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mardi 25 avril 2023

UNE LETTRE DE SOLDATS BASQUES AU FRONT EN OCTOBRE 1939

UNE LETTRE DE SOLDATS BASQUES EN 1939.


Pendant la Seconde Guerre mondiale, les échanges épistolaires entre les combattants Basques au front et leurs familles sont aujourd'hui sources d'informations.


histoire guerre régiment infanterie basco-béarnais 1939
18EME R.I.




Voici ce que rapporta à ce sujet la presse locale, La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-

Luz, le 31 octobre 1939 :



"Des nouvelles de nos amis-soldats. La lettre d'un quatuor biarrot.



Nos lecteurs et amis qui nous ont envoyé ou communiqué des lettres de nos Amis-Soldats voudront bien nous excuser si nous donnons la priorité à une lettre que nous venons de recevoir et qui émane d’un excellent ami écrivant au nom d'un quatuor bien de chez nous et particulièrement connu dans le monde du Sport ; nous avons nommé Jean Leguay, Arthur Armentia et les deux frères Galey ; elle est longue mais tous les Biarrots trouveront plaisir à la lire et nous pensons qu'Anastasie ne verra dans les détails qu'elle contient, rien qui puisse nuire à la Défense nationale. 



Voici cette lettre : 


J'en suis réduit à t'écrire bien à l’abri, certes, à trente mètres sous terre, mais pas très à l'aise sur ma paillasse. Puisque le n'ai plus de secrétaire, le "Gniaf" et "Frèdo" étant assez loin de moi. je vais essayer de te donner un vague aperçu de notre vie ici. Ce ne sera pas si bien décrit que sur les journaux, mais ce sera au moins plus véridique parce qu'on ne relate pas l'existence d'un régiment qui est au front en écrivant de l'arrière, pas plus qu'on ne parle de la nourriture de la troupe en se basant sur le repas qui vient de vous être offert par le colonel commandant le régiment, quand ce n'est pas par le général de division lui-même. Ne va pas croire que nous mangeons mal, ou que nous sommes des bagnards, loin de la ma pensée, mais il est tout aussi faux d'aller faire croire que nous menons presque une vie de château. La preuve en est que nous sommes sales comme des gitanes, crottés des pieds à la tète , nous nous lavons chaque fois que nous trouvons de l'eau, mais nous n'avons pas le temps de laver nos affaires, car nous ne pouvons pas rester en place, nous sommes de vrais nomades et je crois bien que nous avons goûté à toutes les formes du camping : nuits sous la tente, dans une grange ou une étable avec vaches et chevaux, dans les tranchées ou dans les casemates. 



je crois bien que le séjour le plus long que nous avons fait en un lieu est celui que nous avons passé en Allemagne, sur un beau coteau, le           qui a eu depuis les honneurs d'un communiqué. Nous y sommes restés quatre jours et surtout cinq nuits en toute première ligne avec les Allemands à six cents mètres devant nous. Le jour ils se terraient dans leurs trous, mais la nuit ils risquaient, assez timidement il est vrai, quelques patrouilles qui nous obligeaient à rester aux aguets. Pas de véritable attaque, seuls les obus étaient dangereux, mais les Français en envoyaient dix pour un. Tu vois donc que nous avons été assez bien partagés dans l’ensemble et nous revenons d’ailleurs presque au complet. N’empêche que les quelques pertes que nous avons subies et les quatre jours que nous avons passés là-haut, sans nous débarbouiller, sans presque dormir, sous les balles et les obus et dans la boue jusqu’au cou, nous ont dégoûtés à tout jamais de la guerre. Rien de tel pour nous inciter à nous débarrasser d’Hitler, si les Allemands ne s’en chargent pas, et à "fiche" une telle volée au peuple allemand qu’il n’ait pas envie de recommencer à nous emm...er de longtemps. Nous nous sommes repliés dans la nuit du 3 au 4 à la suite de la prise de Varsovie et devant l’inutilité désormais de sacrifier des hommes pour soulager les Polonais en essayant d’attirer les Allemands sur leur frontière occidentale. Depuis nous avons repris notre vie de juifs errants tout en restant dans le même secteur hauteur de            .Nous creusons des tranchées en attendant que les Allemands viennent sc briser contre celles-ci. Je t’assure que nous les attendons de pied ferme ; c’est tout juste si nous ne demandons pas qu’ils attaquent le plus vite possible pour que la guerre se termine au plus tôt. Cette confiance te fera peut-être sourire, mais je suis sûr que tu la partagerais si tu connaissais notre ligne Maginot. D’autre part les Allemands ne paraissent pas "gonflés" et Hitler ne sait où donner de la tête : il a attendu, pour faire deux semblants d’attaque, qu’il n’y ait personne devant lui, et encore il est certainement tombé sur un "bec" avec notre artillerie qui a dû faire de la casse. 



