pourraient qu'aboutir à une répartition au marc le franc sans distinction entre souches véridiques et truquées.
Bien mieux, c'est à la même loi du partage au marc le franc, que devraient également obéir les bons qui mériteraient pourtant la qualification de "bons irréguliers", non pas pour des raisons de souches, mais parce qu’émis au delà des limites autorisées.
En effet, en les émettant, le directeur du Crédit Municipal a commis une faute indiscutable qui engage la responsabilité de son établissement par application de l’article 1384 du Code civil.
La somme promise est donc due sinon à titre d’exécution d’un engagement voulu, du moins à titre de réparation civile par le commettant, si bien qu’en fin de compte tous les porteurs de bons du Crédit Municipal en circulation du seul fait que leurs bons sont régulièrement signés, se trouvent à l’égard du Crédit Municipal dans la situation de créanciers chirographaires venant au même rang, sans qu’un privilège quelconque puisse juridiquement s’attacher à certaines seulement de ces créances... et notamment aux petites.
Si j’ai tenu à faire cette mise au point, ce n’est point certes pour décourager "les petits porteurs" mais pour préciser que leur espérance doit être exactement la même que celle des possesseurs de bons supérieurs à 500 000 francs lesquels ne sont pas tous d’ailleurs des compagnies d’assurances, comme on l’a écrlt, je connais en particulier un docteur en médecine qui en avait acquis pour plus d’un million.
Autrement dit, quel que soit le montant des créances, la récupération intégrale ne pourra en être obtenue pour chacun qu’en s’appuyant sur des principes juridiques identiques, et ces principes, tout le monde le sait maintenant, ressortissent au droit public. Ils m’apparaissent d’ailleurs comme très solides, pour la raison qu’ont bien voulu résumer dans la presse MM. les professeurs Mestre et Barthélémy. Si, comme l’indiquait, M. Max Hermant, président du Comité général des assurances, dans l’interview qu’il a bien voulu accorder à certains journalistes de Paris, la question devait être portée devant le Conseil d’Etat, la jurisprudence de cette haute juridiction doit d’ores et déjà donner, à divers titres, les plus larges espoirs.
L’épargne publique, ne serait-ce que par les lenteurs inhérentes au paiement des bons de caisse échus, va se trouver éprouvée en raison des événements qui m’amènent aujourd’hui dans la délicieuse ville de Bayonne.
Je conçois donc qu'elle soit actuellement encline à d’autres affolements pour peu qu’on lui présente inexactement les conséquences financières que pourrait avoir pour les Sociétés, dans lesquelles cette même épargne française avait des intérêts divers (actions, contrats d’assurance, comptes de dépôts en banques, etc...) une impossibilité absolue de recouvrement, sur l'Etat ou la Ville, des bons du Crédit Municipal figurant à l’actif de ces Sociétés.
La grande presse se doit de ne pas donner dans de tels travers et de ne pas inquiéter à tort les intéressés.
Certains journaux, peu ou prou financiers, ont en effet reproduit à ce propos des informations dénuées de sens, en opposant par exemple le montant des bons impayés, détenus par certaines Compagnies, à leur actif social... comme si une comparaison utile pouvait être faite à cet égard.
Or ce n'est pas le capital social mais l’actif de la Société résultant de son bilan qu’il convient de rappeler.
Et sur de telles bases en prenant en particulier l’exemple des deux Compagnies dont je défends les intérêts, on aboutit aux conclusions suivantes :
1. "L’Urbaine Vie" à qui il est dû non pas 18 ou 20 millions comme je l'ai vu imprimé, mais 11 880 000 francs (dont cinq millions 500 000 sont échus, le solde restant à échoir en 1937) et dont l’actif est aujourd'hui voisin de cinq cents millions, si l’on voulait par impossible admettre que sa créance puisse être perdue, subirait une perte représentant seulement 2,40 0/0 du total de cet actif.
2. Pour "l’Urbaine Capitalisation" à qui il est dû 3 300 000 francs (et non point 7 millions, comme je l’ai vu écrit dans quelques journaux) et dont l'actif du portefeuille est supérieur à 250 millions, la perte éventuelle qu'elle pourrait avoir à subir du fait de la Caisse de Crédit Municipal ne serait que dans une proportion de 1.04 0/0 de cet actif.
