LE CHÂTEAU DE MOUGUERRE EN 1930.
Cela fait plusieurs mois que je vous présente divers châteaux du Pays Basque.
Aujourd'hui, c'est celui de Mouguerre, en Labourd.
Je vous ai déjà présenté les châteaux suivants : Urtubie (Urrugne), Arcangues, Maytie (Mauléon),
Bidache, Haïtze (Ustaritz), Beraün (Saint-Jean-de-Luz), Artigaux (Moncayolle), Lacarre,
Irumberry (Saint-Jean-le-Vieux), Ahetzia (Ordiarp), Ruthie (Aussurucq), Cheraute, Ahaxe,
Charritte, Menditte, Eliçabia (Trois-Villes), Elhorriaga (Ciboure), Larrea (Ispoure) et Saint-Pée-
sur-Nivelle.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée basque N°11, en 1930 :
"Les châteaux Labourdins.
I Château d'Aguerria.
Parmi les buts de promenade si variés et attrayants des environs de Bayonne, un des plus appréciés est certainement la hauteur désignée sous le nom de "Croix de Mouguerre" fréquentée en toutes saisons par les promeneurs et les touristes.
Mouguerre, ancienne paroisse du pays de Labourd, est un gracieux village occupant une longue crête terminée par un plateau d'où la vue embrasse un des plus beaux panoramas du pays. A quelques centaines de mètres de cet endroit, on distingue une belle habitation à l'allure de château, entourée de nombreuses et vastes dépendances ; c'est le domaine d'Aguerria.
Bien que d'origine plus récente que beaucoup d'autres maisons nobles du pays basque, Aguerria.
Voici ce que l'on sait de ses anciens propriétaires.
Lorsque la domination anglaise eut cessé en Labourd, il s'écoula un temps assez long avant que les agents du roi de France aient pu se mettre au courant des franchises locales et des traditions auxquelles une longue antiquité donnait force de loi. Cependant on avait d'autant plus de raisons d'être fixé que la plupart des cas qui se présentaient étaient fort complexes et difficiles à élucider. Entre autres choses le roi avait besoin de connaître exactement les services que lui devaient les gentilshommes du pays.
CROIX DE MOUGUERRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans ce but il chargea, en 1505, Guillaume de Laduchs, lieutenant de sénéchal au siège de Bayonne, d'élucider cette question. Ce dernier procéda à une enquête et, dans le rapport qu'il rédigea à cette occasion, il s'exprime au sujet du château d'Aguerria dans les termes suivants :
"Petty d'Aguerre possède la salle de Saint-Jean-le-Vieux, avec la maison Harandéguy et plusieurs autres biens. Il ne paie au roy aucun fief ; ne fait aucun service parce qu'il se dit "infançon".
On appelait "infançons" des gentilshommes de seconde catégorie qui devaient au roi le service militaire mais qui le faisaient à pied. On peut donc admettre que les Aguerre , en basque "Aguerria", étaient des nobles navarrais qui vinrent s'établir à Mouguerre, à la fin du 15ème siècle, à la suite des guerres civiles qui avaient désolé leur pays et l'avaient partagé en deux factions rivales, les Gramontais et les Beaumontais.
Les Gramont, vaincus dans cette longue lutte, furent suivis dans leur retraite par nombre de leurs partisans car l'on voit, à cette époque, plusieurs seigneurs navarrais se fixer définitivement en Labourd. Ces émigrés, d'origine étrangère, n'étaient tenus à aucun service vis-à-vis du roi de France.
C'est seulement au 17ème siècle que l'on commence à connaître avec certitude la généalogie des châtelains de Mouguerre. En 1624, Pierre d'Aguerre écuyer, maître du domaine, prenait une part active aux violents démêlés des habitants de la paroisse avec les échevins et bourgeois de Bayonne. Ces démêlés avaient pour cause les taxes exigées par Bayonne pour le transport des vins destinés aux habitants ; ils donnèrent lieu à plusieurs luttes à main armée et finirent par de longs procès devant le Parlement de Bordeaux.
Les successeurs de Pierre d'Aguerre, Martin et son fils Bernard, firent peu parler d'eux. La plus grande harmonie paraît avoir toujours existé entre ces paisibles châtelains, les habitants de la paroisse et leurs voisins.
Pas plus que les autres gentilshommes labourdins, les seigneurs d'Aguerre n'avaient de droits féodaux, mais la possession du château leur conférait quelques privilèges honorifiques dénotant, par leur nature, une origine ecclésiastique. En vertu de l'un d'eux ils présentaient le vicaire, mais ils devaient le loger et ils lui avaient réservé une de leurs maisons qui porte toujours le nom de "Apéchaénia", "la demeure du prêtre".
Bertrand, le fils de Bernard, épousa, en 1756, Agnès Dithurbide-Larre, fille d'un brigadier des armées du roi, vieux soldat des batailles de Raucourt et de Fontenoy. En 1758, il fit rebâtir le château et lui donna l'aspect qu'il présente encore aujourd'hui.
Le beau-père de Bertrand, Pierre Dithurbide, était le fils de modestes cultivateurs. Parti comme simple soldat, en 1730, il était brigadier en 1757 et chevalier de Saint-Louis, ce qui prouve qu'en plein 18ème siècle, un villageois obscur et roturier pouvait arriver aux plus hautes situations de l'armée. Il fut tué à Gottingue, le 30 Mai 1762, d'un coup de sabre à la tête. Parmi les actions d'éclat qu'on peut citer à son actif, on ne saurait omettre l'arrestation de Mandrin, le célèbre bandit, dont il s'empara au péril de sa vie.
De l'union de Bertrand Aguerre et d'Agnès Dithurbide-Larre, naquit une fille unique, Saubade-Norbertine, qui épousa Bernard d'Arréguy, négociant à Bayonne. Ils eurent pour héritière leur fille Adèle laquelle mourut célibataire, en 1874, laissant tous ses biens à sa nièce, Mme Durand-de-Linon de Saint-Cricq. Après le décès de cette dernière, en Janvier 1895, ses trois filles vendirent le domaine d'Aguerria à M. Garcia de Ysla.
D'origine Mexicaine, M. Garcia de Ysla a été, pendant de longues années, consul du Mexique à Bayonne. C'était un homme du monde dans toute l'acceptation du terme, des plus distingués et très apprécié de la bonne société bayonnaise et étrangère. Lorsqu'il se rendit acquéreur du domaine d'Aguerria, il avait des visées plus hautes que la recherche exclusive de son agrément personnel. Il désirait fonder une école d'agriculture pour les orphelins et les enfants de familles nécessiteuses qui y recevraient, en même temps que des principes religieux et moraux, des connaissances pratiques qui en fissent d'excellents agriculteurs.
C'est dans ce but qu'après un arrangement avec les moines bénédictins de Labastide-Clairence, il a organisé ce beau domaine en une ferme-école dirigée par ces religieux qui ont formé toute une génération de jeunes gens restés longtemps sous leur bienfaisante influence.
ORPHELINAT AGRICOLE DOMAINE AGUERRIA MOUGUERRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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