Mais trêve de considérations générales ; je ne veux plus faire mon prophète à la Léon Blum et je passe à la vie intérieure du 1er Bataillon du          dont Napoléon 1er a dit, paraît-il. "Brave        je te connais, l’ennemi ne tient pas devant toi" (tu parles !).



histoire régiment infanterie napoléon
18EME R.I.



C’est là notre devise, assez fière comme tu le vois, mais que ne demandent qu’à justifier les 60% des Basques et les 30% des Gascons qui composent notre bataillon. Inutile de te dire que dans une telle ambiance l’atmosphère est tout de suite sympathique ; c’est la grande famille et je suis sûr que toi-même tressaillerait de joie en entendant tous ces Basques chanter à la messe militaire du dimanche (messe où nous allons tous avant de monter en 1re ligne ; depuis il n’y a plus de repos dominical) le Betti Betti.... me fait l’effet d’un parfum qui me grise et me transporte au pays natal, au fond du Pays basque, dont je revois en un instant tous les lieux aimés, depuis Mauléon jusqu’à la Côte des Basques



Nous nous sommes retrouvés ici en pays de connaissances ; peu de Biarrots cependant mais pas mal de joueurs de rugby : en dehors de Galey, Haget et moi je te citerai, rien que pour le 1er bataillon, Félix Bergèse, Davant (CB 13), Carette (Roanne), Vergez (Boucau), Larquier (Oloron) et d’autres moins connus peut-être mais de réelle valeur. Comme au 2e bataillon il y a des Sanz, Brouzeng, Barrère, etc., et au 3e d’autres encore, je crois qu'aussitôt arrivés au repos nous ferons de beaux matches, d'autant plus que notre nouveau commandant est professeur de culture physique.



pays basque autrefois rugby sports biarritz-olympique
EQUIPE RUGBY 1938 1939 BIARRITZ OLYMPIQUE
COLL J URQUIDI



La nourriture, sans être évidemment trop abondante, est tout de même saine et nous complétons à merveille l’ordinaire grâce au lait que nous achetons et aux fruits et aux légumes que nous ramassons avec la permission de leurs propriétaires. Chaque fois que nous en avons le temps nous nous préparons quelque bonne soupe, du chocolat au lait, des omelettes parfois, des biftecks avec des frites, ou des lapins (il en foisonne par ici) bien accommodés, quand Gaby Haget (cuisinier des officiers) ne nous refile pas un peu de chevreuil ! Nous organisons entre nous de petites popotes à 7 ou 8 et nous nous entendons très bien : chaque colis est partagé, pour les victuailles tout au moins, saucissons, pâtés, fromages, chocolat... et comme ces colis sont nombreux nous sommes loin d’être malheureux. 



Nous avons des mines superbes, malgré les réelles fatigues endurées, et le moral est excellent. Il nous faut tout pour endurer notre nouvelle vie sous un froid assez rigoureux et des pluies fréquentes qui nous obligent à marcher dans un véritable bourbier. Pour la marche nous sommes rodés à présent et il y a un moment que nous avons dépassé les 500 kms. 



Je ne te donne pas d'autres détails sur les nombreux villages de l’Argonne et de la Lorraine que nous avons traversés. 



Je me contenterai donc de te dire, si tu ne le sais déjà, que Lataillade apprend à piloter à Agen et qu'il ne tardera pas à nous faire un brillant officier aviateur ; son jeune frère est déjà sous-lieutenant, mais je crois que l'aîné rattrapera vite son retard, car il semble avoir trouvé sa voie et il est enthousiasmé par son nouveau métier. 



Gabaston et Ospital ne sont pas trop à plaindre dans la banlieue parisienne où ils sont occupés tous deux à un mess. 



J'ai vu Pierrot Pastor à Achères, près de Paris, au moment de notre voyage de Pau ici. Plus de nouvelles depuis. 



J'ai rencontré aussi un soir, dans un village non loin de la frontière, Ambroise Héguy. toujours aussi pétillant d'esprit et de caractère aussi gai. 



Je crois t'en avoir assez dit pour aujourd'hui ; peut-être dans quelques jours — nous sommes relevés à la fin du mois. — aurai-je le plaisir de te causer de vive voix, puisque l’on parle de permission."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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