Ces précisions me paraissant avoir une grande importance car elles sont propres à mettre au point des informations malheureuses et parfois tendancieuses, qu’il m’a été pénible de lire trop souvent ces jours derniers."
MAIRE DE BAYONNE JOSEPH GARAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les perquisitions à la Mairie et chez M. Garat.
Nous avons parlé hier, dans notre troisième édition, de la perquisition qui a eu lieu dans l'après-midi, à la mairie de Bayonne, dans différents bureaux des services municipaux. Cette enquête a duré environ une heure.
Le juge d'instruction s'est ensuite rendu au domicile de M. Garat, rue Thiers. Des curieux stationnèrent assez longtemps, mais dans une attitude paisible et, comme depuis deux jours, affaissée. De cinq heures et demie à six heures et demie ont eu lieu les opérations.
Les tiroirs des meubles ont été ouverts et fouillés en présence de Mme Garat.
Les scellés ont été ensuite apposés sur deux armoires contenant du linge de corps, des draps, des couvertures etc.., et sur le bureau de M. Garat. Ce meuble doit contenir les papiers de l’administration municipale qui seront vérifiés d'ici quelques jours en présence de M. Garat et de ses défenseurs.
Quelques mots de Mme Garat.
Mme Garat ne doit ouvrir sa porte à personne.
Cependant, elle a dit en entrebâillant l'huis : "Plus que jamais, je crois à l’innocence de mon mari, je n'ai pas pu le voir. Si vous pouvez aller à la prison, dites-lui que je l’aime, que je suis auprès de lui dans le malheur, comme lui dans la lutte, que j'ai foi en lui, que j'ai confiance et qu'il peut compter sur moi." Par ailleurs, l'attitude de Tissier, du fond de sa prison, n’a pas varié.
Il accuse toujours M. Garat d'avoir tout connu, tout su. Il le charge avec la même assurance.
Me Simonet auprès de son client.
Me Simonet, avocat au barreau de Bayonne, premier adjoint du maire, et choisi par celui-ci pour son défenseur, avait demandé, dans la matinée d’hier, à M. d'Uhalt, juge d'instruction, un permis de communiquer.
Me Simonet s’est rendu dans l'après-midi à la maison d’arrêt.
A son retour, il a renouvelé sa précédente déclaration, à savoir : que M. Garat n’avait fait, au juge, aucun aveu.
MAITRES CAMPINCHI ET SIMONET BAYONNE LA PETITE GIRONDE 11 JANVIER 1934 |
La confrontation avec Tissier.
Cet après-midi mardi, aura lieu au Palais de justice la confrontation attendue et à n’en pas douter dramatique, entre M. Garat, maire de Bayonne, et Gustave Tissier, ex-directeur du Crédit municipal.
MAÎTRE CESAR CAMPINCHI AFFAIRE STAVISKY 1934 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je viens libérer un innocent....dit Me Campinchi.
Me Campinchi, dont nous avons annoncé l’arrivée à Bayonne, a fait la déclaration suivante, après s’être rendu à la prison auprès de M. Garat :
"Je viens de voir mon client Joseph Garat, mon confrère, pour lequel j’ai la plus grande estime. Je l’ai trouvé parfaitement calme. Protestant avec la plus grande véhémence contre les accusations portées par Tissier, il affirme, avec une émouvante sincérité, son innocence complète. Il n’a eu qu’une préoccupation : la conséquence que pouvait avoir, parmi ses amis, cette affaire lamentable et douloureuse. Il m’a exprimé le souhait qu’ils restent ses amis de toujours unis, ajoutant sans forfanterie, mais avec fermeté : que leur représentant n'a jamais démérité en rien et qu’il est digne d'eux, comme il l’était, il y a trente-quatre ans.
Quand je suis parti de Paris, je venais pour défendre un coupable. Après ces premières déclarations, après le premier contact, après cette entrevue liminaire avec mon confrère Garat, j’ai la conviction que je viens défendre, non pas un coupable, mais libérer un innocent. Dans trois jours, M. Joseph Garat sera en liberté. Je n’ai aucune raison de penser qu’il ne m'a pas dit la vérité à l’heure où il n’avait rien à me cacher, en tant qu’homme politique, en tant que confrère.
D’ailleurs, je verrai M. le juge d'instruction. Je lui parlerai comme il convient, parce que ma conscience d’avocat est émue d’une situation tragique qui peut entraîner la ruine d’un homme dont tout le passé témoigne d'une parfaite honorabilité.
