L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.
C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.
A partir d'aujourd'hui et pendant plusieurs semaines, je vais vous proposer tous les samedis un
article sur le "feuilleton" de l'affaire Stavisky et ses répercussions au Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 9 janvier
1934 :
"Stavisky est mort ce matin à 3 h. 15 Il a rendu le dernier soupir sans avoir pu parler
Chamonix, 9 janvier.
— Stavisky est mort ce matin à 3 h. 15 exactement.
Vers 1 heure du matin, l’opération du trépan a été pratiquée avec succès par le Dr Fallet.
Stavisky fut ramené dans sa chambre. A ce moment, la respiration et le pouls étaient satisfaisants et les docteurs Prallet et Agnel, qui veillaient au chevet du moribond, ont constaté vers 1 h. 45 que l’hémorragie était terminée.
Ils ont alors décidé de tenter un dernier effort pour sauver Stavisky. lis se sont rendus dans une pharmacie pour y acheter des ampoules de sérum. Grâce à ces soins, un léger mieux s’est produit dans l’état de Stavisky, mais il a été de courte durée ; la respiration a diminué insensiblement, et, à 3 h. 15, après quelques spasmes, Stavisky a rendu le dernier soupir, sans avoir pu parler.
Voix, et Lucette Albéras, après avoir subi un interrogatoire pendant la nuit, ont été remis en liberté surveillée, et sont descendus dans un hôtel de la ville.
VOIX ET LUCETTE ALBERAS AFFAIRE STAVISKY 1934 |
Pendant toute la nuit, Chamonix a été très animé ; de nombreuses personnes se rendant à l’hôpital pour avoir des nouvelles de Stavisky, un service d’ordre a été organisé pour maintenir les curieux.
"L'explication ne trompera personne", écrit le "Populaire".
Paris, 9 janvier. — "L’Humanité" et le "Populaire", paraissent avec d'énormes manchettes.
Voici, à titre documentaire, celle du "Populaire" :
"Stavisky est découvert la tête fracassée à coups de revolver, dans une villa de Chamonix ; la police affirme qu’il s’est suicidé au moment de son arrestation, mais l’explication ne trompera personne."
ARTICLE LE POPULAIRE 9 JANVIER 1934 |
Une perquisition chez M. Pigaglio ami de Stavisky.
Paris, 9 janvier.
— A 16 h. 30, M. Garreau, juge d'instruction, accompagné de M. Barthelet, commissaire de police et de quatre inspecteurs, se sont présentés 1, rue Jean-Weber, à l’appartement qu'occupe, dans un immeuble de la régie immobilière de la ville de Paris, M. Pigaglio (et non Pitaglio comme on l'a écrit jusqu’à présent par erreur).
En l'absence de l'intéressé, le magistrat et les inspecteurs ont fait sauter la porte de l'appartement.
Les magistrats ont saisi une correspondance assez volumineuse.
Une déclaration de M. Pigaglio.
Or, à la fin de l'après-midi, M. Pigaglio s’est présenté spontanément à la Sûreté, accompagné de son défenseur, M. de Porter, avocat à la cour. Il tint à préciser aux journalistes qui l’interrogèrent qu'il n'a jamais appartenu à la rédaction de "La Volonté", mais qu'il était le représentant dans ce journal de Stavisky, avant que celui-ci ne rompit son contrat avec M. Albert Dubarry.
M. Pigaglio précise le rôle qu'il a joué dans la fuite de Stavisky.
A la Sûreté générale, M. Pigaglio a déclaré que le samedi 23 décembre 1933, il reçut un coup de téléphone de "M. Alexandre", qui lui demandait s’il irait passer ses vacances, comme chaque année, à Servoz. Sur sa réponse ferme M. Alexandre lui dit : "Je pars avec vous" ; et le 24, ils quittaient Paris en automobile. Ils couchèrent, en cours de route à Fontainebleau, et le 25 ils repartirent en direction de Dijon. Mais, vu l’état de la route, ils s’arrêtèrent à Laroche, et ils prirent le train pour Saint-Gervais-le-Fayet. Arrivés là ils se dirigèrent sur Servoz, où M. Pigaglio avait une villa, mais il ne put la louer à "M. Alexandre", car le chauffage centrai marchait mal ; et il alla louer, en son nom personnel une villa appartenant à Mme Dussaix.
Puis M. Pigaglio quittait Servoz le jeudi 28. C’est à son arrivée à Paris, dit il, qu'il apprit seulement le mandat lancé contre Serge Alexandre-Stavisky.
M. Pigaglio repartit aussitôt pour Servoz et alla trouver "M. Alexandre", à qui il apprit le mandat qui était lancé contre lui et qu'il ne pouvait plus le garder dans la villa qu’il lui avait louée. Stavisky, qui paraissait très fatigué, lui annonça qu’on ne l'aurait pas vivant, et tout en causant, il jouait avec un pistolet.
M. Pigaglio regagna Paris le lendemain en lui déclarant qu’il ne le dénoncerait pas.
Les relations de M. Garat et de Stavisky étaient fréquentes.
Paris, 9 janvier.