Au point de vue juridique concernant les conditions arbitraires dans lesquelles l’arrestation de M. Garat s’est effectuée, il conviendra de faire le point.
"Sous peu, je serai prêt à reprendre le mot de l’homme de la rue à Bayonne : Garat apparaît pour tout le monde comme le bouc émissaire de cette affaire."
Quant au document-massue, dont on a parlé, c’est simplement celui saisi dans les bureaux du journal "Bec et Ongles" dirigé par Darius, déjà condamné pour chantage, et contre lequel un mandat d’amener a été lancé par le juge d’instruction de Bayonne. M. Garat n'en a pas même eu connaissance, mais comme le juge d’instruction lui déclara qu’il l’interrogeait comme inculpé, M. Garat lui répondit : "Dans ces conditions, conformément à la loi, je ne parlerai que devant mon défenseur."
La démission de M. Garat ?
Le bruit a couru hier soir que M. Joseph Carat avait donné sa démission de maire et de député.
Mais nous croyons savoir que cette information est inexacte.
On dit enfin, qu’après les démissions de MM. Rectoran, Audibert et Duran, il n’en sera pas donné d’autres.
Hier soir, le Sud-Ouest, de Bayonne, paraissait avec une manchette, qui remplaçait celle où M. Garat était cité comme directeur politique du journal.
Suivait un éditorial, en termes mesurés, faisant l’éloge de l’œuvre municipale du Maire de Bayonne.
Deux nouvelles lettres des défenseurs de Tissier au juge d’instruction.
Pour une expertise financière.
M. d’Uhalt, juge d'instruction, a reçu la lettre suivante, signée de Maîtres Jean Charles Legrand et André Delmas, défenseurs de Tissier :
Monsieur le Juge d’instruction.
Etant donné les résultats actuels de l'information, il est une mesure d’instruction dont l’urgente nécessité s'impose.
Nous avons l'honneur de vous demander d’étendre la mission de l’expert-comptable, actuellement commis, aux fins de :
1. Procéder à des investigations approfondies pour établir la situation financière de M. Tissier avant et après son entrée au Crédit Municipal de Bayonne ;
2. Procéder aux mêmes investigations sur la situation financière de M. Garat, et aux modifications qu’elle a pu subir du 1er janvier 1930 jusqu'à ce jour ;
3. Rechercher spécialement la provenance des fonds avec lesquels M. Garat a versé des sommes importantes nécessaires à la main levée de la saisie-arrêt qui a frappé son indemnité parlementaire ;
4. Rechercher s’il n’a pas fait, notamment hors de la région bayonnaise, des placements hypothécaires, et la provenance des fonds qu'il a pu ainsi employer.
... Et à propos de compressions.
La lettre suivante a été adressée par Maitres Jean Charles Legrand et André Delmas à M. d’Uhalt, juge d’instruction du parquet de Bayonne :
Monsieur le Juge d'instruction.
Il est indispensable à la manifestation de la vérité et à la défense de Tissier, que tous ceux qui ont eu à intervenir dans les agissements de Stavisky soient connus.
Ainsi, le rôle de Tissier pourra être exactement défini.
L’inculpation et l’arrestation de M. Garat constituent une première mise au point. Mais il résulte des conversations que pouvaient avoir eues Tissier ct Stavisky, que d’autres personnages pourraient fournir des renseignements intéressants ct préciser la nature de leurs relations avec Stavisky.
M. Bonnaure avocat et député, a été amené à faire auprès de Tissier l’éloge de l’opération sur les dommages de guerre hongrois.
D’autre part, Stavisky a fréquemment entretenu Tissier de ses relations personnelles avec M. François-Albert.
En outre, Stavisky a été mis en rapport avec M. Tissot, ancien directeur des assurances sociales.
Par ailleurs, Stavisky a été présenté à M. Chiappe par M. Dubarry, au cours d’un rendez-vous particulier fixé à cet effet.
Enfin, Stavisky était présent à la conférence de Stresa d'où il a écrit à Tissier.
Vous penserez sans doute. Monsieur le Juge d’instruction, qu'il convient de contrôler ces indications ct d'en tirer les conséquences qu’elles comportent.
PIERRE DARIUS DIRECTEUR JOURNAL BEC ET ONGLES AFFAIRE STAVISKY 1934 |
Darius arrêté à Paris va être amené à Bayonne.
M. d'Uhalt a lancé, dans la soirée d’hier, un mandat d'amener contre Pierre Darius, directeur des journaux "Midi" et "Bec et Ongles", arrêté à Paris.
Une déclaration de Darius.
Darius, qui venait de la Côte d’Azur, et dont il avait déjà été parlé, à propos de tentatives de chantage contre le Crédit municipal de Bayonne, avait fait hier à midi des déclarations à Paris-Soir. Nous citons ici notre confrère parisien :
— Tout à l’heure, à mon arrivée, je n’étais encore au courant de rien, je n’avais pas lu les journaux du matin. Maintenant je n’ignore rien des rumeurs i qui courent sur mon compte.
La vérité, la voici : samedi soir, M. Dubarry a fait aux enquêteurs une déclaration qui a prêté à diverses interprétations. Or, ce matin, M. Dubarry déclare qu’il n’a pas été question de moi au cours de son entretien avec M. Lapeyre.
Mais qu’il ait été réellement question de moi, c'est fort possible. On a pu, en effet, trouver une lettre de moi à La Volonté, où longtemps j’ai dirigé la page La Volonté à Paris.
Cette lettre était relative à un écho passé dans le journal Becs et Ongles que je dirigeais. Cet écho, paru le 1 5 octobre 1932, était ainsi conçu : "Des bons émis par un Mont de Piété du Sud-Ouest sont actuellement proposés à Paris dans les pires conditions. Les officines qui réalisent ces opérations sont des plus suspectes, et l’on se demande comment des bons de premier ordre pourraient être offerts à n’importe quel prix."
A la suite de cet écho, M. Garat porta plainte contre X. et M. Audibert fut commis comme juge. M. Garat, au même moment, demanda à M. Dubarry si cet écho aurait une suite. Par lettre, je fis savoir à M. Dubarry qu’il n’en aurait pas.
... La plainte fut immédiatement retirée par lettre officielle de M. Garat à M. Audibert et, de plus, M. Garat écrivit à M. Dubarry pour le remercier de son heureuse intervention. Cette lettre est en ma possession et je la remettrai à M. Lapeyre.
Voici un point élucidé. D’autre part, il est faux que j’aie présenté M. Dubarry à Stavisky ; je n’ai fait la connaissance de celui-ci qu’en mai 1933, six mois après la parution du fameux écho et je le revis pour la dernière fois en octobre 33, dans un palace des Champs-Elysées où il déjeunait avec des parlementaires et deux anciens ministres. J’affirme que Stavisky ne fut jamais commanditaire, directement ou indirectement, de mon journal.
Et dès ce matin, j'ai téléphoné à M. Lapeyre, dans le bureau duquel je dois me rendre à 14 h. 30, pour protester et m’indigner de la publicité et de la surveillance dont je suis l’objet."
Une perquisition à la Société d’éditions.
A la suite des perquisitions effectuées hier matin rue d’Hauteville, dans les bureaux de l’hebdomadaire satirique "Bec et Ongles", dirigé par M. Darius, M. Ordonneau, juge d’instruction à Paris, ayant consulté les dossiers saisis, a été amené ce matin, à 10 heures, à opérer une perquisition. 1, rue Volney.
A cette adresse, en effet, se trouve le siège de la S.A.P.E.P., Société Anonyme Parisienne d’Edition et de Publicité. Créée par Stavisky, lors de la prise du théâtre de l'Empire par M. Hayotte, cette société avait pour but d’assurer, par la voie de la presse et des périodiques, toute publicité utile à l’Empire et aux théâtres que Stavisky avait l’intention de subventionner.
M. Ordonneau, juge d'instruction, qu’accompagnaient MM. Barthelet, commissaire spécial à la Sûreté générale, Girard, Blanc-Garrin, Hurteau, Vilchien, et Antoninv, inspecteurs, après s’être présenté à la porte des bureaux situés au deuxième étage, dut aussitôt repartir ; en effet, les portes étaient fermées à clef et aucun employé n’était présent.
Le magistrat instructeur s’est refusé, comme toujours, à toute déclaration.
Après la perquisition place Saint-Georges, M. Ordonneau et ses collaborateurs sont revenus rue Volney, à midi 15, accompagnés par M. Romagunio, collaborateur de Stavisky, dont nous avons déjà précisé le rôle.
Pendant que les enquêteurs perquisitionnaient, nous avons pu obtenir quelques renseignements sur la S.A.P.E.P.