— M. Ordonneau, juge d’instruction, au cours de sa perquisition à la Société S.I.M.A. et à la Société S.A.P.E.P., 1, rue Volney, où il a saisi un certain nombre de documents, a recueilli les déclarations de M. Racognino, secrétaire de Stavisky, et administrateur unique de la S.A.P.E.P. Le juge a pu faire préciser un point important : à savoir que M. Garat prenait soin, presque tous les jours, de téléphoner à Stavisky.
Le coup de revolver de Chamonix.
De drame en drame.
Les événements du jour n'auraient été hier que l'arrivée de Me Campinchi, du barreau de Paris, défenseur de M. Garat et les perquisitions tant au domicile de celui-ci, qu’à la mairie.
Mais un autre, retentissant, étrange, fut appris vers la fin de l’après-midi.
La Gazette put communiquer la nouvelle à ses lecteurs :
Sur le point d’être arrêté par les policiers qui depuis deux jours étaient sur sa piste, à Chamonix. Stavisky s’est tiré un coup de revolver à la tète, nous apprenait une dépêche de l'agence Havas.
La balle se logea dans la cervelle.
Toutefois, ainsi que nous l’avons précisé, Stavisky n'était pas mort. On tenta de le sauver, nous dit-on encore, en le trépanant.
Mais rien n’y fit, il mourut dans la nuit.
Cette mort, au moment même où l'on incitait la main sur lui, va certainement priver l'instruction de renseignements précieux et décevoir la curiosité publique.
On dit que quelqu'un, qui le connaissait bien, l’accusé Tissier, pour ne pas le nommer, se serait écrié, en apprenant cette nouvelle : "De cet homme ?.. ce n’est pas possible !"
Le fait pourtant est là. Stavisky doit emporter bien des secrets dans la tombe.
Lorsqu'on apprit à Bayonne, comme à Biarritz, la nouvelle de ce suicide, ce fut comme une trainée de poudre. On s'arracha notre troisième édition, comme on s'était arraché, le matin, notre édition spéciale.
On peut penser si les commentaires allaient leur train !
Aujourd'hui a lieu la confrontation de M. Garat avec Tissier. Il n’est pas douteux que cet événement, lui aussi, sera dramatique.
Quelques mots pour finir.
Dans une interview, l'associé de M. Garat à Paris dans son cabinet de contentieux, a dit avec quelle simplicité le député de Bayonne vivait à Paris : il voyageait en seconde dans le métro et, lorsqu'il venait à ce cabinet, il prenait ses repas dans un modeste restaurant des environs du boulevard Voltaire.
Mais combien "plus simple" encore est depuis deux jours la vie de l’inculpé. Il occupe dans la lépreuse maison d'arrêt de Bayonne, tout au fond du quartier Saint-Esprit, une étroite cellule de 3 mètres 50 sur 2 mètres, blanchie à la chaux et chichement éclairée par une imposte haut placée.
Pour meuble, une tablette scellée au mur et une chaise enchaînée. Pour lit, un bat-flanc, qu’on relève le jour venu !..
Stavisky est mort cette nuit.
La Gazette a annoncé hier, dans sa troisième édition, que l'aventurier Stavisky, rejoint par les policiers à Chamonix, s'était tiré une balle dans la tête.
C'est hier après-midi, un peu après 16 heures, à Chamonix, dans une villa nommée "le Vieux Logis", que s'est déroulé le drame qui mettra probablement un terme à la carrière de Stavisky.
Le commissaire Charpentier, de la Sûreté générale, les inspecteurs Legall et Girard mis, comme on le sait, sur la piste de l’escroc, avaient retrouvé sa trace à Servoz de la façon suivante. On savait que, dans sa fuite, Stavisky était accompagné par un repris de justice dont le nom n’est pas encore dévoilé. L'escroc, lui, était muni d'un faux passeport. Son compagnon, par contre, possédait des pièces d'identité à son véritable nom. En suivant dans les hôtels de la région les traces du compagnon de Stavisky, on suivait forcément la piste de ce dernier. C'est ainsi que celle-ci fut retrouvée à Megève, puis à Chamonix. Là, le commissaire Charpentier, aidé par une très diligente enquête de la gendarmerie locale, retrouve, établie au nom du comparse, une location de villa : "le Vieux Logis".
VILLA LE VIEUX LOGIS CHAMONIX AFFAIRE STAVISKY 1933 1934 |
Les policiers, néanmoins, se rendent au "Vieux Logis" et s'aperçoivent qu'un mince filet de fumée sort de la cheminée. Quatre gendarmes entourent la maison. Le propriétaire, à la demande du commissaire Charpentier, vient jusqu'à la villa.
Le propriétaire, le premier, escalade un mur. Il croit s'apercevoir, à ce moment, que sa maison est occupée. Les policiers s’approchent et frappent à la porte. Personne ne répond. Alors, le propriétaire de la villa brise un carreau pour ouvrir la porte de l'extérieur.
Un coup de pistolet retentit.
Tout le monde pénètre à l’intérieur du "Vieux Logis". Staviskv est étendu dans une des pièces où il a fait du feu. Il râle...
STAVISKY 1933 1934 |
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