Cette société, dont le directeur était M. Vallant, aurait été créée au mois de 1 juin de l’année dernière. Une assez nombreuse correspondance y parvenait quotidiennement, soit au nom de la société même, soit au nom de M. Darius. Cependant, ces derniers temps, la correspondance venait au nom d’une femme, dont il a été impossible d’obtenir exactement le nom.
La perquisition au siège de la S.A.P. E.P. a duré jusqu’à 1 heure 15.
En sortant, M. Ordonneau nous a déclaré :
— Nous avons saisi certains documents assez intéressants, que nous consulterons plus à loisir dans nos bureaux. Cet après-midi, j’ai l’intention d’entendre certains témoins, dont les déclarations pourront m’être utiles quant à l’existence même de la S.A.P.E.P., société qui avait pour but non seulement de faire de la publicité pour le théâtre de l’Empire et certaines autres scènes parisiennes que Stavisky avait l’intention de subventionner, mais aussi qui avait pour but d’envelopper dans la même publicité plusieurs hebdomadaires satiriques.
Autre perquisition.
M. Ordonneau s’est à nouveau rendu 28, place Saint-Georges, où il a recommencé à perquisitionner dans les locaux de la Société Foncière, où il s'était rendu samedi en compagnie de M. Hayotte.
A 11 heures, les enquêteurs examinaient encore quelques pièces de comptabilité, mais il paraît que les magistrats ne pensent pas tirer de cette visite des documents nouveaux importants pour l’accusation.
M. Hayotte n'était pas présent à cette nouvelle descente de justice. Il est vraisemblable d'ailleurs que cette visite n'a été faite par le juge qu’en vue d'établir définitivement l’état de la comptabilité de la Foncière.
A sa sortie, M. Ordonneau déclarait aux journalistes, qui l’attendaient de pied ferme depuis 10 heures, qu'il avait saisi quelques nouveaux papiers qu’il examinerait dans son bureau.
CHALET "VIEUX LOGIS" CHAMONIX AFFAIRE STAVISKY 1934 |
Quelques détails sur le suicide de Stavisky.
Voici sur le drame d’hier quelques détails complémentaires :
Stavisky avait loué, depuis le 1er janvier, la villa du "Vieux Logis" dans laquelle il devait attenter à ses jours. Mais c’est le 3 seulement qu’il avait quitté la villa de Servoz, où, comme on sait, il avait trouvé refuge. Il était accompagné à Servoz de deux complices. Un seul le suivait à Chamonix. C’est celui qui a été découvert en sa compagnie. Il s’agit d’un nommé Voix, âgé de 38 ans, demeurant à Paris. Les trois agents de la Sûreté, qui s’étaient lancés dimanche matin à la poursuite de Stavisky, avaient appris que celui-ci et son compagnon étaient armés. C’est pourquoi ils se firent accompagner, lundi, de quelques gendarmes, pour se présenter à la villa du "Vieux Logis ".
Après que Stavisky eut répondu aux sommations par un coup de feu sur lui même, il fallut, pour pénétrer dans la villa, que l’un des commissaires, M. Charpentier, brisât la vitre d’une fenêtre, il fit jouer l'espagnolette et pénétra dans la villa.
Le compagnon de Stavisky, Voix, n’opposa aucune résistance.
Stavisky s’était tiré un coup de revolver dans la tempe droite. Il était étendu sans connaissance et râlant : un filet de sang maculait son visage. Stavisky fut transporté à l’hôpital de Chamonix où les médecins ont considéré son état comme désespéré. Il était encore dans le coma deux heures après ces événements.
A 18 h. 50, une intervention chirurgicale a été décidée. Le blessé a été transporté immédiatement dans la salle d’opérations de l’établissement.
Deux témoins du drame.
Deux personnes ont accompagné Stavisky dans sa fuite et ont assisté au drame de la villa du "Vieux Logis". C’est le locataire de la villa, M. Henri Voix, originaire de Dijon, où il est né le 1er septembre 1896, et qui n'est pas un inconnu des services de la Sûreté générale ; c’est aussi une jeune femme, Mlle Lucette Albéras, âgée de 27 ans, demeurant 7, boulevard Ornano.
Il était exactement 15 h. 50, lorsque, les policiers forçant sa porte, Stavisky s’est logé une balle de revolver dans la tête."
MORT DE STAVISKY 1934 |
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